Global Hunger Index 2024: 20 pays africains parmi les 30 où la faim sévit le plus

Le réchauffement climatique affecte durement l'Afrique.

Le 12/10/2024 à 11h12

L’insécurité alimentaire frappe durement le continent africain, menaçant les perspectives de développement de millions de personnes. Selon le dernier rapport du Global Hunger Index, 20 pays africains figurent parmi les 30 où la faim sévit le plus au monde en 2024.

«La réalisation du droit à une alimentation adéquate est hors de portée pour des milliards de personnes. Dans le monde, 733 millions de personnes souffrent de la faim et 2,8 milliards ne peuvent pas se permettre un régime alimentaire sain», relève le dernier rapport du Global Hunger Index 2024, coproduit par Welthungerhilfe (WHH), l’une des plus grandes ONG allemandes, et Concern Worldwide, une ONG irlandaise spécialisée dans la réduction de la pauvreté et la réponse aux crises humanitaires.

Il faut dire que le 19ème rapport annuel de l’Indice de la faim dans le monde (GHI) fait froid dans le dos. Il dresse un constat implacable: l’insécurité alimentaire chronique frappe durement plusieurs pays africains, menaçant leur développement à long terme.

En Afrique, 20 pays figurent parmi ceux où la faim et l’insécurité alimentaire sont les plus alarmantes au monde. La situation semble désespérée pour des millions de personnes confrontées à des crises successives et imbriquées.

Le Burundi et le Soudan du Sud occupent la tête de ce sombre palmarès, avec des niveaux de faim «alarmants» selon l’indice. «Pour ces pays, les scores individuels n’ont pu être calculés de manière précise mais varient entre 35–49.9″, indique le rapport, les désignant comme alarmants.

La Somalie (3ème en Afrique et dans le monde), le Tchad (4ème en Afrique et 5ème dans le monde) et Madagascar (5ème en Afrique et 6ème dans le monde) suivent de près, avec des scores supérieurs à 35, synonymes d’une «situation alarmante de faim généralisée, de sous-alimentation et de malnutrition».

Les conflits armés et l’instabilité politique chronique en Somalie et au Tchad, combinés aux chocs climatiques récurrents, plongent des millions de personnes dans une insécurité alimentaire aiguë. À Madagascar, ce sont les impacts dévastateurs du changement climatique, avec la sécheresse et les cyclones à répétition, qui sapent la production alimentaire.

«La guerre au Soudan a mené à des crises alimentaires exceptionnelles», souligne le rapport, rappelant l’utilisation révoltante de la faim comme arme de guerre. Des pays comme le Lesotho (6ème en Afrique et 7ème dans le monde), la République démocratique du Congo (7ème en Afrique et 8ème dans le monde), le Niger (8ème en Afrique et 10ème dans le monde), le Libéria (9ème en Afrique et 11ème dans le monde) et la République centrafricaine (10ème en Afrique et 12ème dans le monde) affichent aussi des scores de «faim grave», entre 20 et 35.

À l’échelle mondiale, «dans 22 pays avec des scores GHI 2024 modérés, graves ou alarmants, la faim a augmenté depuis 2016. Dans 20 autres pays, les progrès ont largement stagné», souligne le document. Ce rapport produit tous les ans mesure est élaboré en collaboration avec l’International Food Policy Research Institute (IFPRI). Il vise à sensibiliser sur la nécessité de lutter contre la faim, à identifier les régions nécessitant des ressources supplémentaires et à formuler des recommandations pour mettre fin à la faim.

Le Global Hunger Index est considéré comme un rapport crédible et fiable pour plusieurs raisons, entre autres, la rigueur de sa méthodologie. Le GHI utilise, en effet, une méthodologie basée sur des données provenant d’agences des Nations unies et d’autres sources fiables, ce qui lui confère une base solide pour ses analyses. Le GHI a reçu plusieurs prix internationaux pour sa qualité et son impact, ce qui témoigne de sa crédibilité dans le secteur.

Conflits, changement climatique et inégalités systémiques

Quels sont les principaux facteurs à l’origine de cette situation catastrophique ? Le rapport pointe d’abord « les défis successifs et imbriqués qui frappent les pays et les populations les plus pauvres », amplifiant les inégalités structurelles.

Les conflits armés de grande ampleur détruisent les moyens de subsistance et provoquent des déplacements massifs de population. Avec le réchauffement climatique, les phénomènes météorologiques extrêmes comme les sécheresses, inondations et cyclones s’intensifient. S’ajoutent à cela les flambées des prix alimentaires, les perturbations des marchés, les ralentissements économiques et les crises de la dette dans de nombreux pays à revenus faibles et intermédiaires. L’inégalité entre les pays et au sein des pays est aussi un frein majeur.

Dans les pays en proie à des conflits armés, l’insécurité alimentaire prend une tournure dramatique. En Somalie, au Soudan du Sud ou encore au Tchad, les affrontements ont détruit les infrastructures, perturbé les chaînes d’approvisionnement et forcé des millions de personnes à fuir. «En décembre 2024, entre 120 et 130 millions de personnes dans les pays suivis par le FEWS NET auront besoin d’une aide alimentaire d’urgence», selon les projections.

De son côté, le changement climatique exacerbe également l’insécurité alimentaire, en particulier dans les pays très vulnérables comme Madagascar, le Niger ou le Mozambique (17ème en Afrique et 24ème dans le monde). Les sécheresses récurrentes, l’élévation du niveau de la mer et les événements météorologiques extrêmes dévastateurs mettent à rude épreuve les systèmes agricoles et alimentaires de ces pays.

«À Madagascar, les défis extraordinaires posés par le changement climatique aggravent considérablement l’insécurité alimentaire», note le rapport. Les rendements agricoles s’effondrent, menaçant les moyens de subsistance de millions d’agriculteurs.

Côte d’Ivoire, Kenya, le Rwanda et Nigéria : le paradoxe

Le contraste frappant entre les performances économiques prometteuses de certains pays africains et leurs niveaux alarmants d’insécurité alimentaire soulève des questions profondes sur l’équité et la durabilité de leur développement. Bien que des pays comme la Côte d’Ivoire (32ème en Afrique ou la faim sévit le plus), le Kenya (22ème en Afrique ou la faim sévit le plus), le Rwanda (21ème en Afrique) et le Nigéria (15ème en Afrique) affichent des indicateurs économiques favorables et attirent des investissements étrangers, une partie significative de leur population continue de souffrir de la faim et de la malnutrition.

Ce paradoxe met en lumière les défis liés à la redistribution équitable des richesses et à l’accès égalitaire aux ressources essentielles. Malgré une croissance économique soutenue, ces pays peinent à traduire ces gains en amélioration tangible des conditions de vie pour tous leurs citoyens. Les inégalités socio-économiques persistantes, l’accès inéquitable aux soins de santé, à l’éducation et à une alimentation adéquate continuent d’entraver le développement humain durable.

L’Indice de développement humain (IDH) capture cette réalité complexe. Bien que cet indice ne prenne pas directement en compte la faim, il englobe des facteurs tels que la santé, l’éducation et le niveau de vie, qui sont intrinsèquement liés à la sécurité alimentaire. La faible performance de ces pays émergents dans l’IDH, malgré leur croissance économique, reflète les défis persistants en matière de réduction de la pauvreté, d’accès aux services essentiels et de garantie d’une vie digne pour tous.

Selon le dernier classement de l’Indice de développement humain 2023-2024 (IDH), 3 de ces 4 pays apparaissent dans le groupe des pays « à faible développent humain ». Il s’agit de la Côte d’Ivoire classée 166è sur 193 avec un score IDH de 0.534, le Nigeria et le Rwanda ex éco à la 161ème place pour un score IDH de 0.548. Le Kenya est le seul de ce lot à figurer dans la catégorie des « pays à développement humain moyen » avec un score IDH de 0.601 pour une 146ème place.

Quelques lueurs d’espoir

Malgré ce sombre tableau, quelques pays comme le Mozambique, le Népal, la Somalie et le Togo ont réussi à réduire significativement leurs scores GHI depuis 2016, témoignant des progrès possibles. Mais dans l’ensemble, les perspectives de réaliser l’objectif «Faim zéro» d’ici 2030 sont de plus en plus sombres.

Le rapport appelle à des réformes en profondeur pour une plus grande justice entre les genres, afin de renforcer la résilience climatique et la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages et des communautés. Les partenaires internationaux et les organisations humanitaires ont aussi un rôle crucial à jouer pour soutenir ces pays en première ligne.

Les 20 pays africains où la faim sévit le plus

PaysScore GHI en 2024Niveaux de faimRang en AfriqueRang dans le monde
Burundientre 35–49.9alarmant1er ex aequo1er ex aequo
Soudan du Sudentre 35–49.9alarmant1er ex aequo1er ex aequo
Somalie44.1alarmant3ème3ème
Tchad36.4alarmant4ème5ème
Madagascar36.3alarmant5ème6ème
Lesothoentre 20–34.9sérieux6ème7ème
RDC34.9sérieux7ème8ème
Niger34.1sérieux8ème10ème
Liberia31.9sérieux9ème11ème
Centrafrique31.5sérieux10ème12ème
Sierra Leone31.2sérieux11ème14ème
Zambie30.7sérieux12ème16ème
Guinée-Bissau30.5sérieux13ème17ème
Soudan28.8sérieux14ème19ème
Nigeria28.8sérieux15ème21ème
Zimbabwe27.6sérieux16ème23ème
Mozambique27.5sérieux17ème24ème
Ouganda27.3sérieux18ème25ème
Angola26.6sérieux19ème28ème
Ethiopie26.2sérieux20ème29ème

Source : Global Hunger Index 2024.

Par Modeste Kouamé
Le 12/10/2024 à 11h12