Sur le marché parallèle, le dinar algérien poursuit sa dégringolade face aux devises étrangères, et plus particulièrement l’euro.
Ce mardi 25 novembre, le monnaie européenne a enregistré un nouveau record historique: 100 euros s’échangeaient entre 28.450 et 28.500 dinars algériens, soit entre 280 et 285 dinars pour un seul euro. Un niveau jamais atteint, confirmant la dépréciation continue de la monnaie algérienne.
Entre le 27 octobre et le 25 novembre, le cours d’un euro est passé de 270 à 285 dinars, soit une dépréciation inquiétante de 5,55% en moins d’un mois. Il s’agit d’un effondrement du dinar. A ce rythme, selon les prévisions des cambistes du Square Port-Saïd d’Alger et des observateurs, l’euro se dirige vers le seuil de 290 dinars et pourrait même atteindre les 300 avant la fin de l’année. «Nous n’avons jamais vu ça par le le passé. Ce qui se passe depuis le début du mois est unique, déconnecté des fondamentaux habituels», a souligné un cambiste contacté par le site algérien Maghreb Emergent.
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Cette chute du dinar s’explique, d’une part, par les importations de voitures neuves et d’occasion qui se font en devises que les citoyens ne peuvent se procurer qu’au niveau du marché parallèle. Et comme il s’agit de montants élevés, cela créé une certaine pénurie d’euros. La loi de l’offre et de la demande jouant son rôle, cette pénurie dope la monnaie unique européenne à des niveaux records.
D’autre part, cette hausse est la conséquence d’importantes demandes en devises émanant des importateurs et des citoyens qui souhaitent voyager pour diverses raisons (tourisme, maladie…) pour lesquels les 750 euros de dotation touristique officielle ne servent pas à grand-chose.
En tout cas, la chute du dinar sur le marché parallèle élargit le gap entre le cours du marché parallèle et celui du marché officiel de la Banque d’Algérie. Sur ce dernier, l’euro est coté à 150,43 dinars, soit une différence de 135 dinars entre les deux marchés.
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Sur le marché officiel, le dinar est entretenu artificiellement par la politique monétaire de la Banque d’Algérie. Et on comprend aujourd’hui pourquoi les autorités algériennes refusent catégoriquement les recommandations des institutions financières internationales qui jugent que le dinar officiel est surévalué et qu’il faille trouver une solution.
Vu le gap entre le cours officiel et le cours du marché parallèle, un rééquilibrage des deux taux, comme l’ont fait l’Egypte et le Nigeria, risque tout simplement d’entrainer un effondrement économique du pays. Et malheureusement, les autorités ne font que repousser cette échéance, surtout si les cours du baril de pétrole ne remontent pas.
Or, toutes les projections semblent aller dans le sens de la poursuite de la baisse en raison d’un excédent de l’offre en pétrole. Les experts de la Banque mondiale tablent sur moyenne de 68 dollars le baril de pétrole en 2025 et 60 dollars en 2026. Barclays prévoit 66 dollars en 2025 et 60 dollars en 2026. Goldman Sachs projette un baril à 53 dollars pour WTI américain.
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L’autre raison de la chute du dinar est l’effondrement de la confiance des citoyens vis-à-vis de la politique, de l’économie,… En effet, l’économie algérienne est totalement dépendante des hydrocarbures qui représentent environ 40% des recettes du budget de l’Etat et 95% des recettes d’exportation du pays.
Sachant que ces réserves sont alimentées quasi uniquement par les hydrocarbures, la baisse du cours du baril de pétrole impacte négativement les ressources et donc les réserves en devises du pays.
Lors de la séance du 25 novembre, le cours du baril de Brent s’est établi à 62,43 dollars, avec une tendance baissière confirmée. Conséquence, certains réflexes réapparaissent afin de rendre les sorties de devises plus difficiles pour les opérateurs économiques.
Ainsi, accusant les importations de véhicules de la Chine d’être à l’origine de la flambée de l’euro, les autorités algériennes ont annoncé, dans la soirée du lundi 24 novembre, la fin des importations groupées des voitures de moins de trois ans.
Au niveau du Square Port-Saïd, le cœur du marché de change du dinar algérien, 1 euro s'échange contre 285 dinars algériens.
En juillet dernier, le ministère du Commerce a introduit un programme prévisionnel d’importation, devenu le sésame pour obtenir une domiciliation bancaire. L’absence de ce document avait entrainé le blocage de nombreux conteneurs dans les ports du pays en raison de l’obsession des autorités algériennes à protéger les réserves de change du pays.
Résultat: opérateurs économiques et citoyens sont contraints de recourir au Square.
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Une chose est sure, cette hausse spectaculaire de l’euro sur le marché parallèle inquiète les observateurs économiques et les citoyens algériens. La situation est telle que les citoyens commencent même à douter de la capacité des autorités algériennes à maintenir la nouvelle allocation touristique de 750 euros, officiellement opérationnelle depuis juillet 2025. Jusqu’alors, cette allocation plafonnait à environ 100 euros.
Toutefois, malgré ce lancement, des couacs sont enregistrés. Le président algérien a été obligé de confirmer en octobre dernier le maintien de l’allocation touristique de 750 euros lors d’une rencontre avec les opérateurs économiques au centre international de conférence (CIC) Abdelatif-Rahal, expliquant que ce montant vise «à redonner de la dignité aux Algériens qui voyagent à l’étranger». Une réponse à l’inquiétude des citoyens quant à la pérennité de cette allocation dans un contexte de baisse des recettes des hydrocarbures.
L’un des objectifs assignés à l’augmentation de la dotation touristique a lamentablement échoué. En effet, en plus de faciliter les voyages des Algériens à l’étranger, l’autre but visait à réduire la pression sur le marché parallèle des devises. C’est un échec.
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En tout cas, les craintes des citoyens sont légitimes. Avec la baisse des cours du baril de pétrole, la marge de manœuvre des autorités se réduit, trahissant la fragilité de l’économie algérienne face aux fluctuations du cours du baril de pétrole.
En 2025, le déficit budgétaire devrait s’établir à 62 milliards de dollars. Selon le Fonds monétaire international (FMI), Alger a besoin d’un cours moyen de baril de pétrole de 150 dollars en 2025 pour équilibrer son budget. Or, le cours moyen du baril, selon toutes les projections, devrait osciller entre 65 et 70 dollars, soit des prix inférieurs à la moitié de ce dont a besoin l’Algérie pour équilibrer son budget.
La situation va se corser davantage l’année prochaine. Le déficit budgétaire devrait atteindre 75 milliards de dollars en 2026 avec des projections du cours de l’or noir en repli autour des 60-65 dollars.
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La faute incombe aux dépenses et emplois inutiles. Alors que les recettes reculent, le régime politico-militaire maintient sa politique de défense à laquelle il consacre, en 2026, un budget de 3205 milliards de dinars, soit environ 25 milliards de dollars, dont une part importante servira à acheter des armes et donc générer des rétrocommissions au profit des généraux. La Défense pèse à elle seule 20% du budget général de l’Etat algérien.
Ensuite, il y a les transferts sociaux non productifs évalués à 46 milliards de dollars et qui visent à garantir la paix sociale grâce aux subventions, allocations chômage,…
Conséquence, ne comptant pas s’endetter à l’étranger, l’Etat devra pomper sur le marché intérieur et/ou actionner la «planche à billets» (technique consistant à émettre de la monnaie sans création de richesse correspondante) avec les retombées néfastes sur les prix des produits et au final sur le pouvoir d’achat des citoyens algériens.
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Par ailleurs, cette chute du dinar vis-à-vis de l’euro va appauvrir davantage les Algériens. Parmi ces derniers qui souhaitent acheter des voitures neuves ou d’occasion ou bien voyager à l’étranger, devront disposer de sommes colossales en dinars algériens pour se procurer des euros dans les volumes qu’ils désirent. Il en est de même pour les opérateurs économiques qui recourent au marché parallèle. Ils seront obligés de répercuter sur le consommateur final le surplus de dinars qu’ils ont dépensé pour acquérir les euros nécessaires à l’importation de divers biens.
Pire encore, si la situation continue de s’aggraver, il faudra s’attendre, les semaines à venir, à un durcissement des conditions d’importation et à des pénuries de biens de consommation.
La dégringolade du dinar algérien n’est que la conséquence d’une économie pilotée par un régime politico-militaire fondée sur une rente pétrolière dont il ne maitrise pas le cours...











