D’après les données de The Insight Partners, au niveau mondial, le marché de la maintenance, réparation et révision aéronautique devrait afficher une croissance annuelle moyenne de 4,9% entre 2022 et 2030 pour passer de 91,16 à 134 milliards de dollars. L’augmentation des flottes et la croissance du trafic aérien figurent parmi les facteurs qui dopent le besoin en services de maintenance d’avions au niveau mondial.
Au niveau africain, dans le contexte actuel d’expansion du marché de l’aviation commerciale, l’importance de la Maintenance, Réparation et Révision (MRO) aéronautique sera plus cruciale que jamais.
En effet, d’après les prévisions du constructeurs aéronautique européen Airbus, les dépenses MRO nécessaires pour maintenir la flotte des avions commerciaux du continent vont passer de 2,7 milliards de dollars en 2023 à 5,5 milliards de dollars par an d’ici 2042. Un marché qui sera porté par les acquisition d’avions sachant que les besoins d’avions durant les 20 prochaines années sont estimés à 1180 nouveaux appareils, dont 960 pour la densification de la flotte continentale, pour porter celle-ci à hauteur de 1630 avions.
C’est dire qu’avec les programmes d’expansion des flottes des compagnies aériennes africaines, parallèlement à l’augmentation de la demande en transport aérien, le marché du MRO aéronautique africain va bénéficier d’un afflux constant d’opportunités commerciales. C’est pourquoi beaucoup d’observateurs estiment que les services aéronautiques de MRO sont présentés comme l’écosystème ayant le potentiel de croissance le plus significatif au niveau du continent au cours des prochaines années.
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Seulement, à l’heure actuelle, le marché MRO africain est fragmenté, avec de nombreux centres MRO locaux et étrangers (Safran SA, Raytheon Technologies Corporation, Lufthansa Technik, Airbus SE…) qui offrent différents types de services: révision des moteurs, maintenance de la cellule, maintenance en ligne, modification et composants. La révision des moteurs ayant représenté une part de marché de 43% en 2023. Cela s’explique par l’importance cruciale des performances et de la fiabilité des moteurs dans l’exploitation des avions.
Ces centres offrent globalement, pour les plus importants d’entre eux, une qualité de services de qualité comparable à celle de tout autre MRO mondial de premier plan, avec des normes élevées de conformité répondant aux exigences de la Federal Aviation Administration (FAA) américaine et de l’Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) qui sont derrière les directives strictes en matière de maintenance des avions et qui garantissent, en conséquence, la sécurité et favorisent la confiance dans les services MRO.
Le marché de la Maintenance, Réparation et Révision (MRO) des avions devrait passer de 2,7 milliards de dollars en 2023 à 5,5 milliards de dollars en 2042.. DR
L’impact des centres MRO est indéniable pour les pays africains. En gros, ils réduisent la dépendance des compagnies africaines des centres MRO étrangers et les sorties de devises occasionnées par les services MRO effectués à l’étranger, permettent un transfert de savoir-faire et d’expertise, empêchent les immobilisations d’avions des compagnies aériennes du continent pour cause des problèmes de maintenance et constituent des sources de devises pour les pays qui sont pourvus de centre MRO reconnus par la qualité de leurs services.
En dépit de ces avantages, certaines régions du continent, notamment l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale, en étaient dépourvus jusqu’à tout récemment, alors que les deux régions comptent plusieurs dizaines de compagnies aériennes. Malheureusement, l’absence de centres MRO occasionne des sorties de devises importantes pour ces pays. C’est le cas du Nigeria dont les compagnies aériennes ont dépensé 2,5 milliards de dollars en 2021 pour la maintenance, la réparation et la révision des flottes des compagnies aériennes du pays.
Conscient des perspectives intéressantes de l’industrie en Afrique, les MRO existants tentent d’augmenter leurs capacités grâce à des partenariats stratégiques et à des activités d’expansion.
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Actuellement, seule une poignée de pays africains disposent de centres MRO répondant aux standards internationaux et certifiés. Ces centres sont à même d’attirer les compagnies aériennes africaines et celles d’autres continents pour les réparations, maintenance et révisions de leurs avions.
Les principaux centres MRO du continent sont adossés aux grandes compagnies publiques: South African Airways Technical (Saat), EgyptAir maintenance and engineering, Ethiopian Airlines maintenance and engineering et Safran Aircraft Engines Services Morocco de Royal Air Maroc.
Ces MRO, conscients des enjeux du futur, augmentent de plus en plus leurs capacités grâce à des partenariats stratégiques et à des activités d’expansion en collaboration avec les leaders mondiaux du secteur aéronautique qui souhaitant étendre leur présence en Afrique.
EgyptAir Maitenance Engineering, filiale d’EgyptAir Holding Company
L’Egypte est l’un des principaux fournisseurs de services MRO au Moyen-Orient et en Afrique. Sa position géographique lui a permis de devenir une plaque tournante majeure de MRO aéronautique en Afrique, poussant de nombreux acteurs étrangers de services MRO à s’installer en Egypte.
EgyptAir Maintenance Engineering (EgyptAir M&E) a la possibilité d’assurer les services MRO de plusieurs avions Airbus, Boeing et Embraer, grâce à ses hangars qui peuvent recevoir, en même temps, jusqu’à 12 appareils de fuselage étroit et de gros porteurs. Le centre fournit actuellement des services MRO à plus de 100 compagnies dans ses installations certifiées conformes aux normes internationales.
Le développement des services MRO en Egypte s’explique par l’importance de sa flotte aussi bien civile que militaire. Le pays dispose actuellement de plus de 1000 appareils militaires (avions de combats, hélicoptères, avions de missions spéciales et avions d’entrainement) et 170 avions civils.
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Ces différents appareils génèrent un important marché interne de services MRO, auquel s’ajoute une demande externe régionale (Afrique du Nord, Afrique de l’Est et Moyen-Orient), faisant logiquement de l’Egypte un leader régional des services MRO au niveau du continent africain, suscitant un intérêt accru des grands constructeurs pour le marché égyptien. C’est ainsi qu’EgyptAir Maintenance & Engineering a signé avec Airbus, en marge du salon Egypt International Airshow qui s’est tenu sur l’aéroport international d’El Alamein, du 3 au 5 septembre 2024, un protocole d’accord (MoU) visant à élargir la gamme de services d’EgyptAir M&E à la flotte Airbus, notamment au niveau de la maintenance programmée et non programmée, la réparation d’équipements et le support technique. Un accord logique étant donné qu’EgyptAir est devenu un opérateur des avions Airbus depuis 1980 et compte actuellement, avec sa filiale Air Cairo, plus de 50 appareils du constructeur européen.
South African Airways Technical (Saat) d’Afrique du Sud
South African Airways Technical (Saat), filiale à 100% de la compagnie South African Airways (SAA), est le plus vieux centre MRO du continent. Il fournit depuis plus de 80 ans des services de maintenance d’aéronefs à de nombreuses compagnies aériennes sud-africaines et étrangères. C’est le fournisseur de services de maintenance et de réparation d’aéronefs le plus important et plus avancé d’Afrique.
Basée à Johannesburg, en plus des compagnies aériennes sud-africaines, Saat compte de nombreux clients dont les compagnies des pays d’Afrique australe, de l’est et du centre dont Air Namibie, Taag Angola, Air Zimbabwe, Trans Air Congo, Rwandair, Air Mauritius, Air Madagascar, Arik Air et toutes les autres compagnies étrangères opérant sur le marché sud-africain (Air France, EgyptAir, Turkish Airlines, Emirates, British Airways…).
Ethiopian Airlines maintenance and engineering d’Ethiopie
La première compagnie aérienne africaine, Ethiopian Airlines, a beaucoup investi ces dernières années dans son centre MRO situé à l’aéroport international Bole d’Addis-Abeba.
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Le centre MRO d’Ethiopian fabrique divers types de produits et composants (diodes, commutateurs de train d’atterrissage, harnais…) rentrant dans la fabrication des avions. Ce qui réduit le problème d’approvisionnement de certains composants lors des opérations MRO.
En 2021, le groupe Ethiopian a noué un partenariat avec Israel Aerospace Industries pour l’ouverture d’un centre de conversion des avions de passagers en appareils cargo au niveau du MRO d’Addis-Abeba.
Plus récemment, Ethiopian MRO et le constructeur aéronautique ATR ont signé une lettre d’intention visant à développer les capacités de maintenance et de formation d’Ethiopian MRO pour les avions de type ATR. Grâce à ce partenariat, le groupe éthiopien prendra en charge la maintenance et la réparation des ATR de 36 compagnies aériennes d’Afrique et du Moyen-Orient, la formation et assurera la disponibilité de pièces détachées à ces compagnies.
Outre les services offerts à la flotte d’Ethiopian Airlines forte de plus de 135 appareils, le MRO offre ses services aux compagnies africaines, notamment celles de l’Est, du Centre et de l’Ouest du continent, ainsi qu’aux compagnies étrangères qui desservent le pays.
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Le groupe Ethiopian, dans sa «Vision 2035», compte porter les revenus de son centre MRO à 1 milliard de dollars en 2035.
Safran Aircraft Engines Services Morocco de Royal Air Maroc
Créé en juin 1999, dans le cadre d’une joint-venture entre Safran Aircraft Engines et Royal Air Maroc, Safran Aircraft Engines Services Morocco est un acteur majeur dans le domaine de la maintenance des moteurs d’avions en Afrique. Cette entité, détenue à parts égales et gérée conjointement, fournit des services MRO dédiés. Il est aujourd’hui le premier centre MRO africain de maintenance des moteurs CFM56, développés par Safran Aircraft Engines et GE Aerospace et qui équipent les avions monocouloir commerciaux d’Airbus (famille A320) et de Boeing (famille 737), soit les moteurs d’avion les plus vendus au monde avec plus de 33.000 unités commercialisées.
Dans ce centre MRO, les compagnies bénéficient d’une gamme complète de services couvrant la totalité du processus de maintenance, du diagnostic jusqu’à la garantie de performance au banc d’essai.
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Après 25 ans d’activité, et face à un marché porteur et une demande en croissance, les deux partenaires ont inauguré en avril 2024 une extension de leur unité de Nouaceur, adjacente à l’aéroport international Mohammed V de Casablanca, reflétant l’engagement du groupe aéronautique français à soutenir et à accompagner l’ambition du gouvernement marocain de faire du Royaume un pôle d’excellence de l’industrie aéronautique et une base de compétitivité aux portes de l’Europe.
Outre l’extension des capacités (+2000 m2) permettant d’accroître le nombre d’opérations de maintenance de 70 à 100 shop visits par an d’ici 2026, le nouvel accord signé met l’accent sur un projet de transformation industrielle qui renforce la position de centre d’excellence du site pour la maintenance des moteurs CFM56.
Ayant l’ambition de se positionner comme hub MRO sur la région, le Maroc, qui bénéficie d’un avantage lié à sa situation géographique, ses infrastructures aéroportuaires et ses compétences dans l’industrie de l’aérien, compte aussi sur la filière formation -Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) et Institut spécialisé des métiers de l’aéronautique et la logistiques aéroportuaire (ISMALA)- pour booster la filière MRO.
Au-delà de ces quatre leaders MRO du continent, d’autres pays disposent aussi des centres MRO de moindres envergures. C’est le cas de Tunisair, Air Algérie, Kenya Airways…
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D’autres pays essayent aussi de développer des centres MRO. C’est le cas du Nigeria qui compte 25 compagnies aériennes actives totalisant actuellement 142 appareils, mais qui est dépourvu de centre MRO, malgré les sommes colossales dépensées pour l’entretien des avions du pays. Les dépenses liées au MRO de la flotte du pays ont atteint un montant record de 2,5 milliards de dollars en 2021. Les autorités ont annoncé l’installation d’un centre MRO en partenariat avec le groupe AJW Consortium, une entreprise du Royaume-Uni spécialisée dans la fourniture de composants, de solutions de réparation et de chaînes d’approvisionnement pour l’industrie aéronautique. Toutefois, cela tarde encore à se concrétiser. Du coup, Air Peace (la plus grande compagnie du pays) et Ibo Air, deux compagnies privées, comptent mettre en place leurs propres centres MRO.
Le Ghana aussi s’est lancé dans les services MRO en 2022 dans le cadre d’un partenariat avec Egypt’Air Maintenance Engineering, filiale d’EgyptAir Holding Company, un des principaux fournisseurs MRO au Moyen-Orient et en Afrique, et a commencé à fournir des services de maintenance en ligne à l’aéroport international de Kotoka à Accra, au Ghana.
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Le Sénégal également compte se doter d’un centre MRO d’une superficie de 10.000 m2 capable d’accueillir jusqu’à 4 avions de type Airbus A320. Ce projet, porté par l’Aéroport international Blaise Diagne et Air Sénégal, va nécessiter un investissement estimé à 85 millions d’euros. Idem pour la compagnie panafricaine Asky qui compte aussi installer un hub de formation et de maintenance aéronautique au niveau de sa base à Lomé.
Reste que monter et maintenir un centre MRO fonctionnel et respectant les standards internationaux n’est pas à la portée de nombreux pays et compagnies aériennes du continent. La complexité technique accrue des moteurs d’avions, le durcissement des règlementations du secteur aéronautiques, la faible disponibilité de ressources humaines qualifiées et les problèmes de financement sont autant d’obstacles difficiles à surmonter pour de nombreux pays et compagnies aériennes souhaitent mettre en place des centres MRO.