«Les prix des denrées locales baissent mais ceux des produits importés restent encore élevés», déplore cette mère de cinq enfants.
Près d’un an après la levée des sanctions par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) qui protestait contre le renversement du président civil Mohamed Bazoum en 2023, la valse des étiquettes continue de ruiner le quotidien des 26 millions de Nigériens.
Les sanctions ont «complètement perturbé les circuits d’approvisionnement» dans ce pays enclavé, et les «difficultés (créées) au niveau des importations» ont fait augmenter «le coût de nombreux produits particulièrement alimentaires», a expliqué l’économiste Abdallah Souleymane, interrogé sur la télévision nationale.
Selon l’Institut national de la statistique (INS), l’inflation a atteint «un sommet historique de 15,47% en juin 2024», avant de refluer sur la fin d’année. Et elle devrait «rester élevée», sur la période 2025-2026 à 5,4%, d’après les projections de la Banque mondiale (BM).
Détours risqués
Selon des syndicats nigériens, cette inflation est surtout alimentée par la fermeture de la frontière avec le Bénin voisin, qui abrite le port plus proche par lequel transitait 80% du fret destiné au Niger, pays enclavé.
Niamey refuse d’ouvrir sa frontière avec le Bénin, qu’il accuse d’accueillir des bases où s’entraîneraient des jihadistes, ce que Cotonou nie.
Pour éviter l’asphyxie, le Niger s’est donc tourné vers d’autres sources de ravitaillement, principalement vers le port de Lomé au Togo, obligeant les milliers de camions à faire de longs détours et à traverser l’est du Burkina Faso, secoué par des attaques jihadistes meurtrières.
Le cheminement par ces nouvelles routes engendre un surcoût, qui est répercuté sur les prix de produits de première nécessité.
«Nous passons deux à trois mois pour venir à Niamey, nous supportons beaucoup de frais et il y a les risques d’attaques malgré les escortes militaires», confirme à l’AFP le chauffeur ghanéen Idrissou Issoufou, un habitué des convois qui n’hésite pas à parler de «calvaire».
Si la frontière avec le Bénin demeure officiellement fermée, le passage des marchandises via le fleuve Niger, qui sépare les deux pays, n’est lui pas totalement à l’arrêt.
«Du Bénin, nous faisons entrer des produits au Niger sur des embarcadères par le fleuve, mais cela nous revient très très cher», se plaint Salamatou Gna, une commerçante béninoise à Niamey.
Changement d’habitudes
Avant, «avec 10.000 FCFA (15 euros) on pouvait remplir son panier, aujourd’hui avec la même somme on aperçoit le fond du panier», approuve Hadjia Hadjara, autre résidente de la capitale, sur un marché.
Aujourd’hui dans sa famille, «il n’est plus question de préparer deux repas copieux par jour», ajoute t-elle.
«Pour s’adapter, les Nigériens ont changé carrément leurs habitudes alimentaires et consomment (plus) les mets traditionnels», constate Mahaman Nouri, de l’Association des droits des consommateurs (ADDC) du Niger.
«Je connais beaucoup de gens qui ne mangeaient pas de pâte de maïs, mais ils se sont adaptés, il faut revenir aux produits locaux» développe t-il.
Et pour les vêtements, les habits sur mesure ont cédé la place aux fripes.
Afin d’adoucir le coût de la vie, le régime militaire au pouvoir depuis juillet 2023 a de manière inédite fait baisser de 50% les frais de consultations et des soins médicaux pour tous, et réduit également le prix de l’essence, du gasoil et du ciment, et de certains droits de douane.
Il a également organisé des distributions gratuites de vivres aux plus pauvres et des ventes promotionnelles de céréales pour «casser les prix» sur les marchés.
Les exportations des céréales sont par ailleurs interdites notamment vers le Nigeria, afin de prévenir des pénuries, dans ce pays où la junte a fait de la souveraineté une priorité.
Selon Han Fraeters, responsable des opérations de la Banque mondiale pour le Niger «l’économie nigérienne a fait preuve de résilience, en partie grâce à l’intervention proactive des autorités», notamment pour assurer le paiement des salaires des fonctionnaires.
Malgré ce contexte difficile, l’institution internationale, qui a repris ses aides, prévoit une croissance du PIB de 6,5% en moyenne sur 2025-2026, soutenue notamment par la production agricole et les exportations de pétrole.
Mais si l’inflation persiste, l’extrême pauvreté pourrait atteindre «49,9 % d’ici 2026», prévient-elle.