Les huit pays africains qui nargueront la crise avec des taux de croissance supérieurs à 5% en 2023 et 2024, selon le FMI

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Le 13/04/2023 à 14h56

L’économie mondiale ralentit. L’inflation et les incertitudes pèsent sur l’économie mondiale. L’Afrique n’est pas épargnée. Nonobstant, certains pays arrivent à narguer la crise et devraient afficher, selon les projections du Fonds monétaire international, des taux de croissance supérieurs à 5%, aussi bien en 2023 qu’en 2024.

Selon les Perspectives de l’économie mondiale (World economic outlook) du Fonds monétaire international (FMI) du mois d’avril, la croissance de l’économie mondiale enregistre un ralentissement. Après une évolution de 3,4% en 2022, la croissance devrait ressortir à 2,8% en 2023 avant de remonter à 3,0% en 2024.

Si les perturbations des chaines d’approvisionnement, les impacts de la crise Russie-Ukraine sur les cours mondiaux des hydrocarbures et des produits alimentaires se sont atténués, il n’en demeure pas moins que les incertitudes sont encore nombreuses.

Outre l’inflation qui demeure encore élevée, grevant le pouvoir d’achat et donc impactant la consommation des ménages, les politiques monétaires restrictives menées par les banques centrales entrainant une hausse rapide des taux d’intérêt ont aussi des impacts négatifs sur la croissance en rendant encore plus élevé le coût du crédit.

Dans ce contexte mondial toujours difficile et incertain, l’Afrique n’arrive pas à retrouver des taux de croissance élevés. Au même titre que l’économie mondiale, sa croissance devrait ralentir en 2023.

Ainsi, l’Afrique subsaharienne verra sa croissance passer de 3,9% en 2022 à 3,6% en 2023, selon les projections du FMI, avant de remonter à 4,2% en 2024.

Le continent est durement touché par la flambée des prix sur le marché mondial entrainant des taux d’inflation à deux chiffres dans presque la majorité des pays, causée par la hausse des cours des carburants et des produits agricoles et alimentaires, les dépréciations des monnaies vis-à-vis du dollar dans le sillage de la politique monétaire restrictive adoptée par la Reserve Fédérale américaine depuis le déclenchement de la crise ukrainienne dans le but de juguler l’inflation…

Nonobstant, certains pays africains devraient, selon les projections du FMI, réaliser de bonnes performances économiques, dépassant très largement la moyenne de croissance de l’économie mondiale. Ainsi, huit pays devraient enregistrer des taux de croissance supérieurs à 5%, aussi bien en 2023 qu’en 2024.

Au vu des pays qui devraient afficher des taux de croissance relativement élevés, on note qu’en dépit du niveau élevé du cours du baril de pétrole, la croissance ne va pas obligatoirement rimer avec disponibilité de ressources pétrolières et gazières: aucun grand producteur pétrolier ou gazier africain ne figure sur cette liste.

Globalement, ce sont plutôt les pays ayant misé sur l’agriculture et les infrastructures qui devraient se porter le mieux. Il faut dire que la rente pétrolière n’a jusqu’à présent pas réellement profité aux pays africains dont les grands producteurs ont du mal à sortir de la dépendance des hydrocarbures.

Ce sont les pays ayant misé davantage sur l’agriculture et qui ont beaucoup investi, au cours de ces dernières années, dans les infrastructures qui devront afficher des croissances élevées.

En tête de liste, le Sénégal qui après une croissance de 4,7% en 2022, devrait afficher une croissance de 8,3% en 2023 avant d’afficher une croissance à deux chiffres à 10,6% en 2024. Plusieurs leviers devraient contribuer à cette croissance.

Outre les investissements dans l’agriculture et les infrastructures (autoroutes, routes, ports, ponts…) qui ont beaucoup contribué à la dynamique du pays au cours de ces dernières années avant d’être impactés par les effets de la pandémie du Covid-19 et de la guerre Russie-Ukraine, la croissance devrait aussi bénéficier, notamment en 2024, de l’exploitation du gaz et du pétrole avec le début de l’exploitation des gisements de gaz Grand Tortue-Ahmeyime à la frontière maritime avec la Mauritanie.

Reste que des réformes structurelles visant à renforcer la participation du secteur privé à l’activité économique sont nécessaires pour permettre au Sénégal d’afficher des taux de croissance élevés et à long terme pour résorber le chômage élevé des jeunes.

Derrière le Sénégal, la République démocratique du Congo (RDC) devrait afficher des taux de croissance de 6,3% en 2023 et 6,5% en 2024, après un taux de croissance de 6,6% en 2022.

Cet immense pays aux ressources minières exceptionnelles a encore du mal à exploiter pleinement son potentiel économique. La corruption et les guerres civiles empêchent la RDC de tirer pleinement profit de ses ressources naturelles (pétrole, gaz, bois, diamant, or, coltan…), notamment de ses minerais stratégiques durant cette période de transition énergétique (cobalt, cuivre, lithium…).

La volonté des autorités du pays de mettre de l’ordre dans l’exploitation des mines et l’engagement pris de transformer la matière première localement, notamment les minerais stratégiques, devraient booster l’économie congolaise. Ce pays de 2,34 millions de kilomètres carrés a tous les atouts pour devenir l’une des locomotives économiques du continent. Il faudra toutefois aux autorités du pays une vision stratégique et une lutte efficace contre la corruption qui gangrène l’économie et qui plombe le pays.

La Côte d’Ivoire maintient son rang d’une des économies les plus dynamiques du continent qu’elle occupe depuis la fin de la crise post-électorale avec des taux de croissance dépassant en moyenne les 8%, en dehors des trois dernières années marquées par le Covid-19 et la crise en Ukraine.

Ainsi, après une croissance de 6,7% en 2022, le PIB devrait croître de 6,2% en 2023 et 6,6% en 2024. L’agriculture demeure la locomotive économique du pays. Premier producteur mondial de cacao et d’anacarde, et occupant de bonnes positions dans la production de nombreux autres produits agricoles (banane, ananas, café…), la Côte d’Ivoire fait désormais le pari de la diversification en s’attaquant à la transformation de ses produits agricoles pour plus de valeur ajoutée et de création d’emplois. Parallèlement, les investissements dans les infrastructures (ponts, barrages, ports, métro, autoroutes…) contribuent à booster l’économie du pays.

En ce qui concerne l’Ethiopie, le pays est habitué à des croissances élevées depuis plus d’une décennie, même si cette évolution a été freinée par le Covid-19 et la guerre civile au Tigré. Outre les services, les infrastructures (barrages, chemin de fer…), les investissements directs étrangers notamment chinois, l’économie éthiopienne repose sur l’agriculture qui représente plus des deux tiers du PIB du pays.

Deuxième pays le plus peuplé d’Afrique derrière le Nigeria, l’économie éthiopienne peut aussi compter sur un marché intérieur important de plus de 110 millions de consommateurs. Après une croissance de 6,4% en 2022, le PIB du pays devrait croître de 6,1% en 2023 et 6,4% en 2024.

Cette croissance pourrait même dépasser ces niveaux avec un retour définitif de la paix au Tigré et une année pluviométrique meilleure après des années de sécheresse. Le pays devrait aussi tirer profit de la production croissante d’électricité de son gigantesque barrage La Renaissance qui permettra au pays de bénéficier de ressources électriques abondantes bon marché pour accompagner son développement sachant que le pays affiche actuellement un taux d’électrification encore faible.

Au-delà de ces quatre leaders de la croissance économique africaine pour les deux années à venir, l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie et le Mali devraient également enregistrer, selon les projections du FMI, des taux de croissance supérieurs à 5% en 2023 et 2024.

Si la Tanzanie et l’Ouganda affichaient des taux de croissance solides avant la pandémie du Covid-19, ces deux pays vont bénéficier dans les années à venir des retombées positives de l’exploitation de leurs ressources pétrolières. C’est dire que ces pays pourront afficher des croissances beaucoup plus élevées dans les années à venir, si bien évidement cette manne est mieux gérée.

Idem pour le Kenya dont l’économie profitera en plus de sa position stratégique au niveau de la région en étant la porte d’entrée des pays de l’hinterland, la croissance bénéficiera des importants projets en infrastructures (port, chemine de fer, routes, barrages….), lesquels permettent au pays d’être le nœud des échanges commerciaux de la région.

Prévisions du FMI des 8 pays devant enregistrer les plus fortes croissances du PIB en 2023 et 2024

Croissance du PIB en 2022eCroissance du PIB en 2023pCroissance du PIB en 2024p
Sénégal4,7%8,3%10,6%
RDC6,6%6,3%6,5%
Côte d’Ivoire6,7%6,2%6,6%
Ethiopie6,4%6,1%6,4%
Tanzanie4,7%5,2%6,2%
Ouganda4,9%5,7%5,7%
Kenya5,4%5,3%5,4%
Mali3,7%5,0%5,1%

Source: World economic outlook du FMI

Enfin, les taux de croissance prévus pour le Mali, 5,0% en 2023 et 5,9% en 2024 semblent surprendre du fait de l’instabilité que connaît ce pays sahélien depuis plus d’une décennie. Toutefois, le pays a montré une plus grande résilience face aux chocs externes (Covid-19 et crise en Ukraine) et à l’impact des sanctions prises par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au lendemain du coup d’Etat.

La croissance économique malienne sera tirée par son secteur agricole qui fait du pays le premier producteur de coton du continent et grand producteur de nombreuses céréales (riz, millet, mil…) et par son secteur minier, notamment aurifère. Le Mali fait partie des cinq premiers producteurs africains d’or.

Par Moussa Diop
Le 13/04/2023 à 14h56