L’histoire de la Ntcham se confond avec celle de Texas, grand bidonville mixte de Libreville, un secteur chaud où cadres d’administrations, désœuvrés mais aussi braqueurs se côtoient. Mais c’est bien le terrain de jeu de Honi. Artiste en herbe, il vient régulièrement avec son groupe de danseurs s’entraîner avec l’ambition de rejoindre le club encore restreint des professionnels de la Ntcham. «Il faut exprimer en danse les mouvements d’une bagarre. C’est un mouvement créé par les rebelles en détention. À l’heure de la ration, ils en esquissent les pas pour imposer leur domination sur leurs codétenus», explique-t-il.
Sur une vaste étendue de terrain au milieu de quelques concessions, les jeunes enchaînent des chorégraphies millimétrées pour les répétitions du jour. Mais pour être artistique, la Ntcham n’en est pas moins une expression sociale, celle des communautés qui doivent encore survivre à la périphérie du système. «À travers la Ntcham nous faisons passer des messages aux autorités pour leur dire de regarder nos conditions de vie», lance Arnaud Guet Bolo, danseur de la Ntcham.
Faisant concurrence à la afrobeats nigérian et à l’amapiano sud-africain, les artistes de Ntcham visent plus loin et misent sur les réseaux sociaux. Quelques des figures émergent de cet univers musical, à l’image de l’Oiseau Rare, d’Eboloko ou du Général Itachi, véritables icônes de la Ntcham qui cumulent des millions d’écoutes sur les plateformes.
Réalisatrice de documentaire sur le sujet, Fallone Endambo Makata a pris soin d’analyser les thématiques abordées par les artistes de la Ntcham. «Il faut comprendre que les jeunes par cette musique racontent leur vécu. Elle a tellement pris d’ampleur que tout le monde s’est pris au jeu. Je pense personnellement que ce n’est plus qu’une musique de repris de justice», affirme-t-elle.
Portée par des rythmes endiablés, une incroyable énergie et un sens de la fête communicatif, la Ntcham a de quoi conquérir bien au-delà des frontières gabonaises.