Kindia, la ville des agrumes, traverse une grave crise climatique. Entre récoltes perdues, vagues de chaleur et cours d’eau à sec, les agriculteurs suent sang et eau pour pouvoir continuer à travailler leur terre.
Autrefois verdoyante, la ville offre aujourd’hui un pâle copie de ce qu’elle fut, des terres asséchées et des cultures mises en péril par un soleil impitoyable. Les producteurs de fruits et légumes sont en première ligne dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Chez la maraichère Aminata Soumah, la lutte quotidienne est exacerbée par des invités indésirables. «Les insectes nous épuisent. Il y a quelques années de cela, nous n’avions pas ce type de problème. Cette invasion de ravageurs est vraiment récente et nécessite une lutte de tous les jours. Actuellement, je suis en train de pomper de l’eau, sinon nous risquons de perdre nos pastèques», se désole-t-elle en constatant que les températures anormalement élevées brûlent les jeunes pousses avant même qu’elles n’aient atteint le stade de maturité. Ces fruits ne peuvent donc être commercialisés.
Dans cette région de Guinée qui porte mal son surnom de «château d’eau de l’Afrique de l’Ouest», les effets du changement climatique sont manifestes. Selon la Communication Nationale Initiale présentée à l’ONU par la République de Guinée «entre les années 2000 et 2100, la température devrait s’accroître dans toutes les régions de la Guinée entre 0,2 et 4,8°C par rapport à la température moyenne de la période 1961-1990. Les précipitations baisseraient de 36,4 % de la normale actuelle en 2050 et de 40,4% en 2100.»
Sous l’effet conjugué de ces deux phénomènes, les cours d’eau, autrefois abondants s’assèchent constate impuissant Alhassane Keita, agriculteur. «À Kindia, la chaleur en milieu de journée devient de plus en plus intense. C’est est vraiment nouveau. Parfois, le thermomètre atteint des températures extrêmes, rendant impossible le fait de mettre ne serait-ce qu’un pied dehors, alors imaginez devoir travailler sous une telle chaleur. De plus, les graines que nous semons sont parfois brûlées par le soleil, ce qui entraîne leur perte.»
Les systèmes d’irrigation, trop coûteux et énergivores, ne parviennent plus à compenser le manque d’eau. Face à ces défis, les paysans de Kindia tentent de s’adapter, mais leurs efforts et leur volonté se heurtent à des limites économiques.
C’est notamment le cas de Alseny Soumah qui voit tous les jours son champ s’assécher. «L’eau est aujourd’hui notre principal problème. La ressource devient difficile à trouver. Regardez nos plants d’ananas, ils meurent sous nos yeux», explique-t-il impuissant devant l’astre solaire.
Alseny Soumah est producteur de rejets d’ananas destinés à la plantation, «chaque pied peut produire au minimum cinq rejets vendus à Friguiagbé entre 500 et 1.000 francs l’unité. Cela revient à un revenu de 5.000 francs par pied. Après avoir tout vendu, nous couvrons nos charges: le bail de la terre, les engrais... Mais si nous perdons tout, comment pourrons-nous faire face à nos dépenses?» s’interroge le multiplicateur.
Aujourd’hui, fortement impactée par ces conditions climatiques difficiles, la production a considérablement diminué. Il y a 10 ans, Kindia, berceau de la production d’agrumes, disposait de boutiques pour écouler ses produits agricoles. Mais aujourd’hui, les étals sont vides, aucun produit n’y est explosé. Ce triste constat témoigne de l’agonie de Kindia.