Après la Tunisie en 2023, c’est la ville nippone Yokohama qui a accueilli du 20 au 22 août la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad). Cette 9e édition a vu la participation de quelque 5000 participants venant des 54 pays africains, du Japon et des institutions financières et de développement.
S’il n’y a pas eu d’annonces spectaculaires avec des montants d’investissements colossaux, cette rencontre a été marquée par la signature de 300 accords de coopération entre entités japonaises et africaines. Un chiffre trois fois supérieur à celui enregistré lors du précédent sommet, tenu en 2022 en Tunisie.
Les accords signés couvrent divers secteurs, dont les infrastructures, la santé, la technologie, l’éducation et l’agriculture. La Mauritanie et la société Toyota Tsusho, par exemple, ont signé un accord portant sur la construction d’une usine de dessalement d’eau de mer à Nouadhibou, dans le Nord du pays qui aura une capacité de 50.000 mètres cubes d’eau par jour.
Le Sénégal a signé un mémorandum de coopération avec la JICA (Agence japonaise de coopération internationale) visant à renforcer le développement des ressources humaines à travers la construction d’une annexe du Centre de formation professionnelle et technique Sénégal-Japon à Diamniadio qui va contribuer à la formation et au transfert de compétences au profit de jeunes sénégalais. Ce projet va bénéficier du soutien de grandes entreprises nippones telles que Toyota, Tsusho, Daikin, Yamaha, Nec…
Lire aussi : L’Afrique et le Japon: Co-créer un avenir grâce à la jeunesse, à l’innovation et au partenariat
Reste que malgré le fait que Ticad soit l’une des premières rencontres entre les pays africains et un pays développé, le premier sommet datant de 1993, les entreprises japonaises ont du mal à s’implanter en Afrique. Toutefois, les autorités japonaises souhaitent changer cette donne. Pour y arriver, le Japon compte accroître les investissements de ses entreprises en coopération avec l’Inde et les pays du Moyen-Orient et comptent s’allier à d’autres pays, particulièrement l’Inde, la Turquie, le Brésil pour pénétrer les marchés africains.
Concrètement, cela se traduira par un soutien aux entreprises japonaises implantées dans ces pays afin qu’elles puissent collaborer avec leurs homologues locales pour s’implanter en Afrique. Dans le cadre de l’initiative pour l’Océan Indien et l’Afrique, Tokyo et New Delhi vont collaborer pour aider les entreprises japonaises établies en Inde à pénétrer le marché africain. L’Inde étant bien implanté historiquement en Afrique de l’Est et australe où on compte d’importantes communautés indiennes.
La même politique sera adoptée pour les entreprises nippones présentes au Moyen-Orient. De même que les entreprises nippones présentes au Brésil chercheront des partenaires locaux pour leur implantation en Afrique.
Cette approche permettra aux entreprises nippones implantées dans ces pays de profiter des affinités culturelles entre ces pays et ceux de l’Afrique pour mieux pénétrer les marchés africains.
Lire aussi : Projet SKivuvu: le manganèse qui donne des ailes au Kongo Central
Toutefois, si la présence des entreprises japonaises demeure encore faible au niveau du continent, la coopération japonaise est y très active. Elle se distingue par son approche centrée sur l’humain: développement de la production agricole, notamment du riz, transition énergétique, santé, éducation, emploi des jeunes,…
Ainsi, des partenariats sont lancés pour apporter des solutions innovantes aux défis auxquels fait face l’Afrique dans plusieurs domaines: entrepôts frigorifiques solaires, transformation alimentaire pour l’exportation, kiosques numériques…
Par ailleurs, très actif au niveau de la formation des systèmes éducatifs et de la formation professionnelle via la construction d’écoles et de centres de formation, le Japon a lancé lors de cette 9e édition de la Ticad le programme «Tomoni Africa» (Ensemble avec l’Afrique). Il s’agit d’un programme qui vise à soutenir l’innovation, la formation et les échanges avec la jeunesse japonaise. Fort de son savoir-faire technologique et de sa capacité à former, le Japon peut contribuer au développement de certains secteurs tels que l’agriculture.
Lire aussi : General Electric assistera West African Power Pool pour faciliter les échanges d’énergie entre les 14 pays membres
Ainsi, il est prévu la formation de 300.000 jeunes africains en trois ans. Et afin que le continent ne soit pas dépassé dans le domaine de l’Intelligence artificielle, le japon a annoncé un investissement dans la formation du capital humain africain avec la formation de 30.000 experts en IA.
Le président de la Commission de l'Union africaine, Mahamoud Ali Youssouf (2-G), le président angolais, Joao Lourenço (3-G), le Premier ministre japonais, Shigeru Ishiba (C), le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres (3-D).. AFP
Le Japon compte aussi accroître son partenariat dans le développement agricole. Dans ce domaine, le pays travaille avec 39 Etats africains pour les aider à développer leur agriculture. la nouvelle variété de riz hybride pour l’Afrique baptisée Nouveau riz pour l’Afrique, ou Nerica est une variété qui combine les meilleurs grains japonais et africains, en est une des illustrations.
Les échanges commerciaux entre le Japon et l’Afrique sont négligeables à seulement 9 milliards de dollars en 2024. Pour booster ces échanges, le Japon étudie la possibilité de nouer des accords de libre-échange avec des pays d’Afrique de l’Est et d’Ouest (Nigeria et Ghana).
Lire aussi : Maroc. AMCI-JICA: nouveau partenariat au profit de l’Afrique
Il faut souligner que face à la présence et à l’influence croissante de la Chine, des Etats-Unis et de l’Union Européenne en Afrique, le Japon se distingue par son approche centrée sur l’humain. Ainsi, le pays du Soleil levant axe sa coopération sur la formation, l’éducation et la santé qui sont au cœur de ses priorités en Afrique, avec un accent particulier sur le développement des jeunes et des femmes.
Par ailleurs, face au problème d’accès au financement des économies africaines, le Japon et la Banque africaine de développement (BAD) ont signé un protocole d’accord lançant la 6e phase de l’Initiative d’assistance renforcée au secteur privé (EPSA 6). Dotée de 5,5 milliards de dollars pour la période 2026-2028, l’Initiative appelle à une meilleure gestion et transparence de la dette publique africaine.
Globalement, les initiatives japonaises annoncées lors de cette session incluent la mobilisation de financements privés via la JICA, la cocréation industrielle entre startups africaines et entreprises japonaises, la révision du système généralisé de préférences commerciales, la formation de 300.000 jeunes africains dans l’industrie, la santé, l’agriculture et l’intelligence artificielle.
Lire aussi : Tunisie: la centrale à gaz de 450 MW de Radès financée par Jica
Enfin, rappelons que la Ticad, si elle a été initiée par le Japon, elle est coorganisée avec la Commission de l’Union Africaine, les Nations unies, le Pnud et la Banque mondiale. Elle vise à favoriser la mobilisation des ressources pour soutenir le développement de l’Afrique.
Pour l’Afrique, coopérer avec la 5e puissance mondiale et seul Etat asiatique membre du G7, second pays le plus influent du FMI, après les Etats-Unis avec une quote-part de 6% et 4e actionnaire de la BAD avec une quote-part de 5,44%, est fondamental au développement du continent.