Côte d’Ivoire: faut-il s’inquiéter de l’avenir du balafon?

un étudiant avec un balafon, un xylophon en bois, dans la cour de l'Institut national supérieur des arts et de l'action culturelle à Abidjan

Un étudiant avec un balafon, un xylophon en bois, dans la cour de l'Institut national supérieur des arts et de l'action culturelle à Abidjan. AFP or licensors

Le 18/04/2025 à 10h12

VidéoEvénement incontournable dans la région de la Bagoué, au nord de la Côte d’Ivoire, le festival international du balafon, Djéguélé Festival, a une fois de plus tenu ses promesses à Boundiali. Du 5 au 12 avril, la balafon, instrument de musique traditionnelle du peuple sénoufo, a été mis en valeur en vue de sa promotion car «de nos jours, il y a plus de joueurs de balafon que de fabricants.»

Chaque année, la ville de Boundiali devient la capitale du balafon avec le Djéguélé Festival vibrant au rythme des lames du balafon, un événement à portée internationale qui célèbre et valorise cet instrument emblématique de la culture africaine.

Lors de la 7ème session annuelle du comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO qui s’est tenue le 5 décembre 2012 à Paris, le Balafon Sénoufo a été inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Hérité des traditions ancestrales, le balafon est bien plus qu’un simple instrument de musique. Il est un langage, une mémoire, un outil de communication et un marqueur identitaire fort dans de nombreuses sociétés africaines, notamment en Afrique de l’Ouest. Cependant il reste confronté à plusieurs défis qui menacent sa pérennisation.

« De nos jours il y a plus de joueurs du djéguélé que de fabricants. Il faut donc que les autorités songent à faire la promotion du balafon en vue de sa valorisation en créant des centres de fabrication, des écoles de formation pour sa suivie car de moins en moins les gens s’y intéressent», confie Sonfolo Koné, fabriquant de balafon.

C’est à cet appel que répond le Djéguélé Festival ou festival international du balafon. A l’initiative du directeur général du palais de la culture d’Abidjan, Koné Dodo, le Festival international du balafon qui a lieu tous les ans, sur une semaine dans le Nord de la Côte d’Ivoire, à Boundiali.

Au fil des ans, le Festival International du Balafon (ou Djéguélé Festival) est devenu une véritable institution dans la région de la Bagoué. Il offre une plateforme d’expression artistique aux jeunes, favorise les échanges interculturels et dynamise l’économie locale. Des troupes venues du Mali, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire (le trio qui soumissionner pour l’inscription du balafon au patrimoine culturel immatériel de l’humanité) se succèdent sur scène dans une ambiance festive et fraternelle.

Pour la population boundialika, le festival est une source de fierté. « C’est un moment fort pour nous. Nous les jeunes, découvrons la culture à travers le balafon. Il est en effet un puissant élément fédérateur, de rencontre et d’intégration des peuples par la culture », se réjouit Dembélé Kader, un jeune de la région.

Et au commissaire général du festival de renchérir, «au-delà de la pérennisation et la promotion de balafon en tant qu’instrument de musique et moyen d’expression culturelle qui participe de la fraternité régionale et sous régionale et à la valorisation de la diversité culturelle, cette période est meublée de conférences, formations, compétitions, concours pour déceler les meilleures troupes traditionnelles de balafonistes, de danseurs de balafon, de beauté («yawôlô» en langue sénoufo), des concerts… Les hôtels se remplissent, les vendeurs font de bonnes affaires. Boundiali rayonne! », déclare Koné Dodo.

Cette approche aussi bien éducative qu’inclusive donne aux jeunes générations les moyens de s’approprier leur patrimoine tout en développant des compétences artistiques et entrepreneuriales pour la sauvegarde et la pérennisation de l’instrument balafon.

Sur une semaine, la région rayonne au-delà des frontières, d’où l’importance du thème retenu pour cette 9e édition: Balafon Djéguélé à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle: défis et perspectives ». Au cours d’une séance de réflexion et de partage entre universitaires, acteurs culturels, artistes et journalistes, Koné Ibrahim, enseignant-chercheur à l’université de Korhogo a expliqué «le choix de ce thème permet au balafon d’aller au-delà des frontières ivoiriennes et même africaines. Nous voulons montrer comment faire en sorte qu’à l’ère du numérique, le balafon puisse continuer à être un instrument de musique de valeur. Il faut donc utiliser cette période numérique et l’intelligence artificielle pour développer des applications, des logiciels qui ne peuvent pas dénaturer et corrompre l’authenticité du balafon djéguélé», explique le conférencier.

Le festival contribue également à renforcer l’attractivité de la Bagoué. Il attire plus chaque année plus de 50.000 festivaliers et visiteurs venus de toute la Côte d’Ivoire et de l’étranger, générant des retombées positives pour le tourisme, l’artisanat local et les métiers de bouche.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 18/04/2025 à 10h12