Guinée: ces cordonniers du Fouta Djallon qui veulent sauver une tradition vieille de plusieurs siècles

Daouda Sylla, cordonnier guinéen.

Le 13/05/2025 à 15h30

VidéoDans les montagnes verdoyantes du Fouta Djallon, au cœur de la Guinée, résonne encore l’écho d’un artisanat ancestral. Trois symboles majeurs incarnent la richesse culturelle vestimentaire de cette région: le chapeau traditionnel appelé Pouto, les célèbres pagnes Leppi et les chaussures en cuir finement décorées. Mais aujourd’hui, cette dernière pièce du patrimoine vestimentaire foutanien est menacée de disparition.

Dans les ruelles animées de Labé, Pita ou Dalaba, rares sont ceux qui maîtrisent encore les secrets de fabrication des chaussures traditionnelles aux motifs uniques. Daouda Sylla, un artisan d’une quarantaine d’années, fait partie des derniers détenteurs de ce savoir-faire.

Descendant d’une longue lignée de cordonniers, il est déterminé à perpétuer cet héritage. «C’est de la peau de vache séchée et nettoyée qui a servi à fabriquer ce talon. Et la corde en haut, c’est de la peau de chèvre. Mon grand-père chaussait les chefs de canton. Mon père a vu ses modèles voyager à travers la région. Aujourd’hui, je me bats pour que cette tradition ne disparaisse pas», confie-t-il.

Conscient de l’ampleur du défi, il ambitionne relancer la production dans les villes autrefois reconnues pour leur savoir-faire «c’est dans la ville de de Mali que ces chaussures étaient fabriquées. De Popodara jusqu’à Hindeya, ces zones étaient de hauts lieux de production. Malheureusement, beaucoup de nos aînés qui les fabriquaient sont aujourd’hui décédés. Nous essayons de reprendre le flambeau, car la demande existe encore».

Dans son petit atelier, niché entre deux étals de tissus, règne un calme studieux. Pas de vacarme de machines, seulement le frottement du cuir et le cliquetis des outils artisanaux. Chaque paire, authentique, demande plusieurs heures de travail minutieux.

Les prix varient entre 35.000 et 100.000 francs guinéens. Un coût jugé élevé par une clientèle locale aux revenus modestes, comme l’explique Boubacar Tounkara, également cordonnier «ce n’est pas que les gens ne veulent pas acheter, c’est qu’ils n’en ont p les moyens. C’est ce qui freine la production. Et puis, les matières premières sont devenues très chères. Cette simple feuille de plastique coûte 200.000 francs l’unité. Mais chaque paire raconte une histoire, une identité» .

Face aux nombreuses difficultés, les artisans du Fouta Djallon lancent un cri du cœur. Pour eux, la survie de cet art passe par la modernisation des outils de travail, L’accès à des machines performantes et la mise en place de formations professionnelles pour transmettre ce savoir aux jeunes générations.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 13/05/2025 à 15h30