Les fada, espace de sociabilité pour les jeunes Nigériens

VidéoIl est environ 18h30 dans un quartier populaire de la ville de Niamey. On peut apercevoir au loin un petit groupe d’hommes constitué de différentes tranches d’âges, une fada. A tour de rôle chacun prend la parole. Nous essayons de les approcher pour en savoir un peu plus.

Le 09/01/2022 à 15h04, mis à jour le 09/01/2022 à 15h10

L’origine du terme fada exprime un espace et désigne, en langue haoussa, les conseillers du chef traditionnel qui passent la journée dans la cour de ce dernier à discuter. C’est vers les années 1990, à la suite de la conférence nationale, que le terme fada apparaît proprement dit à Niamey la capitale et désigne des organisations de jeunes garçons.

«Bien avant l’arrivée des fada, les vieux se retrouvaient autour du baobab pour causer et échanger avec les jeunes. La nuit aussi, les anciens racontaient des contes et autres légendes aux enfants pour qu’à leur autour aussi, ceux-ci transmettent le savoir», explique Sékou Omar Souleymane, sociologue.

«La fada est un cadre d’échange, d’apprentissage entre les jeunes, les amis etc. Au sein des fada, les membres sont issus des divers horizons et apprennent autres choses que ce qui leur est appris dans le cadre familiale», déclare Oumarou Bassirou, lui aussi sociologue.

Le groupe est constitué de travailleurs, d’étudiants et même d’élèves. Le sujet du débat porte pour la Coupe d’Afrique des Nations de football. Autour d’un thé, les échanges évoluent puis le thème change jusqu'à l’heure de la prière. Au Niger, ce micro groupe appelé fada est un phénomène social très répandu dans le pays depuis plusieurs décennies.

«Après la descente du boulot, nous n’avons nulle part où aller si ce n’est la fada. Au début les plus jeunes avaient peur d’intégrer la fada parce qu’ils se disaient que seuls les anciens avaient ce droit, alors que c’est plutôt un espace de recueillement. Dans notre fada, nous avons différentes couches d’âge. Aujourd’hui, nous soutenons les plus jeunes de notre fada qui sont généralement des élèves ou des étudiants. Et même quand quelqu’un traverse des moments difficiles, c’est au sein de la fada qu’il retrouve souvent du réconfort», explique Amadou Dari Omar membre d’un de ces groupes de la capitale nigérienne.

«Ici, nous sommes dans un cadre académique, nous venons à la faculté, mais ce n’est pas de 8h00 à 18h00 que nous avons cours. Pendant les heures libres, nous nous retrouvons à la fada pour partager un certain nombre de choses. Nous nous assistons, par exemple quand un membre de la fada à une activité, nous le soutenons. En cas de situation difficile ou de décès, cette amitié de la fada va se transporter dans nos vies individuelles», explique Issoufou Garba idrissa, étudiant à l’université Abdou Moumouni de Niamey membre de la fada.

Au fil des années, au Niger, les fada ont évolué et les profils sont de plus en plus différents. On remarque de plus en plus des groupes se former parmi lesquels on peut distinguer les retraités, les travailleurs d’une même corporation, les jeunes d’un même quartier, et ceux motivés par d’autres intérêts d’ordre intellectuel, matériel ou financier. Auparavant pour les plus jeunes, être membre d’une fada était perçu comme appartenir à un groupe dominant de la société.

Dans cette évolution, plusieurs sociologues relèvent aussi le coté négatif de certaines fada qui se caractérisent par la promotion de la délinquance, de la fainéantise, de la débauche etc.

Par Aboubacar Sarki (Niamey, correspondance)
Le 09/01/2022 à 15h04, mis à jour le 09/01/2022 à 15h10