Construit sur une colline à Kawele, à 15 km au sud du chef-lieu de la province du Nord-Ubangi, dans le nord-ouest de la République démocratique du Congo, le vaste domaine était un véritable bijou, surnommé "le Versailles de la jungle".
Le maréchal à la toque de léopard, arrivé au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat en 1965, y recevait les grands de ce monde du temps de sa splendeur. Lorsqu'il a été renversé le 17 mai 1997 par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila (au pouvoir de 1997 à 2001), soutenue par le Rwanda et l’Ouganda, il s'y est brièvement réfugié avant de partir en exil.
Mobutu Sese Seko est mort peu après d'un cancer de la prostate, le 7 septembre 1997 au Maroc, où se trouve encore sa dépouille et où vit une partie de sa famille, dont sa veuve Bobi Ladawa.
«Les voleurs viennent des villages environnants pour récupérer des barres de fer, des morceaux de marbre et autres matériaux de construction», explique à l'AFP Pierre Mokwe, un riverain faisant le guide dans les ruines de l'ancien palais que survolent les hirondelles.
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C'est «le résultat des crises politique et sociale», estime cet agriculteur de 53 ans, en regrettant les années Mobutu quand, dit-il, «on vivait bien, on avait à manger, on voyageait sans difficulté».
La RDC a été ravagée par deux guerres, en 1996-1997 (qui a renversé Mobutu) et 1998-2003, quand le Mouvement de libération du Congo (MLC), rébellion dirigée par Jean-Pierre Bemba, a occupé le Nord-Ubangi.
Tombes profanées
«A la première guerre, il y avait des pillages mais les maisons n'étaient pas détruites. C'est pendant la seconde, quand les militaires (rebelles) qui y habitaient n'étaient pas payés, qu'ils se sont mis à détruire et revendre ce qui était dans les maisons», déclare Oscar Oshobale, gouverneur par intérim du Nord-Ubangi.
Plongée dans un silence lourd, la chapelle de la Miséricorde, dans le nord de Gbadolite, offre elle aussi un spectacle désolant.
En marbre, ornée d'objets en or et autres matières précieuses, cette chapelle catholique construite en 1978, où étaient enterrés la première épouse de Mobutu, Marie-Antoinette, et au moins trois fils du couple présidentiel, est complètement détruite.
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«Les tombes ont été profanées», affirme à l'AFP le sacristain, Jérôme Yumbi, «les restes de maman Mobutu et des enfants ont été inhumés à nouveau dans un cimetière» à quelques dizaines de mètres.
Des réalisations de Mobutu, il reste la centrale hydroélectrique de Mobayi-Mbongo, construite sur la rivière Ubangi, à la frontière avec la République centrafricaine, qui fournit encore de l'électricité 24 heures sur 24, faisant de la région un ilot de lumière dans un océan de ténèbres, dans cet immense pays au cœur de l'Afrique.
Il y a aussi un réseau routier d'une quarantaine de kilomètres asphaltés, qui tient encore.
Dans la ville, rien de frappant ne rappelle le régime de celui qui a dirigé l'ex-Zaïre d'une main de fer pendant 32 ans, à l'exception d'un modeste buste de Mobutu, érigé l'année dernière devant la mairie.
Mais tous évoquent sa mémoire avec une certaine nostalgie, oubliant l'économie dévastée, l'opposition matée, la prédation et la corruption, mais considérant "l'unité nationale" comme l'héritage laissé par l'ancien président.
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Mobutu «ne disparaîtra jamais dans la tête des gens. Il a donné au peuple la conscience de l'indivisibilité nationale, il a unifié le pays», assure le Pr Pierre Nzege, qui fut plusieurs fois son ministre.
«La dictature avait son mauvais côté mais aussi son bon côté. On respectait l’État, on respectait les autorités», estime par ailleurs le gouverneur Oshobale.
"Plus de régressions que de progrès"
«S'il est devenu dictateur, c'est peut-être aussi de notre faute, nous lui demandions un peu trop", juge de son côté Mgr Dominique Bulamatari, évêque du diocèse de Molegbe, dont le siège est à Gbadolite.
Vingt-cinq ans après, «j'ai l'impression qu'il y a plus de régressions que de progrès», poursuit le prélat, pour qui Mobutu a laissé le souvenir d'un dirigeant «visionnaire, trop en avance» sur son temps.
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Les jeunes nés après 1997 ont une image moins nette de l'ancien président. Mais «les aînés disent qu'il nous aimait beaucoup, qu'il donnait tout pour le Nord-Ubangi. Je ne sais pas si nous aurons encore un grand dirigeant comme lui ici», regrette Honoré Ngusambia, un serveur de 23 ans.
A 900 km de là, dans la capitale Kinshasa, Catherine-Marthe Nzuzi wa Mbombo, collaboratrice et membre du cercle restreint de Mobutu dès ses 19 ans, se souvient de son mentor comme d'un meneur de troupes dans l'ex-Zaïre, dont la partie orientale est en proie depuis plus d'un quart de siècle aux violences de nombreux groupes armés, locaux et étrangers.
«Nous avons neuf frontières et du temps du président Mobutu, aucun voisin ne pouvait jouer avec le Zaïre», affirme fièrement cette femme de 77 ans. «Si vous preniez un mètre de notre territoire, vous saviez que la réaction allait être immédiate, qu'on allait vous renvoyer d'où vous veniez».