Le Gabon certifié au crédit carbone: une aubaine, mais beaucoup reste à faire

Le 25/10/2022 à 14h54

VidéoLa Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a validé début octobre 187.104.289 tonnes de crédits carbone ou crédits REDD+ pour le Gabon, annonce-t-on de source officielle à Libreville.

«C’est une étape importante qui ouvre la voie à leur commercialisation (sur le marché des compensations)», a réagi le président gabonais Ali Bongo Ondimba, après la publication du rapport. Le rapport de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) relève que le Gabon a réduit ses émissions de CO2 de 90,636,103 par rapport aux émissions moyennes entre 2000-2009. A la suite de l’exécutif gabonais, qui s’en félicite et voit son combat pour la préservation de l’environnement et la protection de la biodiversité reconnus par les instances internationales, la société civile appelle à la mise en place d’un dispositif favorable à l’éclosion des opérateurs forestiers nationaux.

«C’est bien, la certification. Ça donne une certaine valeur ajoutée à l’exploitation des grumes mais aussi à leur transformation. On peut davantage tirer profit du bois transformé au Gabon. Il faut amener les Gabonais à se coaliser et à faire une exploitation conjointe. Mais c’est dommage qu’un pays comme le Gabon, avec plus de 85% de son territoire couvert par la forêt, n’ait pas de Gabonais forestier. Je pense que c’est de la responsabilité du gouvernement de mettre en place les mécanismes d’incitation et d’accompagnement pour qu’on puisse avoir des industriels dans ce secteur d’avenir», a suggéré Nicaise Moulombi, président exécutif du Réseau des organisations de la société civile pour l’économie verte en Afrique centrale (ROSCEVAC).

L’appel à la création d’un écosystème d’exploitants locaux de bois n’est pas nouveau. Le ROSCEVAC et d’autres associations spécialisées dans l’environnement, comme Brainforest, en ont fait leur cheval de bataille. À l’heure ou le pays concentre l’attention de la communauté internationale sur son approche des questions de développement durable, l’ONG Actions citoyennes pour le développement local (ADCL) invite le gouvernement à aller de l’avant dans ses initiatives.

«Il ne faudrait pas que de nombreux problèmes de dégradation de nos forêts et de pollution multifactorielle qui se posent encore chez nous cachent les efforts louables du gouvernement et des ONG dans la lutte pour un environnement sain. Regardons le verre à moitié plein et non à moitié vide. Il faut aussi considérer que pour les nombreux pays du globe, la préservation de la nature demeurera encore pour une longue période un défi à relever. Nous invitons donc le gouvernement à plus d’audace et plus d’ouverture», a déclaré Ndiatsa Florise Bissielou, vice-présidente d’ADCL.

Le Gabon est en effet un des rares pays tropicaux pratiquement sans déforestation. Mais les processus de dégradation forestière, liés surtout à l’exploitation forestière, sont significatifs. Sur ce point, le gouvernement se défend en disant avoir mis en place en ensemble de mesures pour concilier exploitation des grumes et préservation des forêts.

«Les forêts sont exploitées dans un périmètre pour un certain nombre d’années, généralement 25 ans. Dans les 25 ans, on doit pouvoir exploiter le bois qui est dans ces concessions. Mais il y a les conditions, à savoir un dimensionnement au niveau des arbres qui doivent être abattus. Et dans chaque permis, il y a également des types de bois qui sont sélectionnés. Vous devez également savoir que depuis quelques années le Gabon fait en sorte que tout le bois qui sort de ses forêts soit tracé également» a affirmé Pacôme Moubelet Boubeya, ministre gabonais de l’Industrie.

Un crédit carbone est une unité équivalente à une tonne de CO2 évitée ou séquestrée. Par exemple, un projet de plantation d’arbres qui permettra de séquestrer 10.000 tonnes de CO2 pourrait donner lieu à l’attribution de 10.000 crédits carbone s’il respecte les critères nécessaires. Ce crédit est légalement transmissible et négociable: les entreprises peuvent vendre leurs droits d’émission non utilisés à d’autres entreprises. «100 millions de tonnes de carbone ont été séquestrées par le Gabon en moyenne chaque année entre 2010 et 2020. À raison de 25 dollars la tonne, par exemple, cela permettrait de booster l’économie gabonaise», indiquait le ministre gabonais des Eaux et forêts, Lee White, en août dernier à Libreville.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 25/10/2022 à 14h54