Selon la Banque africaine de développement (BAD), avec une dette extérieure totale de 1.152 milliards de dollars à fin 2023, «l’Afrique paiera 163 milliards de dollars au titre du service de la dette rien que pour 2024», soulignant que «le poids grandissant du service de la dette pourrait obérer les objectifs e développement durable sur le continent».
Ce poids du service de la dette du continent est la conséquence d’un endettement continu au cours de ces dernières années et qui a connu une accélération avec les crises du Covid-19 et de la guerre russo-ukrainienne qui ont eu des conséquences négatives sur les performances budgétaires des pays africains, pris globalement.
Ces endettements récents ont fait passer le ratio dette/PIB du continent africain de 57% en 2019 à 66% en 2022. En cause, les dépenses de santé pour faire face à la pandémie, les coûts sociaux supportés par les États pour atténuer les effets négatifs de l’arrêt total ou partiel des activités économiques, la hausse des transferts sociaux pour faire face à l’inflation importée…
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Tous ces facteurs ont contribué à déséquilibrer les budgets des pays africains et poussé les États à s’endetter davantage dans un environnement devenu moins favorable: raréfaction des financements extérieurs publics bilatéraux et multilatéraux poussant les pays africains vers les marchés de capitaux internationaux, retournement de conjoncture avec la hausse des taux (500 points de base) décidées par la Réserve fédérale américaine depuis mars 2022, dépréciation des monnaies africaines face au dollar américain… tous ces facteurs ont contribué à alourdir le fardeau du service de la dette des pays africains.
Conséquence, les services de la dette de nombreux pays ont explosé ces dernières années, selon les données de la Banque mondiale. Ainsi, en 2023, l’Afrique du Sud, avec une dette extérieure à long terme de 113,67 milliards de dollars (sur une dette extérieure totale de 165,78 milliards de dollars), a remboursé 21 milliards de dollars dont 14,81 milliards en principal et 6,15 milliards en intérêts. Le service de la dette a représenté 18,42% de la dette extérieure long terme de ce pays durant cette année.
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Derrière suit l’Égypte avec un service de la dette de 15,60 milliards de dollars pour une dette extérieur long terme de 119,20 milliards de dollars. Le remboursement de la dette égyptienne comprend un principal de 9,33 milliards et des intérêts atteignant 6,27 milliards de dollars. Malgré une dette extérieure plus importante, l’Égypte a remboursé un service de la dette inférieur à celui de l’Afrique du Sud. Une différence qui s’explique par le fait que la dette égyptienne est à 62% bilatérale et multilatérale donc avec des taux d’intérêt beaucoup moins importants que ceux du marché, alors que la dette sud-africaine est d’origine privée à hauteur de 86% dont 79% d’emprunts obligataires.
Derrière ces deux pays arrivent l’Angola (11,80 milliards), le Nigeria (7,64 milliards), le Maroc (5 milliards), la Tunisie (3,83 milliards), le Kenya (3,5 milliards), la Côte d’Ivoire (2,94 milliards), le Sénégal (2,24 milliards) et la Tanzanie (2,18 milliards).
Les plus gros services de dettes des pays africains en 2023
Pays | Dette extérieure longue terme (LT) | Principal de la dette long terme | Intérêt de la dette long terme | Service de la dette (milliards de dollars) |
---|---|---|---|---|
Afrique du Sud | 113,67 | 14,81 | 6,15 | 20,96 |
Egypte | 119,20 | 9,33 | 6,27 | 15,60 |
Angola | 46,60 | 8,03 | 3,76 | 11,80 |
Nigeria | 75,67 | 4,59 | 3,05 | 7,64 |
Maroc | 55,33 | 3,57 | 1,43 | 5,00 |
Tunisie | 24,80 | 2,79 | 1,09 | 3,90 |
Kenya | 36,29 | 2,19 | 1,39 | 3,58 |
Côte d’Ivoire | 29,56 | 1,90 | 1,04 | 2,94 |
Sénégal | 32,82 | 0,71 | 1,53 | 2,24 |
Tanzanie | 28,46 | 1,58 | 0,60 | 2,18 |
Source: Banque mondiale
Si ces pays ont remboursé, dans l’absolu, les plus gros montants cela ne signifie nullement qu’ils sont les plus affectés par ces remboursements. En effet, certains pays affectent au remboursement de leur dette des parts importantes de leurs recettes budgétaires. À titre d’exemple, le service de la dette de l’Angola en 2023, qui s’est établi à 11,80 milliards de dollars, dépasse de 50% les recettes publiques du pays. Quant à la Zambie, elle devrait consacrer les deux tiers de son budget au service de la dette en 2024 et 2026. Le Cameroun consacre 23,8 % de ses recettes au service de sa dette, contre 6,9 % à la santé.
Une situation qui ne laisse pas de marges de manœuvre aux États pour faire face aux autres dépenses publiques: santé, éducation, budget de fonctionnement… En 2021, les pays africains consacraient 4,8% de leur PIB au service de la dette, contre 2,6% pour la santé, 4,8% pour l’éducation…
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En outre, les services de la dette se traduisent par d’importantes sorties de devises qui impactent négativement les réserves de change déjà tendues de nombreux pays du continent.
Du coup, Certains pays comme le Ghana, la Zambie, l’Ethiopie… ont été dans l’incapacité de faire face à leurs obligations financières et ont été déclarés en défaut de paiement.
Pour y remédier, il faut au préalable améliorer la mobilisation des ressources internes, réduire l’évasion fiscale et freiner les dépenses budgétaires afin de réduire les déficits.
Certains pays africains ont réussi à éviter cet énorme endettement. C’est le cas de la République Démocratique du Congo (RDC) peuplée de110 millions d’habitants, dont la dette extérieure à long terme est de seulement 6,47 milliards de dollars en 2023 et dont le service de la dette s’est établi à seulement 400 millions de dollars (262 millions en principal et 137 en intérêts). À l’opposé, Maurice, 1,3 million d’habitants, traine une dette extérieure long terme de 9,5 milliards de dollars (sur une dette extérieure globale de 19,25 milliards de dollars) et un service de la dette de 1,8 milliard de dollars en 2023.