Commerce intra-africain : les 10 champions de 2023, selon Afreximbank

Transbordement d'un porte-conteneurs au Terminal 1 du port de Tanger Med.. AFP or licensors

Le 04/07/2024 à 16h21

2023 marque une étape supplémentaire vers l’émergence de véritables champions du commerce intra-africain, bien décidés à tirer parti des opportunités offertes par le vaste marché régional. Nul doute que cette dynamique vertueuse profitera au renforcement de l’intégration économique africaine dans les années à venir.

Malgré les turbulences mondiales, le commerce intra-africain a démontré une résilience remarquable en 2023, atteignant 192,2 milliards de dollars, soit une croissance de 3,2% par rapport au taux de croissance impressionnant de 10,9% en 2022. La part du commerce intra-africain dans le total des échanges africains a atteint 14,9 % en 2023, soit une amélioration par rapport aux 13,6% atteints en 2022. C’est ce que révèle un récent rapport de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), intitulé « African trade report 2024 : Climate implications of the AfCFTA implementation ».

Le rapport indique que le commerce intra-régional a ainsi représenté 15% du total des échanges commerciaux du continent durant l’année écoulée contre 13,6% en 2022. Bien que modeste, cette progression témoigne des efforts soutenus visant à stimuler les échanges régionaux, notamment à travers la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).

Dix pays se démarquent comme les principaux moteurs de cette dynamique intra-africaine en 2023 : l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Nigéria, le Zimbabwe, le Mali, le Ghana, la Zambie, la République démocratique du Congo (RDC) et la Namibie. Ensemble, ils représentent près des trois quarts du commerce intra-africain total.

L’Afrique du Sud, champion historique

Avec 39,2 milliards de dollars d’échanges intra-africains en 2023, soit 20,4% du total, l’Afrique du Sud confirme son statut de premier partenaire commercial régional. Cette position s’explique par la diversité de ses exportations vers le continent, dominées par les machines, les véhicules, les produits pétroliers, les pierres précieuses et les équipements industriels.

En contrepartie, le pays d’Afrique australe importe massivement des hydrocarbures, notamment du Nigeria, son principal fournisseur de pétrole brut. Les pays voisins comme le Mozambique, le Botswana et le Zimbabwe sont également des partenaires clés, exportant notamment des produits miniers, agricoles et agroalimentaires vers l’Afrique du Sud.

La Côte d’Ivoire en pleine ascension

En 2023, la Côte d’Ivoire a renforcé sa position de deuxième plus grand acteur du commerce intra-africain. Ses échanges avec le continent ont bondi de 23% pour atteindre 16,1 milliards de dollars, représentant 8,4% du total des échanges intra-africains, contre 7% en 2022.

Cette performance s’explique par une hausse de 26,4% de ses exportations, dominées par le cacao et ses dérivés, les produits pétroliers, l’or brut et le caoutchouc naturel. Les pays voisins comme le Mali et le Burkina Faso sont ses principales destinations, en raison des sanctions commerciales récemment levées.

Côté importations, en hausse de 15,5%, le Nigeria et le Togo sont ses principaux fournisseurs de pétrole brut, produits pétroliers, machines, fer et riz.

La Côte d’Ivoire mise sur sa position stratégique en Afrique de l’Ouest et l’intégration régionale pour consolider ses échanges intra-continentaux. Cependant, sa dépendance aux matières premières et aux importations d’hydrocarbures constitue un défi à relever pour diversifier son commerce et développer des chaînes de valeur régionales plus intégrées, notamment dans les secteurs manufacturiers et agroalimentaires.

L’Égypte, porte d’entrée vers l’Afrique

Troisième acteur-clé du commerce intra-africain en 2023 avec 8,3 milliards de dollars d’échanges, l’Égypte poursuit sa stratégie d’expansion commerciale sur le continent. Ses exportations sont principalement constituées de marbre, ciment, plastiques et engrais, tandis que ses importations proviennent majoritairement d’Afrique du Nord.

Cependant, Le Caire cherche à diversifier ses partenaires, comme en témoigne la hausse de ses exportations vers la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Kenya et le Nigéria. Le rapport d’Afreximbank, citant un communiqué de presse officiel décrivant les objectifs du gouvernement pour le nouveau mandat du président Abdel Fattah Al Sisi, rappelle que le gouvernement égyptien a annoncé son objectif d’augmenter les échanges avec l’Afrique de 20% d’ici 2029, visant un total de 145 milliards de dollars US d’ici 2030.

Par ailleurs, le président Égyptien a appelé, courant novembre 2023, à promouvoir le commerce intra-africain lors de sa participation à la troisième Foire commerciale intra-africaine (IATF2023).

Le Nigéria peine à tirer parti du marché régional

Malgré un léger repli de 2,1% à 8 milliards de dollars, le Nigéria conserve sa 4ème place contributrice au commerce intra-africain en 2023. Ses exportations demeurent largement dominées par les hydrocarbures, notamment vers la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud et le Sénégal.

Toutefois, le pays d’Afrique de l’Ouest peine à tirer parti du marché régional pour ses importations, celles-ci ne représentant que 2,9% de ses achats totaux. Un développement du secteur manufacturier local permettrait de mieux valoriser les opportunités offertes par la ZLECAf.

Des acteurs émergents prometteurs

Au-delà des poids lourds cités plus haut, d’autres nations renforcent progressivement leur présence commerciale régionale. C’est le cas du Zimbabwe, classé 5ème, le Mali (6ème), le Ghana (7ème), la Zambie (8ème), la RDC (9ème) et la Namibie (10ème).

Selon le rapport d’Afreximbank, ces 6 pays sont des contributeurs importants au commerce intra-africain. Ensemble, ils représentent 22,2% du total des échanges intra-africains en 2023. « La contribution collective de ces pays a été renforcée par le Ghana, le Mali et la Namibie, qui ont enregistré des gains substantiels dans leurs volumes d’échanges, marqués par des taux de croissance robustes de 18,6%, 13% et 5,4%, respectivement », souligne le rapport.

Les matières premières dominent largement le commerce intra-africain

Si les échanges intra-africains se caractérisent par une plus forte teneur en produits manufacturés et à haute valeur ajoutée que le commerce extra-continental, les matières premières, en particulier les hydrocarbures et les minerais, dominent encore largement.

Ainsi, le Nigeria approvisionne massivement l’Afrique du Sud en pétrole brut, tandis que la RDC exporte vers l’Afrique du Sud des métaux précieux, du cuivre et des produits chimiques inorganiques. La Zambie bénéficie quant à elle des importants flux de cuivre en provenance de la RDC.

Renforcer les chaînes de valeur régionales

Au-delà des échanges de matières premières, le commerce intra-africain favorise l’émergence de chaînes de valeur régionales à plus forte valeur ajoutée. C’est le cas dans l’agroalimentaire, où la Côte d’Ivoire exporte des produits dérivés du cacao tout en important des céréales du Mali et du Burkina Faso.

Dans le secteur pharmaceutique, l’Afrique du Sud approvisionne la RDC, mais la dépendance aux importations extra-continentales reste forte. Le développement d’une industrie pharmaceutique locale, soutenu par des institutions comme Afreximbank, représente un enjeu majeur de souveraineté pour les pays africains.

Facilitation des échanges et infrastructures, clés de la croissance

Pour concrétiser pleinement le potentiel du commerce intra-africain, plusieurs défis restent à relever. L’amélioration de la facilitation des échanges, la levée des barrières tarifaires et non tarifaires, ainsi que le développement des infrastructures de transport et logistiques sont autant de priorités.

La mise en œuvre effective de la ZLECAf, véritable moteur d’intégration régionale, sera déterminante pour permettre aux champions économiques africains d’étendre leurs réseaux d’échanges et de production à l’ensemble du continent. Le rapport souligne que les progrès remarquables réalisés dans la mise en œuvre de la ZLECAf depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2021 constituent une réussite majeure dans les efforts visant à stimuler le commerce intra-africain en 2023.

« L’accord commercial est basé sur des listes tarifaires et des concessions réciproques et juridiquement applicables, avec des règles d’origine et une documentation douanière convenues. Les négociations complexes et prolongées sur les règles d’origine ont retardé la mise en place d’un commerce significatif dans le cadre de la ZLECAf. Malgré cela, des progrès significatifs ont été réalisés en 2023. Trois pays supplémentaires ont ratifié l’accord, portant le total à 47», fait valoir Afreximbank.

Les sept pays qui doivent encore le ratifier sont le Bénin, le Liberia, la Libye, Madagascar, la Somalie, le Sud-Soudan et le Soudan. L’Érythrée reste le seul État membre de l’Union africaine qui n’a pas encore signé l’accord. Les négociations sur le protocole relatif au commerce des marchandises ont franchi des étapes importantes en 2023. À ce jour, 48 concessions tarifaires ont été soumises par les pays représentant 87% des membres de l’Union africaine.


Indicateurs des pays du Top 10 dans le commerce intra-africain de 2023

PaysExportations intra-africaines (en milliards de dollars)Taux de croissance (%)Part des pays dans le total des exportations intra-africaines (%)Importations intra-africaines (en milliards de dollars)Rang
Afrique du Sud29.61-1.3426.839.591er
Côte d’Ivoire11.3826.4010.314.702ème
Égypte6.6118.695.991.633ème
Nigéria5.638.185.102.364ème
Zimbabwe2.90-8.642.634.735ème
Mali2.528.302.285.036ème
Ghana6.0227.235.461.337ème
Zambie3.179.472.873.758ème
RDC3.34-7.793.033.559ème
Namibie3.1520.222.853.1210ème


Par Modeste Kouamé
Le 04/07/2024 à 16h21