Comme Ahmad, de nombreux Nigérians, écrasés par un coût de la vie qui ne cesse d'augmenter, se tournent vers les remèdes naturels bon marché pour espérer guérir de toutes formes de maladies, du rhume au paludisme, et même le cancer.
Une alternative efficace pour beaucoup, mais risquée, selon les médecins, qui alertent sur l'existence de faux remèdes et de nombreux herboristes charlatans.
"Depuis deux ans, j'utilise des remèdes à base de plantes car mes revenus ne me permettent plus de supporter les frais d'hospitalisation de plus en plus élevés", se désole Ahmad devant une herboristerie de Kano.
Face à l'explosion du coût de la vie, "les parents donnent la priorité à la nourriture, qui ne laisse qu'une fraction pour les autres besoins", poursuit-il, un sac plastique à la main contenant deux préparations naturelles contre le paludisme.
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Chacune lui a coûté 200 nairas (45 centimes). Pour des soins à l'hôpital, il aurait payé 2.500 nairas (5,50 euros), soit douze fois plus.
Ces dernières années, le Nigeria - premier producteur de pétrole d'Afrique - a été durement frappé par la chute des cours de l'or brut provoquée par la pandémie de Covid-19, conduisant à une inflation de plus de 17%.
Le pays le plus peuplé d'Afrique, qui compte plus de 210 millions d'habitants, a même connu deux récessions: en 2016 d'abord, puis en 2020. Des millions de Nigérians ont basculé dans l'extrême pauvreté, dont souffre maintenant plus d'un tiers de la population.
Santé défaillante
L'utilisation de plantes médicinales est une tradition au Nigeria, surtout dans les communautés traditionnelles, mais ces remèdes naturels sont de plus en plus populaires.
Jummai Saeed est une cliente régulière du marché de Yarkutungu, à Katsina (nord), où elle achète boissons et onguents pour traiter la toux, les rhumes et le paludisme de ses cinq enfants.
Derrière son fin voile blanc, Mme Saeed, jeune fonctionnaire au maigre salaire, explique devoir équilibrer ses dépenses.
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"Les prix des produits alimentaires, les frais scolaires pour les enfants et le coût des soins ont tous flambé et les familles doivent faire un choix", insiste-t-elle.
Les herboristes affirment qu'avec le pouvoir d'achat amoindri et un système de santé défaillant, leurs ventes ont explosé.
"Le nombre de clients a été multiplié par quatre, car chaque jour nous nous occupons de personnes de différents milieux sociaux qui viennent nous demander des remèdes", affirme Abubakar Khalid, herboriste du quartier Yakasai de Kano.
Le système de santé nigérian est un des plus défaillants au monde, classé 163 sur 191 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
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D'après l'Association des médecins du Nigeria (MNA), le pays ne dispose que de 40.000 médecins, soit deux docteurs pour 10.000 habitants. Un chiffre bien en-deçà du seuil de l'OMS, fixé à un médecin pour 600 habitants.
Et, pour ne rien arranger, un énorme volume de faux médicaments se retrouvent sur le territoire. L'agence nationale de contrôle qualité, la Nafdac, estime qu'au moins 17% des médicaments ne sont pas conformes aux normes.
Cocktail mortel
La phytothérapie est un art conservé au sein de certaines familles et transmis de génération en génération. Mais certains charlatans se sont introduits sur ce marché, et promettent parfois même de guérir du sida ou de maladies incurables.
En 2017, le mari de Hajara Bashir est mort d'une hémorragie interne après avoir bu un mélange à base de plantes contre les hémorroïdes qu'il avait acheté à un vendeur itinérant devant son domicile à Katsina.
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"Il est entré dans la maison en titubant et s'est allongé sur le sol en vomissant du sang. La bouteille n'avait pas d'étiquette, nous n'avons donc pas pu retrouver le vendeur", raconte Mme Bashir.
En décembre dernier, la Nafdac a mis en garde les Nigérians contre la consommation de mélanges à base de plantes qui peuvent développer des bactéries mortelles en raison d'un mauvais stockage.
Pour le docteur Musa, les herboristes ne font qu'exploiter le système de santé chaotique.
"Les gens ne font plus confiance au système de santé et nous devons les reconquérir, et nous ne pouvons le faire que si nous renforçons la qualité des soins et leur accès".