30 ans de carrière, qu’importe le domaine d’activité, ça se fête! L’ex-président de l’Union des écrivains gabonais (UDEG) a donc invité ses confrères locaux et deux éminences grises de la littérature africaine, notamment Eugène Ebodé du Cameroun et Kangni Alem du Togo, à débattre d’une discipline aux trajectoires parfois laborieuses.
Le promoteur de ce rendez-vous des gens de lettres est un diplomate de formation qui a dans sa gibecière plus d’une vingtaine d’œuvres, dont cinq romans. Récompensé en 2018, au Sénégal, du Prix Ousmane Sembène du roman, Eric Joël est également lauréat du Prix spécial du jury aux 4es Jeux de la Francophonie à Ottawa au Canada (2001) et du prix Progreso de la poésie, décroché en Italie en 2010.
Et si la note inaugurale de la rentrée littéraire de Libreville le présente comme le «Paul Claudel» de la littérature gabonaise, en référence au dramaturge, poète, essayiste et diplomate français décédé en 1955, c’est certainement à raison. «Paul Claudel était un poète français très apprécié par Léopold Senghor. D’ailleurs, Senghor le présentait comme un poète moderne de France du 20ème siècle. Paul Claudel est d’abord diplomate, dramaturge, et il a écrit également des poèmes. Eric porte justement ces deux facettes», a indiqué Héméry Eyi Sima, spécialiste de la littérature gabonaise et professeur des universités.
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L’objectif visé par cet événement était, selon l’écrivain à l’honneur, de «créer une occasion pour parler de moi, naturellement, et de mes livres, mais aussi de pouvoir poser quelques problématiques liées à la vie du livre, à sa circulation et surtout à la considération que l’on devrait avoir envers les livres et les écrivains».
L’écrivain vu, sous le prisme africain, a toujours été considéré à tort ou à raison comme le porte-voix des sans voix. Une définition sociale de la fonction de l’écrivain qui est aux antipodes de la conception de certains critiques littéraires. «L’art procure des sensations bizarres et contradictoires. On veut que les artistes soient les représentants de quelque chose. Mais il faut poser la question à l’artiste lui-même. Qu’est-ce qu’il représente réellement, qu’est-ce qu’il est en train de faire et qu’est-ce qu’il veut faire? Je crois qu’on serait surpris de voir qu’il y a des multiplicités de conception de la pratique artistique», a souligné Kangni Alem.
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Les discussions menées lors des différents panels ont mis en lumière des initiatives à succès, en particulier le rayonnement du livre gabonais, tout en réfléchissant aux difficultés rencontrées par les auteurs et les éditeurs locaux dans la chaîne de vente et de distribution du livre. «Si j’étais soutenu par les pouvoirs publics de manière efficiente, je vous assure que quelque chose se passerait! Si dans les quartiers librevillois et dans les quartiers des villes de province, il y avait une prolifération d’infrastructures culturelles, je vous assure que les Gabonais s’intéresseraient davantage à la lecture», a déclaré Honorine Ngou, essayiste, romancière, féministe et enseignante d’université à la retraite.
Peut-être qu’une perspective intéressante pour les écrivains et éditeurs africains du sud du Sahara réside dans la chaire de littérature et des arts africains mise en place en mars dernier par l’Académie royale du Maroc. Le projet, porté par Eugène Ebodé, les ferait sortir sans doute de l’ombre à la lumière. «Cette structure a pour vocation de décloisonner les littératures. Il faut abattre les frontières pour qu’apparaissent la diversité, la richesse et les atouts dont regorge ce grand continent», a appelé l’enseignant et écrivain camerounais.