Ces 7 pays d’Afrique devraient enregistrer des taux de croissance moyens supérieurs à 6% en 2024-2026

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Le 25/06/2024 à 15h37

En dépit d’une conjoncture économique encore difficile, plusieurs pays africains devraient afficher des taux de croissance élevés durant la période 2024-2026, selon les dernières projections de la Banque mondiale. Ces progressions sont le résultat de facteurs politiques et de la robustesse de certains secteurs traditionnels auxquels se sont ajoutées de nouvelles activités économiques.

La croissance économique moyenne des pays du continent africain devrait passer de 3% en 2023, à 3,5% en 2024 et à 4% en 2025 et 2026, selon les estimations de la Banque mondiale de ce mois de juin. La décrue de l’inflation et son impact sur la consommation, la baisse des taux directeurs et ses répercussions sur le loyer d’argent et par ricochet sur l’investissement seront les principaux moteurs de cette croissance. A cette liste, il faut ajouter les effets des politiques agricoles menées dans le cadre du souverainisme alimentaire, le développement des services et le début d’exploitation d’hydrocarbures dans certains pays. Ces facteurs réunis devraient permettre à plus de quinze pays du continent d’enregistrer des taux de croissance supérieurs à 5% en 2024.

Mieux, de nombreux pays pourraient afficher des taux de croissance moyens supérieurs à 6% sur la période 2024-2026. Si certains d’entre eux sont devenus des habitués des taux de croissance élevés, d’autres bénéficient surtout de la contribution de nouveaux secteurs d’activités, notamment le démarrage d’exploitation de gisements d’hydrocarbures.

A l’examen des facteurs favorables à l’évolution du PIB par pays, il ressort que les fortes croissances ne riment pas forcément avec les ressources minières et pétrolières. Le Nigeria, l’Algérie, la Guinée Équatoriale, le Tchad, l’Angola et le Congo, pour ne citer que quelques-uns des plus grands producteurs d’hydrocarbures d’Afrique, en sont la meilleure illustration. A l’opposé, certains pays qui ont réussi à diversifier leur économie en misant davantage sur les services, l’agriculture et l’industrie s’en tirent mieux en affichant de très bons taux de croissance et ce sur la durée. C’est le cas particulièrement du Rwanda et de l’Éthiopie.

Rwanda: les services encore et toujours

Le Rwanda devrait continuer à afficher la plus forte croissance durant les années 2024, 2025 et 2026 au niveau du continent africain avec un PIB en hausse respectivement de 7,6%, 7,8% et 7,5%, après avoir réalisé une croissance de 8,2% en 2023. A l’instar des années précédentes, le pays de Paul Kagame tient sa dynamique du secteur des services.

Le petit pays d’Afrique de l’Est, enclavé et densément peuplé, a initié d’importantes réformes économiques et structurelles qui lui ont permis de maintenir une croissance robuste et soutenue durant plusieurs années.

Un robuste secteur des services (tourisme, technologies de l’information et la finance), l’augmentation de la production agricole (café, fleurs, thé…) et le développement des infrastructures (routes, énergie, développement urbain…) sont les moteurs de cette croissance. Le secteur des services est la véritable locomotive de l’économie rwandaise. Il attire de nombreux investissements, crée des emplois, augmente les revenus et contribue ainsi fortement à la croissance économique.

Pour preuve, selon les données de l’Institut des statistiques du Rwanda, le PIB du pays a augmenté de 9,7% au premier trimestre de 2024, par rapport à la même période de l’année précédente. Cette croissance est tirée par les bonnes performances des secteurs de l’industrie et des services. La contribution de ces derniers a été de 46%, suivis du secteur agricole (25%), et de l’industrie (23%).

Sénégal: les hydrocarbures accélèrent la croissance

Avec le Rwanda, le Sénégal devrait afficher une forte croissance en 2024, 2025 et 2026 avec des taux de croissance respectifs de 7,1%, 9,7% et 5,7%. Après avoir affiché de bonnes performances économiques grâce aux infrastructures (routes, énergie, transport…) et à l’agriculture (arachide, riz, horticulture…) dans le cadre du Plan Sénégal Émergent (PSE), la croissance devrait être stimulée à partir de cette année par le démarrage de l’exploitation des hydrocarbures. Après le début de l’exploitation du gisement pétrolier de Sangomar, le pays devrait entamer l’exploitation, avec la Mauritanie, du gisement gazier du Grand Tortue Ahmeyim (GTA).

Le Fonds monétaire international (FMI) est encore plus optimiste pour le Sénégal. «Suite au règlement pacifique de l’élection présidentielle de mars, les perspectives économiques se sont améliorées. La croissance économique est projetée à 7,1% en 2024 et à 10,1% en 2025», selon l’institution de Bretton Woods. Avec le nouveau régime qui a fait de la lutte contre la corruption et la transparence son crédo, il y a fort à parier que ces résultats seront atteints.

Éthiopie: agriculture, investissements et infrastructures

L’Éthiopie devrait continuer à afficher des taux de croissance solides durant les trois années considérées. Selon la Banque mondiale, le pays PIB du second pays le plus peuplé d’Afrique devrait croître de 7%, aussi bien en 2024, 2025 qu’en 2026, après une évolution de 7,2% en 2023.

Comme durant les précédentes années, la croissance sera tirée par le secteur agricole, grâce aux bonnes récoltes, à la forte croissance des services et les infrastructures (barrages, routes…). L’augmentation des investissements, notamment chinois, et la reprise de la consommation publique devraient également booster la création de richesses dans un pays peuplé d’environ 130 millions d’habitants.

Côte d’Ivoire: cacao, pétrole et gaz

A l’instar des années écoulées, la Côte d’Ivoire devrait enregistrer des taux de croissance élevés au cours des années 2024 (6,4%), 2025 (6,4%) et 2026 (6,3%). Outre la dynamique du secteur agricole (cacao, noix de cajou, banane, ananas…) qui bénéficie de la flambée des cours du cacao dont le pays est le premier producteur mondial avec une part de marché de 40%, le pays devrait tirer profit du début d’exploitation des gisements de pétrole et de gaz. «Le secteur pétrolier et gazier va constituer le second levier d’une croissance soutenue et durable de la Côte d’Ivoire», a laissé entendre le Premier ministre ivoirien Robert Beugré Mambé.

Le gisement Baleine entré en production en août 2023 dispose de ressources évaluées à 2,5 milliards de barils de pétrole brut et 3.300 milliards de pieds cubes de gaz. Avec une production pétrolière de plus de 22.000 barils par jour (b/J ) au démarrage, celle-ci devrait atteindre 200.000 b/J à l’horizon 2027, alors que celle du gaz atteindrait 200.000 millions de pieds cubes/jour.

Niger: une forte croissance, mais….

Grâce au pétrole, le Niger devrait enregistrer la plus forte croissance du PIB en Afrique en 2024. Selon les dernières projections de la Banque mondiale, le PIB du pays devrait croître de 9,10% en 2024, grâce à la forte augmentation prévue de la production de pétrole, avant de baisser à 6,20% en 2025 et 5,10% en 2026. Plus optimiste, la Banque africaine de développement (BAD) estime que le PIB pourrait bondir de 11,2% en 2024. Les prévisions tablaient sur l’exportation de 90.000 barils par jour via l’oléoduc reliant le pays au Bénin suite à la forte augmentation de la production de brut nigérien de 20.000 barils par/jour à 110.000-120.000 barils par jour.

Toutefois, ces perspectives ayant été réalisées avant la crise avec le Bénin, la fermeture de l’oléoduc long de 2.000 km devant évacuer le brut nigérien du gisement d’Agadem au port béninois de Sèmè risque de tout remettre en cause. Outre cet important facteur, on prévoit une baisse rapide de la croissance à 6,2% en 2025 et 5,1% en 2026. C’est dire que l’augmentation de la production pétrolière sur la croissance devrait s’estomper rapidement. Partant, pour que le pays puisse continuer à atteindre des taux de croissance solides, il faudra que les autorités mènent des réformes structurelles et mettent en place des politiques de diversification de l’économie en se tournant davantage vers les secteurs secondaire et tertiaire.

Ouganda: l’effet pétrole

L’Ouganda, à l’instar d’autres nouveaux producteurs de pétrole africains, devrait connaitre des taux de croissance élevés au cours de la période 2024-2026. Après un taux de croissance de 6% attendu en 2024, le PIB du pays devrait croître de 6,2% en 2025 et de 6,6% en 2026.

Si la croissance était jusqu’à présent tirée par le secteur agricole, désormais, ce sont les hydrocarbures qui en seront la locomotive grâce à l’entrée en production des gisements pétroliers situés dans l’Ouest du pays, à la frontière entre l’Ouganda et la République démocratique du Cogo (RDC). Dans cette région, se situe le lac Albert qui recèle 6,5 milliards de barils de pétrole dont environ 1,4 milliard de barils récupérables.

Outre le pétrole, le pays compte sur la stabilité politique relative, le développement des infrastructures, l’afflux des touristes et l’augmentation des échanges au niveau de la région pour soutenir la croissance.

Bénin: la fermeture de la frontière avec le Niger

Le Bénin devrait afficher des taux de croissance annuelle de 6% en 2024, 2025 et 2026, selon les projections de la Banque mondiale, grâce au dynamisme des secteurs primaire, secondaire et tertiaire. De bonnes performances qui résulteraient aussi des réformes structurelles entreprises ces dernières années, des investissements et de l’expansion de la zone industrielle de Glo-Djigbé (GDIZ).

Toutefois, ayant été une des principales porte d’entrée du Niger, le pays pâtît de la poursuite de la fermeture de sa frontière avec son voisin. Une situation qui réduit le dynamisme de son port et ses échanges commerciaux avec ce pays avec des impacts négatifs sur l’économie béninoise. De même, la fermeture de l’oléoduc reliant les deux pays va constituer un important manque à gagner en termes de recettes pour le Bénin.

En dépit de l’optimisme que ce tour d’horizon laisse entrevoir, il reste que les risques sont nombreux pour l’ensemble de ces pays. Les sécheresses et les effets du changement climatique, le ralentissement de l’économie chinoise, la volatilité des cours des matières premières (hydrocarbures, mines et produits agricoles), la stabilité politique et les politiques économiques peuvent influer positivement ou négativement sur ces projections.

Pays2024 p2025 p2026 p
Rwanda7,6%7,8%7,5%
Sénégal7,1%9,7%5,7%
Éthiopie7,0%7,0%7,0%
Niger9,1%6,2%5,1%
Côte d’Ivoire6,4%6,4%6,3%
Ouganda6,0%6,2%6,6%
Bénin6,0%6,0%6,0%

Source: données de la Banque mondiale.

A ces risques, s’ajoutent les tensions géopolitiques mondiales et un endettement de plus en plus difficilement soutenable pour de nombreux pays avec des services de la dette qui absorbent une grande partie des recettes des Etats, laissant peu de marges à l’investissement public nécessaire pour stimuler la croissance en contribuant au développement des infrastructures qui font encore défaut dans de nombreux pays africains. En fin, malgré ces taux de croissance élevés, celui du chômage ne recule pas suffisamment.

Par Moussa Diop
Le 25/06/2024 à 15h37