Publié fin septembre par le think tank indien Centre for Science and Environment (CSE), le rapport annuel «State of Africa’s Environment 2025: Africa and Climate Change» dresse un constat critique. Le document expose les conséquences multiples du réchauffement climatique sur le continent africain, ainsi que les inégalités dans la répartition des responsabilités et des capacités d’adaptation.
Au niveau mondial, les niveaux de dioxyde de carbone ont atteint leur plus haut niveau depuis 800.000 ans. L’année 2024 a, pour la première fois, dépassé le seuil compris 1,5 et 2°C fixé par l’Accord de Paris, au-delà duquel les impacts seraient irréversibles. Les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, avec des vagues de chaleur marine affectant presque toutes les régions côtières africaines. Les océans se réchauffent désormais à un rythme sans précédent, menaçant la biodiversité et les moyens de subsistance de millions de personnes.
Sur le continent, le réchauffement s’accélère depuis 60 ans, à un rythme supérieur à la moyenne mondiale. L’année 2024 a ainsi été la plus chaude jamais enregistrée en Afrique. Entre 2021 et 2025, 412,07 millions de personnes ont été affectées par des catastrophes liées au climat, à l’eau et aux conditions météorologiques, entraînant 41 549 décès.
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La mobilité climatique, définie comme le déplacement temporaire ou définitif de populations dont la vie est menacée par des catastrophes naturelles— inondations, sécheresses, tempêtes, feux de forêt ou glissements de terrai—, s’impose comme un phénomène majeur. Entre 2021 et 2025, près de 222 millions d’Africains ont été directement touchés par ces événements.
Les déplacements internes dus aux catastrophes ont explosé, passant de 1,1 million en 2009 à 6,3 millions en 2023. Dans certaines régions, notamment en Afrique de l’Est, jusqu’à 10,5 % de la population pourrait être contrainte de se déplacer d’ici 2050, accentuant les tensions sociales, la pauvreté et l’insécurité.
Une sécurité alimentaire menacée
Le rapport souligne qu’un réchauffement global de 2°C exposerait plus de 50% de la population africaine au risque de sous-alimentation. Les changements climatiques, conjugués à la dégradation des terres, provoquent déjà une baisse estimée à 18% de la production agricole. Ce recul fragilise les économies rurales et accentue la dépendance alimentaire du continent.
Une formidable opportunité : une situation gagnant-gagnant. Planter des arbres, protéger les arbres, obtenir des crédits carbone. Mais la question demeure : quelle est la valeur de ces crédits carbone ? Qui en bénéficie ?
L’Afrique subit de plein fouet le stress hydrique. Selon le rapport, 700 millions d’Africains pourraient être déplacés d’ici 2030 en raison de la raréfaction de l’eau. Les écarts mondiaux en matière de disponibilité hydrique, évalués à 458 milliards de mètres cubes par an, devraient encore croître de 6 % sous un scénario de réchauffement à 1,5°C. Une gestion intégrée de l’eau et du climat devient, selon le CSE, indispensable pour renforcer la résilience des populations.
Les conséquences sanitaires sont tout aussi préoccupantes. Le changement climatique favorise la recrudescence de maladies infectieuses telles que le paludisme et le choléra. En 2023, les transmissions de la malaria ont augmenté de 14%, mettant entre 147 et 171 millions de personnes supplémentaires à risque d’ici 2030. Sur la même période, les cas de choléra ont bondi de 125% par rapport à l’année précédente.
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Sur le plan économique, le rapport dénonce l’injustice d’une «dette climatique» croissante. Les pays africains, pourtant faiblement émetteurs de gaz à effet de serre, supportent une lourde charge financière. En 2025, ils devraient consacrer près de 30% de leurs revenus au service de la dette, limitant drastiquement leur capacité à financer la transition climatique. Dans certains cas, comme au Ghana, en Zambie ou au Cameroun, le service de la dette publique externe dépasse de plus de 50 fois les pertes liées aux catastrophes climatiques.
Le document du CSE note que l’Afrique représente environ un cinquième des projets de crédits carbone recensés dans les grands registres mondiaux. Entre 2013 et 2023, environ 14 % des investissements mondiaux en projets carbone- soit 5,9 milliards de dollars- ont été réalisés en Afrique subsaharienne. Toutefois, les bénéfices pour les communautés locales demeurent limités, révélant un déséquilibre profond dans la gouvernance du marché du carbone.










