L’Afrique dispose d’un extraordinaire potentiel dans le domaine de l’hydrogène vert. C’est ce que vient de confirmer une nouvelle étude de la Banque européenne d’investissement (BEI), de l’Alliance solaire internationale et de l’Union africaine (UA) intitulée «Africa’s extraordinary green hydrogen potential» (L’extraordinaire potentiel de l’Afrique dans le domaine de l’hydrogène vert).
Celle-ci met en évidence les avantages de l’exploitation de l’énergie solaire pour créer de l’hydrogène vert dans 3 grands pôles africains : Mauritanie-Maroc, Afrique australe et Égypte. Selon cette étude, la production d’hydrogène vert dans ces pôles est économiquement viable. «La technologie solaire photovoltaïque nous fournit l’électricité la moins chère. Elle coûtera moins de 2 euros par kilogramme dans plusieurs pays africains d’ici à 2030, soit un prix nettement inférieur à l’hypothèse actuelle de 5 euros, qui contraste fortement avec les 60 à 70 dollars payés pour un baril de pétrole», a expliqué Ajay Mathur, directeur général de l’Alliance solaire internationale.
«L’Afrique possède la meilleure énergie solaire au monde et transformer cette énergie en hydrogène vert peut renforcer la sécurité énergétique, réduire les émissions et la pollution, et décarboniser l’industrie et les transports », souligne l’étude qui énumère d’autres avantages de la production d’hydrogène vert, notamment sa contribution à l’accès à l’eau potable et à l’électricité à faible coût. L’étude associe une analyse des possibilités d’investissement axées sur ces trois pôles à une feuille de route de solutions techniques, économiques, environnementales et financières pour débloquer le développement commercial.
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Avec l’hydrogène vert, le continent est à même de garantir l’accès à une énergie propre et durable à sa population. Selon l’étude, «exploiter l’énergie solaire de l’Afrique pour produire 50 millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici à 2035 peut contribuer à sécuriser l’approvisionnement mondial en énergie, à créer des emplois, à décarboniser l’industrie lourde, à renforcer la compétitivité mondiale et à transformer l’accès à l’eau potable et à l’énergie durable».
Mieux, et c’est ce qui explique l’intérêt grandissant pour l’hydrogène vert de nombreux pays africains qui souhaitent devenir des exportateurs de cette source énergétique vers le reste du monde.
Seulement, disposer d’un potentiel extraordinaire est une chose, l’exploiter en est une autre. Et pour cause, la production d’hydrogène vert va nécessiter des investissements colossaux dépassant largement les possibilités des pays africains. L’étude relève la nécessité d’une coopération étroite entre les partenaires financiers, publics et privés. À ce titre, «la Banque européenne d’investissement se réjouit de travailler avec des partenaires africains et internationaux afin de faire de l’hydrogène vert à grande échelle une réalité», a souligné Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI.
Ainsi, des pôles intégrés d’hydrogène réunissant des acteurs en amont, en milieu de chaîne et en aval sur la base de contrats d’achat de la production à long terme sont en train d’établir de puissants modèles économiques en Égypte, au Maroc, en Mauritanie, Namibie…
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Aujourd’hui, l’Égypte, le Maroc et la Mauritanie sont bien engagés pour tirer profit de cette future manne énergétique. L’Égypte semble avoir pris les devant avec des contrats signés avec de nombreux acteurs : ReNew Power (Inde), EDF Renouvelable (France), Total Eren (France), Masdar (Emirats) Scatec (Norvège), Amea Power (Emirats), Siemens (Allemagne), H2-Industries (Allemagne)… qui se sont engagés à investir plusieurs dizaines de milliards de dollars pour produire de l’hydrogène vert et de l’ammoniac vert en Égypte en s’appuyant sur le potentiel exceptionnel de développement des énergies renouvelables.
Au Maroc, le britannique Xlinks compte développer un méga-projet de centrale solaire et éolienne de 10,5 GW d’électricité zéro carbone dans la région de Guelmim-Oued Noun.
Le mercredi 21 décembre 2022, CWP Global a annoncé son intérêt pour le développement de deux grands projets au Maroc dont un premier projet baptisé AMUN (15GW) dans la région de Guelmim-Oued Noun.
«Le Maroc fait partie d’un des très rares pays à plus fort potentiel pour la production et l’exportation de molécules vertes. Selon nos estimations, il pourrait capter entre 5 et 10% du marché mondial de l’hydrogène vert. Nos installations au Maroc seront des projets de grande envergure, particulièrement dans les Provinces du Sud», a déclaré Mark Crandall, PDG de CWP Global, lors de sa visite au Maroc.
En Mauritanie, le britannique Chariot et l’américain CWP Global ont annoncé des projets ambitieux de 40 GW et plusieurs dizaines de milliards de dollars d’investissement. Ces projets seront réalisés sur une aire globale de 22.900 kilomètres carrés comprenant des centrales solaires et éoliennes qui alimenteront les électrolyseurs et la production de l’oxygène.
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Il s’agit certes d’investissements colossaux de plusieurs dizaines de milliards de dollars qui sont annoncés dans ces trois pays, mais on est loin du compte. En effet, selon l’étude, pour produire l’équivalent de 7 exajoules d’énergie, soit le tiers de la consommation actuelle de l’Afrique en énergie, estimée à 19,9 exajoules en 2021, il faut compter sur un investissement de 1.000 milliards d’euros. Un montant pharaonique que les pays africains disposant des potentialités énormes se disputeront pour attirer les investisseurs.
Toujours selon cette étude, « la production d’hydrogène vert à grande échelle permettra à l’Afrique de fournir 25 millions de tonnes d’hydrogène vert aux marchés mondiaux de l’énergie, soit l’équivalent de 15 % du gaz utilisé actuellement dans l’Union européenne ».
Reste qu’en plus des financements, trois facteurs doivent être réunis pour la production de 50 millions de tonnes d’hydrogène vert en Afrique à l’horizon 2035, souligne l’étude. D’abord, il faut des programmes nationaux de planification, de règlementation et d’incitation à même de mobiliser les investissements du secteur privé. Ensuite, il faut que des projets pilotes arrivent à démontrer le succès de la production, du stockage, de la distribution et de l’utilisation de l’hydrogène vert. Enfin, des partenariats fondés sur le marché sont nécessaires pour favoriser la demande et la consommation d’hydrogène vert à grande échelle aux niveaux national et international.