Interview avec Hicham Chaoudri: «Les investissements marocains à l’étranger, notamment en Afrique, sont en croissance permanente»

Hicham Chaoudri, directeur de l’investissement au ministère de l’Investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques.

Le 10/10/2023 à 08h40

Le Maroc accueille les Assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Hicham Chaoudri, directeur de l’Investissement au ministère de l’Investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, revient dans cet entretien sur les atouts du Maroc en tant que terre privilégiée des investissements privés, le rôle du Royaume en tant qu’investisseur en Afrique, l’impact attendu de la charte de l’investissement et sur les perspectives de l’évolution des investissements directs étrangers au Maroc.

Dans la foulée des Assemblées annuelles du FMI à Marrakech, le Maroc sera présenté comme une terre privilégiée pour les investissements privés. Que vaut au royaume ce positionnement ?

Pendant ces 20 dernières années, le Royaume du Maroc a subi une transformation socio-économique importante. Aujourd’hui, le pays est devenu une puissance économique régionale avec une économie solide, moderne et diversifiée.

Plusieurs atouts ont valu au Maroc son statut de destination privilégiée des investissements privés.

Le principal atout du Royaume c’est sa stabilité et sa vision à long terme, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi. Or, cette stabilité et vision long terme est exactement ce que recherchent les investisseurs.

A cela s’ajoute les fondamentaux macro-économiques importants du Maroc, avec une inflation maitrisée pendant plusieurs années et une gestion de la dette saluée pour les institutions financières internationales.

De plus, un autre atout du Maroc est sa situation géographique stratégique, au carrefour de plusieurs régions à savoir l’Europe, l’Afrique, l’Amérique du Nord et le Moyen-Orient.

Le 4e atout est l’ouverture de l’économie marocaine sur le reste du monde puisqu’après avoir signé plus de 50 accords de libre-échange, le pays a un accès privilégié à un marché de 2,5 milliards de consommateurs.

Notons également que le pays a développé ces vingt dernières années des infrastructures aux meilleurs standards internationaux. Aujourd’hui, nous disposons du premier port en Afrique et en Méditerranée, de la première Ligne à grande vitesse (Lgv) et de près de 2000 km d’autoroutes.

Un autre atout, et non des moindres, est notre population jeune et fortement qualifiée. A titre d’illustration, l’âge médian au Maroc est de 29 ans alors qu’il est de 42 ans en Europe.

Enfin, nous avons des ressources naturelles renouvelables, que ce soit éoliennes ou solaires, très compétitives. Nous avons la possibilité de produire de l’énergie propre à des prix fortement inférieurs à ceux des autres pays de la région.

Ces nombreux atouts nous ont permis de développer en moins de 15 ans un tissu industriel solide, notamment dans des secteurs comme l’automobile et l’aéronautique.

Les investissements marocains en Afrique sont impressionnants. Quelles sont les destinations préférées des investisseurs marocains sur le continent et quels sont les secteurs les plus en vue ?

Les investissements marocains à l’étranger, et notamment sur le continent africain, sont en croissance permanente.

En 2023, nous avons enregistré une hausse de 50% par rapport à 2022, des investissements marocains à l’étranger. Avec 20 milliards de dirhams d’investissements marocains à l’étranger depuis le début de l’année, à ce rythme, nous battons de nouveaux records.

Avec l’Europe, l’Afrique est un des continents qui attire le plus les investissements marocains à l’étranger. En termes de destination, les entreprises marocaines investissement fortement en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale, notamment dans des pays avec lesquels nous avons des liens économiques forts tels que le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon ou le Cameroun.

Ce sont des pays avec lesquels nous avons d’excellents rapports économiques et commerciaux et où les entreprises marocaines sont très présentes, notamment dans des secteurs comme la banque, les assurances, les télécoms et l’industrie de manière générale.

En 2022 par exemple, 70% des investissements marocains à l’étranger ont été dédiés au secteur industriel alors que les activités de finance et d’assurance arrivent en deuxième position.

Quel est l’impact de la charte de l’investissement sur la dynamique d’investissement privé au Maroc, qu’ils soient marocains ou étrangers?

Après seulement 6 mois de l’opérationnalisation de la nouvelle charte de l’investissement, son impact est déjà palpable sur le terrain.

En effet, lors des 2 Commissions Nationales des Investissements tenues en Mai et en Juillet 2023, un total de 40 projets ont été approuvés pour un montant total de 108 milliards de dirhams d’investissement et permettant la création de plus de 40 000 emplois.

Si l’on compare la dynamique de ces 2 dernières années, c’est-à-dire depuis la nomination du nouveau gouvernement et même avant la promulgation de la charte, avec la dynamique entre 2019 et 2021, le montant d’investissement approuvé a été multiplié par 3,5 et le nombre d’emplois à créer de ces projets par 5,4.

Aujourd’hui, la charte d’investissement permet de donner un vrai soutien aux investisseurs, nationaux et étrangers, tous secteurs confondus, de par sa transparence et sa compétitivité.

Il est également important de noter que cette charte contribue fortement à l’équité territoriale puisque les premiers projets passés par la commission nationale des investissements concernent dix régions sur douze.

De plus, 71% des primes qui seront octroyées à ces projets, concernent des investissements en dehors de l’axe Tanger-Rabat-Casablanca.

Comment expliquer le ralentissement des IDE en 2023 et quelles sont les perspectives pour les années à venir?

L’année 2022 a été exceptionnelle pour le Maroc en termes d’IDE puisqu’on a atteint un montant de près de 40 milliards de dirhams. C’est donc la deuxième meilleure année au Maroc en dix ans.

Toutefois, il est vrai que pendant les premiers mois de 2023, nous avons constaté un léger ralentissement de ces IDE. Qu’est-ce qui explique alors de ralentissement ?

Premièrement, il y a une tendance mondiale de la baisse des IDE à cause notamment de la guerre en Ukraine et la flambée des prix des matières premières, de la diminution du volume des flux financiers et la hausse des taux d’intérêt. Ainsi, la baisse des IDE est une tendance mondiale qui ne concerne pas que le Maroc. Cette baisse est ainsi de l’ordre de 10 à 20% en moyenne dans le monde et de 44% en Afrique.

Deuxièmement, les projets d’investissements directs à l’étranger s’inscrivent généralement sur un temps long avant d’être concrétisés. Lors des années 2020 et 2021, les investisseurs internationaux ont moins annoncé ou signé des projets d’investissements à cause de la fermeture des frontières due au Covid-19. Cette baisse pendant le Covid se fait donc ressentir aujourd’hui au niveau des chiffres. Toutefois, pendant cette période, l’investissement marocain a compensé avec le lancement notamment de nombreux projets portés par nos concitoyens.

Enfin, comme déjà expliqué, l’année 2022 a été exceptionnelle donc comparer avec une année exceptionnelle est toujours un peu trompeur. Si l’on continue sur cette tendance nous serons sur des niveaux similaires à la moyenne annuelle depuis plus d’une décennie.

Toutefois, je tiens à préciser que les perspectives pour les prochaines années sont très bonnes. Nous suivons, en collaboration avec l’AMDIE et les CRIs, un grand nombre de projets importants, dans de nombreux secteurs d’activité. Leur concrétisation sur le terrain nous permettra, j’en suis sûr, de noter dans les années à venir que les niveaux d’IDE dans notre pays seront en croissance continue et vont atteindre un nouveau palier.

Par Khadim Mbaye
Le 10/10/2023 à 08h40