Voitures d’occasion en Afrique: le PNUE tire la sonnette d’alarme

Un marché de voitures d'occasion en Côte d'Ivoire.

Un marché de voitures d'occasion en Côte d'Ivoire.. DR

Le 27/10/2020 à 13h29, mis à jour le 28/10/2020 à 21h02

Les importations de véhicules d’occasion ont des impacts négatifs sur la qualité de l'air, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) qui appelle pour une évolution des règlementations encadrant les exportations et les importations de véhicules d'occasion.

Chaque année, des millions de véhicules d’occasion sont exportés depuis l’Europe et les Etats-Unis vers les pays en développement, particulièrement en ’Afrique, devenue depuis quelques décennies la poubelle des véhicules d’un autre âge des pays industrialisés.

Ainsi, selon un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), institution des Nations unies basée à Nairobi, au Kenya, entre 2015 et 2018, ce sont 14 millions de véhicules légers d’occasion qui ont été exportés par les pays industrialisés.

80% sont expédiés vers des pays à faible revenu, dont plus de la moitié vers l’Afrique, soit plus de 5,6 millions de véhicules d’occasion importés sur la période. Le nombre de véhicules d’occasion entrant annuellement sur le continent serait beaucoup plus élevé. Diverses sources avancent entre 3 et 4 millions de véhicules d’occasion importés annuellement par le continent. A titre d’exemple, au Nigeria, les véhicules d’occasion représenteraient plus de 90% des ventes annuelles de voitures.

Selon le Pnue, le parc automobile mondial est l’un des principaux responsables de la pollution atmosphérique et du changement climatique. En effet, à l’échelle mondiale, le secteur des transports est responsable de près d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie. Selon le rapport, «les émissions des véhicules sont une source importante de particules fines (PM2,5) et d’oxyde d’azote (NOx) et sont des causes majeures de la pollution atmosphérique urbaine».

«L’absence de normes et de réglementations efficaces facilite le dumping de véhicules anciens, polluants et dangereux», a souligné Inger Andersen, directrice exécutive du Pnue.

En conséquence, «l’assainissement du parc automobile mondial est une priorité pour atteindre les objectifs mondiaux et locaux en matière de qualité de l’air et de climat», a-t-elle ajouté.

Le rapport du Pnue, basé sur une analyse approfondie de 146 pays, montre que deux tiers d’entre eux ont des politiques «faibles» voire «très faibles» pour la réglementation de l’importation des véhicules d’occasion. C’est le cas notamment de nombreux pays africains.

Le rapport met l’accent sur les pays qui ont mis en œuvre des politiques pour régir l’importation de véhicules d’occasion, soulignant que ceux-ci parviennent à importer des véhicules d’occasion de bonne qualité, y compris des voitures hybrides et électriques.

Il cite à ce titre le Maroc qui autorise uniquement l’importation de véhicules de moins de 5 ans et de ceux qui répondent à la norme européenne d’émission Euro4. Du coup, le pays ne reçoit pas la poubelle européenne de véhicules d’occasion.

Pour la majorité des pays africains, les véhicules d’occasion importés avaient un âge compris entre 16 et 20 ans, et même plus, et étaient en dessous des normes d’émission Euro4 de l’Union européenne. Selon l’étude, l’âge moyen des véhicules d’occasion importés par la Gambie était de 19 ans et ceux par le Nigeria de 20 ans.

Les conséquences de ces importations de véhicules d’occasion sont nombreuses et néfastes pour le continent africain. Les véhicules d’occasion sont responsables de la pollution atmosphérique dans les grandes villes africaines. Selon le Pnue, le trafic routier est à l’origine de 90% de la pollution de l’air dans les villes en explosion démographique.

Ensuite, ces véhicules vétustes contribuent à l’augmentation des maladies liées à la qualité de l’air (cancer, asthmes, etc.), du fait de leurs émanations de gaz et de polluants, et aggravent le problème de santé publique dans de nombreux pays africains.

En outre, ces véhicules de mauvaise qualité entraînent une augmentation du nombre d’accidents de la route avec des pertes en vies humaines importantes et des dégâts coûteux pour les économies africaines . Ainsi, les pays qui ont une réglementation faible sur les véhicules d’occasion (Malawi, Nigeria, Zimbabwe, Burundi, etc.) ont des taux de mortalité routière très élevés. A l’opposé, les pays qui introduisent une réglementation sur ces véhicules d’occasion disposent globalement de parcs de véhicules plus sûrs et présentent un nombre réduit d’accidents.

Face aux conséquences néfastes de ces importations, le Pnue et d’autres organismes militent pour une nouvelle initiative visant à introduire de normes minimales pour les véhicules d’occasion au niveau des pays africains. Certains ont déjà mis en place des normes de qualité minimales. C’est le cas du Maroc, de l’Algérie, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et de l'île Maurice. Ainsi, le Ghana a été le premier pays d’Afrique de l’Ouest à adopter les carburants à faible teneur en soufre, en plus de la limitation à 10 ans d’ancienneté pour les importations de véhicules usagés. En Côte d’Ivoire, depuis le 1er juillet 2018, les voitures d’occasion de plus de 5 ans sont interdites d’entrée sur le territoire ivoirien.

Dans le même sillage, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a fixé des normes pour des carburants et des véhicules plus propres à compter de janvier 2021, ainsi que des limites d’ancienneté pour les véhicules d’occasion.

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Reste qu’au-delà de ces initiatives, certains facteurs font que le marché de l’occasion devrait continuer à être dynamique en Afrique dans les années à venir. D’abord, il y a la cherté des véhicules neufs qui ne sont pas à la portée des bourses des populations africaines.

Ensuite, il y a le faible développement du crédit automobile en Afrique subsaharienne qui pousse les acquéreurs à payer cash leur voiture. Et quand les crédits automobiles existent, les taux sont généralement prohibitifs, tournant autour de 20% dans certains pays.

En outre, il y a la forte offre de véhicules d’occasion européens et asiatiques à cause des réglementations sur l’âge des véhicules en circulation et les politiques de renouvellement des parcs. Ainsi, en Suisse, ce sont chaque année 40.000 véhicules destinés à la casse qui disparaissent mystérieusement après leur retrait de la circulation.

En clair, les pays exportateurs doivent aussi être fermes sur les véhicules qu'ils expédient en Afrique en veillant à ce que ces véhicules respectent les critères européens. Ce qui est loin d'être le cas actuellement.

Enfin, il y a le faible taux de motorisation en Afrique –à peine 50 voitures pour 1.000 habitants- pour pousser à l’achat de véhicules d’occasion en l’absence d’une industrie automobile locale, à l’exception du Maroc et de l’Afrique du Sud. A ce titre, et afin de décourager les importations de véhicules vétustes, certains constructeurs implantent de petites unités de montage un peu partout en Afrique. C’est le cas notamment de l’allemand Volkswagen (Nigeria, Rwanda, Ghana, Ethiopie, etc.) et de Toyota (Nigeria, Ghana, Côte d’Ivoire, etc.).

In fine, pour lutter contre les effets néfastes des véhicules d’occasion, il faut prendre en considération tous ces paramètres.

Par Moussa Diop
Le 27/10/2020 à 13h29, mis à jour le 28/10/2020 à 21h02