Finance climat 2023: le Top 10 des pays africains bénéficiaires

Le 26/09/2024 à 16h28

Les efforts déployés par certains pays africains pour construire des stratégies ambitieuses de lutte contre le réchauffement climatique portent leurs fruits, se traduisant par des financements conséquents de la part des banques multilatérales de développement. Zoom sur la cagnotte verte du Top 10 des pays africains en 2023. Bien que faible émetteur de gaz à effet de serre, le continent subit de plein fouet les effets du dérèglement climatique.

Devenir un pays africain vert a son prix. Et certains semblent déjà s’arroger la majeure partie de la mise. En 2023, les pays africains ont concentré une part importante des financements climat accordés par les banques multilatérales de développement (BMD).

Et pour cause. En septembre dernier, l’Organisation météorologique mondiale publiait un rapport selon lequel les pays africains perdent en moyenne de 2 à 5 % de leur produit intérieur brut à gérer les extrêmes climatiques, et nombre d’entre eux réaffectent jusqu’à 9 % de leur budget à cet effet. «En l’absence de mesures adéquates, jusqu’à 118 millions de personnes extrêmement pauvres pourraient être exposées à la sécheresse, aux inondations et aux chaleurs extrêmes en Afrique d’ici à 2030» avertissait cette agence onusienne selon laquelle l’Afrique subit le changement climatique de «façon disproportionnée

Dans ce contexte, le rapport annuel conjoint que vient de publier un groupe de banques multilatérales de développement (BMD)* tombe à pic. L’Égypte, l’Afrique du Sud et l’Éthiopie arrivent en tête des pays bénéficiaires de la finance verte, avec respectivement 2,019, 1,672 et 1,392 milliards de dollars de financements reçus cette année.

À la suite de ce peloton de tête, arrivent le Maroc (4ème sur le contient avec 1,195 milliards de dollars), le Kenya (5ème avec 1,115 milliards), la Côte d’Ivoire (6ème avec 1,064 milliards), le Nigéria (7ème avec 1,023 milliards), la Tanzanie (8ème avec 1,015 milliards), le Sénégal (9ème avec 897 millions de dollars) et la RDC (10ème avec 885 millions de dollars).

Développement économique et exposition aux impacts climatiques

Sans être le seul critère déterminant, le niveau de développement économique semble jouer un rôle dans l’allocation des financements climat. Parmi les dix premiers bénéficiaires, on retrouve des économies émergentes comme l’Égypte, l’Afrique du Sud ou le Maroc, mais aussi des pays à plus faible revenu comme l’Éthiopie, le Kenya ou la Tanzanie. «L’exposition aux impacts des changements climatiques est un facteur déterminant, ces financements visant à la fois l’atténuation et l’adaptation », poursuit le rapport.

Cela se vérifie dans la ventilation des montants par type de financement. Pour les pays comme l’Éthiopie, le Kenya ou la Tanzanie, les BMD ont davantage ciblé l’adaptation au changement climatique, avec par exemple 75% des 1,392 milliards alloués à l’Éthiopie dédiés à ce volet. À l’inverse, des pays plus riches comme l’Égypte ou l’Afrique du Sud concentrent l’essentiel des financements sur l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, pour développer les énergies renouvelables notamment.

Stratégies climatiques ambitieuses payantes

Les efforts déployés par certains pays pour se doter de stratégies climatiques ambitieuses ont été récompensés dans cette répartition. C’est le cas par exemple du Maroc, 4ème bénéficiaire avec 1,195 milliard de dollars, qui a multiplié les initiatives ces dernières années comme la stratégie nationale bas carbone ou le plan national d’adaptation.

À cela s’ajoute le fait qu’une réelle dynamique de la demande a pesé. Les BMD ont accompagné les pays les plus en pointe sur le climat. Le Rwanda, malgré l’absence de cette petite économie dans le top 10, fait ainsi figure de bon élève avec 316 millions de dollars de financements climat obtenus.

Importance du secteur privé variable

Dans la majorité du top 10, les financements climat restent principalement alloués à des entités publiques: 96% en Éthiopie, 85% en Côte d’Ivoire ou encore 80% au Kenya. Une tendance qui reflète les priorités d’adaptation de nombre de ces pays et la difficulté d’impliquer le secteur privé sur ces enjeux.

Certains pays émergents font cependant figure d’exception, avec une part conséquente des financements orientés vers le privé: 60% en Égypte, 53% en Afrique du Sud. Cela s’explique par le fait que c’est dans ces pays que le secteur privé est le plus mobilisé, notamment sur les volets atténuation et énergies renouvelables où il joue un rôle majeur.

Des disparités régionales marquées

Si l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Est concentrent la majorité des grands bénéficiaires, avec respectivement 3 et 4 pays du top 10, l’Afrique de l’Ouest est également bien représentée avec la Côte d’Ivoire, le Nigéria et le Sénégal. En revanche, aucun pays d’Afrique centrale ne figure au palmarès, un constat qui illustre les besoins criants de cette région en matière d’accès aux financements climat.

La République démocratique du Congo fait toutefois une entrée remarquée à la 10e place grâce à 885 millions de dollars obtenus en 2023, un niveau très supérieur aux années précédentes (305 millions en 2020, 91 millions en 2022). Un signe encourageant pour ce pays qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale mondiale.

Vers plus de redevabilité

La montée en puissance des financements climat appelle une plus grande redevabilité et une meilleure évaluation de leur utilisation. Dans leur rapport, les BMD se contentent encore de lister quelques exemples de projets financés, sans bilan d’étape et d’impact concret. De même, les mécanismes d’implication des populations locales et de la société civile dans la planification et la mise en œuvre de ces programmes restent souvent opaques.

Il faut dire cela est un enjeu crucial alors que ces financements climat sont amenés à prendre de plus en plus d’importance, avec un objectif de 18 milliards de dollars par an pour l’adaptation à partir de 2025. Un triple défi de transparence, de redevabilité et d’efficacité se dessine pour les BMD.

Les 10 pays africains les plus financés en 2023 (en millions de dollars) :

PaysFinancements reçus en 2022Financements reçus en 2023Rang
Egypte1.9952.0191er
Afrique du Sud51.6722ème
Ethiopie1501.3923ème
Maroc1.6201.1954ème
Kenya7891.1155ème
Côte d’Ivoire3111.0646ème
Nigeria1.1571.0237ème
Tanzanie6121.0158ème
Sénégal5908979ème
RDC9188510ème

Source : Joint Report on Multilateral Development Bank’ (MDB) Climate Finance 2023

(*) Le groupe de banques multilatérales de développement (BMD) est composé de la Banque africaine de développement (AfDB), la Banque asiatique de développement (ADB), la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (EBRD), la Banque européenne d’investissement (EIB), le Groupe de la Banque interaméricaine de développement (IDBG), la Banque islamique de développement (IsDB), la Nouvelle banque de développement (NDB) et le Groupe de la Banque mondiale (GBM).

Par Modeste Kouamé
Le 26/09/2024 à 16h28