Retard infrastructurel, manque de compétences, fractures numériques... l’Afrique accuse un lourd déficit de préparation face aux immenses défis posés par l’émergence de l’intelligence artificielle. Le classement des pays selon l’indice mondial de préparation à l’intelligence artificielle (IA) 2023 d’Oxford Insights souligne un important retard de l’Afrique comparé aux nations les plus avancées.
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Avec un score moyen de 31,6 points sur 100 pour l’ensemble du continent, l’Afrique accuse un énorme retard face aux 84,8 points des États-Unis, pays en tête du classement.
Ce faible niveau de préparation moyen cache en réalité de fortes disparités entre les pays africains eux-mêmes. Seuls quelques nations émergent avec des scores honorables. Mais la grande majorité des pays africains stagnent à des niveaux très bas de préparation à l’IA, à l’image de la Centrafrique (12,9) ou du Tchad (14,6).
Selon le récent rapport de l’OCDE intitulé «Africa’s Development Dynamics 2024 : Skills, jobs and productivity», les écarts se creusent également avec les autres régions en développement. Alors que l’Asie, hors pays à hauts revenus, affiche une moyenne de 43,1 points, et l’Amérique latine et Caraïbes 42,1 points, l’Afrique fait véritablement figure de région la plus en retard mondialement.
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Ce large fossé avec le reste du monde s’explique par le manque criant d’infrastructures numériques, de capacités technologiques et de main-d’œuvre qualifiée dans les domaines de pointe sur le continent africain. Il souligne l’immense défi à relever pour permettre à l’Afrique de tirer pleinement parti du potentiel de l’intelligence artificielle émergente.
Un essai contrôlé randomisé portant sur 640 micro, petites et moyennes entreprises kényanes révèle que les travailleurs en ligne peu qualifiés ont augmenté leur productivité de 34% et les travailleurs moyennement qualifiés de 14%.. DR
Le couperet de l’IA sur une Afrique à deux vitesses
Le classement des 10 premiers pays africains dans l’indice de préparation à l’IA met en lumière les profondes disparités qui existent sur le continent en matière de développement numérique et d’infrastructures technologiques.
En tête, on retrouve des pays relativement plus avancés comme Maurice avec un indice de préparation à l’IA de 53,3 ; l’Égypte (52,7) et l’Afrique du Sud (47,3) qui dépassent les 45 points, bénéficiant d’un secteur technologique plus développé et d’investissements conséquents dans les infrastructures numériques ces dernières années.
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Viennent ensuite Tunisie (46,1), le Rwanda (45,4), le Maroc (43,3) et le Sénégal (42,6), qui font de l’intégration des nouvelles technologies une priorité.
Enfin, des pays comme le Bénin (41,4), le Kenya (40,2) et le Nigéria (39,9) ferment la marche des dix premiers malgré des scores inférieurs à 42 points. Ce qui reflète des défis persistants en termes d’infrastructures, de réglementations adaptées et de formations aux compétences numériques sur leurs territoires.
Ces écarts importants entre les pays témoignent des réalités contrastées en Afrique. Certains ont amorcé leur transformation numérique tandis que d’autres restent à la traîne, pénalisés par un manque d’investissements, d’infrastructures de base comme l’électrification ou la connectivité haut débit.
Le fossé se creuse également entre les grandes métropoles africaines bien équipées et connectées, et les zones rurales et reculées qui concentrent la majorité de la population et restent largement déconnectées du monde numérique émergent.
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Ces disparités majeures au sein même du continent africain illustrent les défis colossaux à relever de manière urgente et coordonnée par les gouvernements afin de préparer l’ensemble des pays à l’ère de l’intelligence artificielle qui s’annonce.
L’urgence de former
Pourtant, la demande en compétences numériques avancées ne cesse d’augmenter en Afrique, portée par ce que les experts appellent «la quatrième révolution industrielle». Selon le rapport de l’OCDE, seulement 9% de la population africaine âgée de 15 à 24 ans possède des compétences informatiques de base, et à peine 2% maîtrisent la programmation.
Dans un sondage réalisé par l’UNESCO auprès de 32 États membres africains, 27 d’entre eux ont déclaré qu’actualiser les systèmes d’éducation et de formation pour dispenser des compétences en IA était une priorité urgente.
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«Avec 70% des travailleurs en ligne étant des développeurs de logiciels, l’Afrique fournissait 5,5% de la main-d’œuvre mondiale en ligne en 2020, devant l’Amérique latine (3,5%) mais loin derrière l’Asie en développement (65,5%)», explique le rapport de l’OCDE.
Risque de marginalisation économique
Il faut dire que ce retard de l’Afrique dans la course à l’IA pourrait avoir des conséquences économiques majeures. Face à ces enjeux, l’Afrique doit accélérer ses investissements dans le numérique, le développement des infrastructures et la formation de sa main-d’œuvre aux compétences de pointe, sous peine de se retrouver davantage marginalisée dans l’économie mondiale en pleine mutation technologique.
Une transition réussie vers l’IA permettrait en revanche d’exploiter pleinement le potentiel de productivité et d’innovation de cette technologie prometteuse.
Les 10 pays africains les mieux classés dans le Global AI Readiness Index
Pays | Score/100 | Rang en Afrique |
---|---|---|
Maurice | 53,3 | 1er |
Egypte | 52,7 | 2ème |
Afrique du Sud | 47,3 | 3ème |
Tunisie | 46,1 | 4ème |
Rwanda | 45,4 | 5ème |
Maroc | 43,3 | 6ème |
Senegal | 42,6 | 7ème |
Benin | 41,4 | 8ème |
Kenya | 40,2 | 9ème |
Nigeria | 39,9 | 10ème |