Climat: à la COP30 de Belém, l’Afrique exige la fin des promesses creuses

191 pays se réunissent à Belém au Brésil à l’occasion de la COP30

Le 08/11/2025 à 15h00

Pendant que la lutte contre le réchauffement climatique subit des vents contraires, 191 pays se réunissent au Brésil à l’occasion de la COP30. Portée par une vulnérabilité extrême et une ambition politique majeure, l’Afrique pourrait tirer son épingle du jeu en faisant de cette «COP de l’action» le lieu de la reddition des comptes. Mais, les enjeux présenté dès le départ rebattent les cartes de l’équité du financement.

La métropole brésilienne de Belém accueille un sommet climatique présenté comme décisif. Dix ans après l’adoption de l’Accord de Paris, la 30e Conférence des Parties (COP30) se veut la «COP de la mise en œuvre». Pour le continent africain, qui ne contribue qu’à moins de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre mais en subit les effets les plus dévastateurs, l’enjeu est existentiel. Il ne s’agit plus de négocier, mais d’exiger que les engagements se transforment en actions tangibles.

«L’ambition de l’Afrique n’est pas en question, ce qui manque, c’est la mise en œuvre.» Ce message, sans équivoque, est au cœur d’un nouveau rapport du centre de réflexion kényan Power Shift Africa (PSA), intitulé «Priorités africaines pour la COP30: note d’orientation». Il résume la position d’un continent exsangue, confronté à une multiplication de crises climatiques immédiates– sécheresses historiques, inondations meurtrières, élévation du niveau de la mer– alors même que les financements promis tardent à arriver.

La situation est d’une ironie amère: parmi les dix pays les plus affectés par le changement climatique dans le monde, neuf sont africains. Les conséquences sont multiples: insécurité alimentaire, déplacements de populations, pression sur les budgets nationaux. Le continent perd entre 7% et 15% de son produit intérieur brut en raison du dérèglement climatique, mais ne reçoit que moins de 3% des financements climatiques mondiaux. Ce fossé abyssal entre les impacts subis et les ressources allouées forge une position africaine plus unie et plus déterminée que jamais à Belém.

Le chapitre financier constituera, sans surprise, la pierre angulaire des négociations pour les délégations africaines. Ces dernières années, le continent a su gagner du terrain sur ce front exigeant. À la COP26 de Glasgow, il a obtenu l’engagement de doubler les financements pour l’adaptation. À Charm el-Cheikh, lors de la COP27, sa mobilisation a été décisive dans la création historique du Fonds pour les pertes et dommages.

Pourtant, le décalage reste criant, les besoins annuels d’adaptation de l’Afrique sont estimés à 70 milliards de dollars. Or, en 2023, les flux reçus n’ont atteint que 14,8 milliards de dollars. Parallèlement, la facture des pertes et dommages– ces impacts climatiques auxquels on ne peut plus s’adapter– s’annonce vertigineuse: entre 290 et 440 milliards de dollars pour la période 2020-2030, selon le rapport du PSA.

Face à l’urgence, les institutions régionales se mobilisent. Le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) s’est imposé comme un acteur majeur dans le paysage du financement climatique. Par le biais de mécanismes innovants, il s’efforce de combler le déficit de financement et d’accompagner la transition verte du continent.

D’ailleurs, la question de financement a été au cœur des discours des deux chefs d’États africains à être les premiers à la tribune de la conférence ce jeudi.

Prenant la parole en premier pour les chefs d’États et de délégations africaines, le président de la RDC, Félix Tshisekedi a déploré «l’écocide» [Ndlr Grave atteinte portée à l’environnement, entraînant des dommages majeurs à un ou plusieurs écosystèmes, pouvant aller jusqu’à leur destruction] que subit son pays. Félix Tshisekedi a accusé certaines personnes mal intentionnées de détruire volontairement les espaces protégés et les forêts de la RDC. Il appelle la communauté internationale à aider la RDC, confrontée à la fois au génocide et à l’écocide.

De son côté, le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso a regretté que les mêmes préoccupations se répètent «en boucle», tandis que les engagements pris par les parties «ne sont pas suivis d’effet».

«Le fossé se creuse davantage entre les ambitions proclamées et la grande insuffisance des efforts réalisés», a-t-il dénoncé, appelant les décideurs à un sursaut collectif.

Fier des acquis de son pays, le président congolais a mis en avant le modèle du Congo en matière de gestion durable des ressources forestières. Le président Sassou-Nguesso a ajouté que «depuis plus de quatre décennies, mon pays porte en toute responsabilité sa contribution à la dynamique globale de lutte contre les changements climatiques», a-t-il rappelé, soulignant que le Congo dispose de plus de 4 millions d’hectares d’aires protégées, soit 13,5% du territoire congolais.

Alors que Belém s’apprête à recevoir entre 50.000 et 60.000 délégués, l’Afrique y arrive avec une légitimité renforcée et des demandes concrètes. Elle ne vient plus seulement en victime réclamant justice, mais en partenaire indispensable à la solution globale, porteur d’un modèle de développement résilient et sobre en carbone. La «COP de l’action» sera jugée à l’aune de sa capacité à écouter et à répondre à cette voix devenue incontournable.

Par Mouhamet Ndiongue
Le 08/11/2025 à 15h00