Dépendance alimentaire: les importations de l'Afrique vont atteindre 110 milliards de dollars d'ici 2025, selon la BAD

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Le 30/05/2022 à 12h42, mis à jour le 30/05/2022 à 12h45

Alors que la crise russo-ukrainienne a montré les effets néfastes de la dépendance alimentaire du continent africain, celle-ci devrait malheureusement continuer à croitre dans les années à venir, selon les projections de la Banque africaine de développement (BAD).

La guerre Russie-Ukraine a montré à quel point le continent africain est vulnérable du fait de sa dépendance des importations alimentaires pour nourrir sa population. La Banque africaine de développement avance, dans l'édition 2022 de sa Revue annuelle sur l’efficacité du développement, que «l’Afrique est un importateur net de produits agricoles depuis les années 1980», car l’augmentation de la production agricole n’a pas suivi celle de la croissance démographique. Du coup, le déficit en produits alimentaires est comblé annuellement par des importations.

Et si la vulnérabilité du continent, en raison de sa dépendance à l'égard des importations, a été clairement démontrée par la crise russo-ukrainienne, qui a entrainé la flambée des cours des produits agricoles, les deux pays fournissant à l’économie mondiale 30% de son blé, 20% de son maïs et 60% de son huile de tournesol, la situation ne devrait pas vraiment s'améliorer dans les années à venir, selon la BAD. «La dépendance de l’Afrique à l’égard des importations alimentaires devrait atteindre 110 milliards de dollars d’ici 2025», explique l'institution panafricaine. Le déficit de la balance commerciale du continent, qui a atteint 36,3 milliards de dollars, devrait ainsi continuer de se creuser à cause des importations de produits alimentaires. Et la facture devrait se gonfler davantage en raison de la flambée des cours de nombreux produits agricoles dont les prix ont augmenté de plus de 40% depuis le début de l’année, dont le blé , le maïs, etc.

Comment expliquer ce déficit de la production agricole alors que le continent peuplé de 1,3 milliard de consommateurs dispose de terres arables non encore exploitées et de vaste cours d’eau pour produire sa nourriture? Pour la BAD, la raison principale est la faiblesse des rendements agricoles en Afrique, comparativement aux autres régions du monde. A titre d’illustration, alors que dans les pays africains à faible revenu, on produit 1,3 tonne de céréales à l’hectare, en Inde, on en produit le double à l’hectare et en Chine, on dépasse les 5 tonnes/hectare. En clair, on doit semer 5 fois plus de terre que la Chine pour atteindre sa production à l’hectare.

Cette faible productivité agricole africaine s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs, dont la faible mécanisation agricole, le recours négligeable aux engrais, les effets des changements climatiques et la dégradation des sols.

En clair, sans une amélioration de la productivité agricole, notamment pour ce qui est des céréales, l’Afrique continuera à importer des produits agricoles de première nécessité (riz, blé, maïs, oléagineux…) pour nourrir sa population galopante. De plus, en augmentant la productivité, on accroit les revenus des agriculteurs, notamment les petits exploitants, et on réduit la pauvreté et l’exode rural.

C’est dans cette optique que s’inscrit le programme Technologies pour la transformation de l’agriculture africaine (TAAT) de la BAD qui vise à accroître la productivité agricole en mettant à la disposition des agriculteurs des technologies éprouvées et climato-résilientes à même d’augmenter la production de variétés de blé et autres cultures tolérantes à la chaleur. A titre d’illustration, «en Ethiopie, les rendements en blé sont passés de 2 tonnes à 4 tonnes/ha, et, en 2021/2022, la production totale a atteint 7 millions de tonnes, soit une autosuffisance de 80%. De même, au Soudan, l’autosuffisance en blé est passée de moins de 20% en 2014/1015 à 50% en 2020/2021, produisant plus d’un million de tonnes». Ces deux pays sont donc «sur la bonne voie de l’autosuffisance totale en blé dans les années à venir». Notons que cette initiative concerne 40 millions d’agriculteurs africains et devrait se traduire par une augmentation de la productivité, et donc de la production agricole, du continent.

Toutefois, afin d’inverser la tendance et faire de l’Afrique un exportateur net de produits agricoles, il faudra investir davantage dans le secteur et exploiter le potentiel énorme dont dispose le continent. Selon la BAD, «l’agriculture africaine dispose d’un potentiel considérable pour accroître sa production agricole et répondre à la demande locale, et remplacer ainsi les importations par des produits locaux». Et avec 60 millions d’hectares de terres arables et nombreux cours d’eau, l’Afrique peut, avec l’amélioration de la productivité grâce à l’utilisation accrue de la mécanisation, des semences améliorées, et des engrais, augmenter très sensiblement sa production agricole.

Parallèlement, l'Afrique doit plus produire ce qu’elle consomme. Par exemple, le riz et le blé, qui sont parmi les céréales les plus consommées du continent, sont en grande partie importés.

Par Moussa Diop
Le 30/05/2022 à 12h42, mis à jour le 30/05/2022 à 12h45