Dessinateurs, monteurs, doubleurs: assis devant leurs ordinateurs dans une petite salle, une douzaine de jeunes travaillent sur les prochaines productions de ce studio, créé en 2017.
«Aujourd’hui, on veut montrer une Afrique qui crée, qui innove, qui participe à la construction du monde, aux antipodes de l’image qui est l’Afrique de la famine, des guerres», explique à l’AFP, Boris Kpadenou, le directeur du studio.
«En tant qu’Africains, et surtout en tant qu’artistes, on se doit d’être les ambassadeurs de notre continent. Ce n’est pas seulement la volonté de montrer une bonne image, mais c’est de refléter la réalité», ajoute t-il.
Les productions d’Aruka, notamment diffusées sur Youtube et présentées dans des festivals, peuvent s’inspirer de la vie quotidienne, comme «La voix du bébé», un film d’animation sur la grossesse, ou de traditions à l’image de «Wiyao», qui aborde des rites de passage à l’âge adulte dans le nord du Togo.
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«Cette créativité vient de tout ce qu’on a lu, tout ce qu’on a connu, de notre propre histoire, de ce que nos ancêtres ont été, ce qu’ils ont vécu», confirme Emmanuel Yemey, chef animateur 2D.
«Répondre à un besoin»
Aruka tente de «répondre à un besoin qui est le manque de représentativité des histoires africaines à l’écran et surtout à l’endroit des enfants», précise son directeur.
«L’animation commence par le scénario. Ensuite, notre travail consiste à transformer le texte en images mobiles», détaille M. Yemey devant ses deux écrans.
«Nous choisissons les personnages d’après les descriptions faites dans le scénario en recherchant une certaine originalité, afin d’éviter de plagier d’autres auteurs ou studio», précise t-il.
L’ensemble du studio est composé de trois salles dont une salle de prise de voix et de montage ainsi qu’une autre dédiée aux dessins, avec le matériel informatique nécessaire pour créer un dessin animé.
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Le studio est animé par de jeunes volontaires étudiants passionnés de dessins et quelques professionnels rémunérés, tous âgés entre 20 et 27 ans.
«On aimerait avoir du personnel qualifié, mais il n’y a pas d’école d’animation au Togo. Donc aujourd’hui on reçoit des étudiants qui ont des prérequis en dessin (...) on les forme, avant de les faire travailler sur des projets», explique Boris Kpadenou.
Kadi Tchapo, étudiante de 22 ans, cumule plusieurs fonctions: doubleuse principale pour la série «Ma famille imparfaite» qu’elle met aussi en couleur.
«J’aime le dessin et l’animation. Je ne suis pas professionnelle mais j’apprends beaucoup», explique t-elle.
La question du financement reste un défi pour Aruka qui signifie «sage» en langue ifè du sud du Togo.
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«Nos moyens financiers sont limités, car nous ne recevons pas de subventions locales, ni extérieures. On a pas de matériel adéquat et peu de main-d’œuvre qualifiée. Nous n’avons même pas de groupe électrogène, alors que nous faisons face à des coupures intempestives d’électricité», déplore M. Kpadenou.
Le studio fonctionne sur fonds propres, issus notamment des revenus des spots publicitaires qu’il tourne.
Mais son directeur reste prudent au sujet de subventions venues de l’étranger. Pas question pour lui de perdre son identité.
«En Afrique en général, le cinéma que nous faisons sur la base des subventions extérieures, ne nous permet pas d’avoir les mains libres pour faire ce que nous voulons», affirme t-il.
«Ce qu’on raconte n’est plus authentique. Le texte est édulcoré et ne reflète pas vraiment notre réalité. C’est tout un combat à mener», conclut-il.