Gabon: faut-il se méfier de la contribution foncière unique?

Les contribuables gabonais redécouvrent l'impôt foncier

Le 24/04/2025 à 16h03

VidéoLa contribution foncière unique, entrée en vigueur en avril, n’est pas un nouvel impôt mais découle de la fusion de deux contributions qui existent depuis 1982: la contribution foncière des propriétés bâties et celle des propriétés non bâties. Cependant, les contribuables donnent l’impression de découvrir cette imposition car «ils ne le payaient pas auparavant». Qu’en pensent ceux qui devront s’en acquitter?

Annoncée depuis plusieurs années, la contribution foncière unique (CFU) se matérialise enfin. Dès cette fin du mois d’avril, cette réforme fiscale remplacera les anciennes taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties. Objectif: simplifier le système fiscal, élargir l’assiette des recettes de l’État, et mieux mobiliser les ressources. Selon la Direction des impôts citée par la presse «l’objectif est de doubler le rendement, soit 26 milliards de francs CFA, malgré un faible taux de formalisation foncière – à peine 14.000 titres recensés sur tout le territoire

Mais comme toute réforme, la CFU reste diversement appréciée par les contribuables. Certains comme Christ Mboumba, habitant le quartier Nombakélé du 3ème arrondissement de Libreville, salue une réforme qu’il qualifie de justifiée. «Le foncier appartient à l’État même si généralement on pense qu’on en est propriétaire. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose dès lors que cet argent servira la bonne cause», explique-t-il.

Mais tous ne s’y retrouvent pas. C’est le cas de Charlotte, en plein litige foncier avec un «cohéritier». Depuis plus de neuf mois, elle attend une décision de justice et ne se sent pas concernée par la CFU.«La contribution foncière je la paierai pourquoi? Si encore j’étais logée, j’aurais compris. Mais à partir du moment où je suis à la rue, je ne sais pas à qui je dois payer cette CFU», déclare-t-elle, partagée entre indignation et incompréhension.

«Pas de développement possible sans impôts»

Ce cas révèle l’un des défis que devra relever l’administration fiscale: intégrer des situations juridiques souvent complexes dans la nouvelle approche contributive. Pour Mme Minko, responsable des relations publiques à la Direction générale des impôts, la CFU s’inscrit dans une dynamique de transparence fiscale et de développement des collectivités locales. «Pour des raisons de simplification, il fallait fusionner ces deux impôts dont la déclaration se faisait de façon distincte. La communication que nous faisons c’est vraiment pour informer le public que l’État ne peut pas engager les projets de développement...si on ne paie pas ses impôts», précise-t-elle.

La mise en place de la CFU fait suite à une réforme datant de 1982, jamais totalement implémentée. Aujourd’hui environ 14.000 usagers ont été recensés comme détenteurs de titres fonciers à l’échelle nationale. Ils constituent les premières cibles d’une niche fiscale appelée à financer les services sociaux de base au sein des collectivités locales.

«On verra les localités de l’intérieur du pays se développer si cette manne est bien gérée, dans le cas contraire, l’impôt n’aura plus de légitimité. Il y a trop d’organismes qui prélèvent les impôts. Un guicher unique pour s’acquitter des impôts permettra une meilleure visibilité», estime, Michel Leprince Ndzeng, économiste, spécialisé dans l’Intelligence économique.

La CFU constitue donc un tournant dans la politique fiscale du Gabon. En centralisant l’impôt foncier, l’État espère non seulement accroitre ses recettes mais aussi renforcer la citoyenneté fiscale. Néanmoins, l’évolution de cette réforme est sujette à débat, notamment dans un contexte où la méfiance envers l’administration fiscale reste encore forte chez de nombreux contribuables.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 24/04/2025 à 16h03