D’ici 2027, des médicaments biologiques d’une valeur de 1,6 milliard de dollars devraient perdre leur exclusivité dans la région Moyen-Orient et Afrique (MEA), ouvrant la voie aux biosimilaires moins coûteux. De quoi donner le sourire aux patients, professionnels de santé, payeurs, décideurs politiques et associations de patients de la région.
C’est donc à dessein que Act4Biosimilars, une initiative mondiale, fondée et sponsorisée par Sandoz, division génériques et biosimilaires du groupe pharmaceutique suisse Novartis, œuvre à accélérer l’adoption des biosimilaires, qui pourrait augmenter d’au moins 30 points de pourcentage dans plus de 30 pays d’ici 2030.
Les biosimilaires visent à transformer les soins aux patients en offrant un accès élargi aux médicaments biologiques essentiels. Ces thérapies ont révolutionné le traitement de nombreuses maladies graves et invalidantes, mais leur coût élevé les rend souvent inaccessibles.
Lire aussi : Niger: l’Union européenne met en place un pont aérien pour les médicaments essentiels
En Afrique, où les traitements biologiques restent souvent hors de portée pour de nombreux patients, les biosimilaires représentent un espoir d’améliorer l’accès aux soins. Selon le dernier rapport publié par l’initiative, intitulé «Act4Biosimilars Regional Deep Dive Middle East and Africa», trois pays se démarquent par leur cadre réglementaire favorable aux biosimilaires: le Maroc, l’Égypte et l’Afrique du Sud. Bien que des progrès notables aient été accomplis, des défis majeurs persistent.
Le rapport souligne des chiffres clés comme le fait que seulement 15% du marché pharmaceutique de la région Moyen-Orient et Afrique (MEA) concerne les médicaments biologiques, contre 30% au niveau mondial en 2019. Il met également en lumière des pays pionniers comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, leaders régionaux en matière de ventes de biosimilaires.
Parmi les pays africains évalués, seuls le Maroc, l’Égypte et l’Afrique du Sud affichent un environnement propice allant de faible à moyenne pour l’adoption des biosimilaires. Ces trois pays se distinguent par des initiatives réglementaires prometteuses.
En Égypte, l’Autorité égyptienne du médicament prévoit de mettre en place une voie accélérée d’enregistrement pour les biosimilaires, semblable à celles de l’Agence européenne des médicaments et de la FDA américaine. « Le déploiement d’un processus accéléré montre la promesse d’une implémentation plus efficace des biosimilaires », souligne le rapport.
Lire aussi : Les médicaments illicites représentent entre 20 à 60% du marché officiel des pays de la CEDEAO
L’Afrique du Sud a également pris des mesures pour rationaliser ses procédures réglementaires. Cependant, une fois les biosimilaires enregistrés auprès de la SAHPRA (autorité de réglementation), leur accès reste limité à une minorité de patients du secteur privé, soulignant la nécessité d’améliorer l’efficacité des cadres.
Quant au Maroc, son principal défi réside dans l’absence de distinction entre les biosimilaires et les «biocopies» non comparables ne répondant pas aux exigences strictes d’approbation. Selon Laura Wingate du Crohn’s & Colitis Foundation, «jusqu’à ce que le soutien nécessaire soit disponible, notamment des lignes directrices claires et des ressources éducatives, la promesse de ces médicaments potentiellement vitaux restera inaccomplie pour beaucoup dans la région.»
En Afrique du Sud, une fois que les biosimilaires sont enregistrés auprès de l'Autorité sud-africaine de réglementation des produits de santé (SAHPRA), l'accès reste limité à une minorité de la population.. DR
Les freins à l’adoption
Au-delà des procédures réglementaires, d’autres obstacles entravent l’adoption des biosimilaires en Afrique. L’abordabilité constitue un facteur limitant majeur. Selon le rapport, les décisions d’achat se concentrant souvent uniquement sur les prix. «La diversification, au-delà du prix, est nécessaire pour permettre aux biosimilaires d’entrer sur le marché et créer une concurrence saine», souligne le rapport.
En Afrique du Sud et au Maroc, lorsqu’un biosimilaire arrive sur le marché, les fabricants de produits biologiques de référence abaissent fréquemment leurs prix pour rester compétitifs, créant un environnement potentiellement non durable. Au Maroc, la fixation des prix repose lourdement sur les prix de référence extérieurs des pays européens, ce qui nuit à l’abordabilité locale.
L’acceptabilité représente également un frein majeur. Selon une étude turque citée, moins de 50% des oncologues se considéraient comme bien informés sur les biosimilaires, illustrant le besoin criant de programmes éducatifs indépendants et fiables. «Les professionnels de santé et les patients doivent pouvoir accéder à des informations objectives et scientifiquement fondées sur les biosimilaires pour prendre des décisions éclairées», déclare Laura Wingate.
Pistes d’action prometteuses
Pour relever ces défis, le rapport Act4Biosimilars encourage les parties prenantes locales à utiliser son plan d’action mondial, offrant des stratégies, des outils et des activités pour accélérer l’adoption des biosimilaires. Parmi les pistes prometteuses figurent l’élaboration de lignes directrices claires pour les professionnels de santé sur les transitions et les initiations de traitement, ainsi que le développement de contenus éducatifs spécifiques par pays et par spécialité thérapeutique.
Lire aussi : Cameroun: les experts plaident pour le développement d’une industrie pharmaceutique locale
La diversification des critères d’appel d’offres au-delà du simple prix constitue également une priorité. «Les autorités d’appel d’offres devraient envisager des critères autres que le prix, similaires au système de notation utilisé en Égypte», préconise le rapport. Une telle approche permettrait de renforcer la durabilité des chaînes d’approvisionnement.
En définitive, bien que le Maroc, l’Égypte et l’Afrique du Sud ouvrent la voie, des efforts demeurent indispensables pour lever les barrières réglementaires, améliorer l’abordabilité et l’acceptabilité, et ainsi concrétiser la promesse des biosimilaires pour un accès équitable aux soins en Afrique.
Evaluation des environnements réglementaires vis-à-vis des biosimilaires
Pays | Environnement propice |
---|---|
Égypte | Moyen |
Afrique du Sud | Moyen |
Maroc | Faible |
Source : Act4Biosimilars