La Suède vient d’accorder une généreuse contribution de 50 millions de couronnes suédoises (environ 4,8 millions de dollars) au Fonds fiduciaire pour le développement des marchés de capitaux (CMDTF) de la Banque africaine de développement (BAD). Cette contribution substantielle allouée par l’intermédiaire de l’Agence suédoise de coopération pour le développement international (SIDA) est similaire à celles déjà fournies par les Pays-Bas et le Luxembourg. Elle vise à catalyser l’intégration et le développement des marchés financiers régionaux en Afrique.
Le siège de la Banque africaine de développement à Abidjan. AFP
Si l’objectif affiché est de stimuler le financement du secteur privé et des infrastructures prioritaires via une mobilisation accrue de l’épargne domestique et des investissements étrangers, en réalité, le soutien apporté par ces bailleurs reflète une stratégie multidimensionnelle conjuguant motivations économiques et financières, objectifs de développement durable et diplomatie d’influence sur le continent.
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Ce financement participe donc à la création d’un environnement des affaires plus stable, intégré et sécurisé juridiquement, facteur clé pour attirer les investissements directs étrangers structurants sur le long terme. C’est dans cette optique que Hans Lundquist, ambassadeur suédois en Éthiopie et représentant auprès de l’Union africaine, a formalisé cet engagement financier stratégique de 5 millions de dollars.
«La Suède salue cette initiative visant à créer des marchés et des instruments durables et catalytiques susceptibles de mobiliser les capitaux nationaux et régionaux indispensables pour financer les secteurs public et privé, ainsi que d’attirer des investissements cruciaux sur tout le continent», déclare Hans Lundquist, ambassadeur suédois en Éthiopie et représentant auprès de l’Union africaine.
L’objectif principal du CMDTF est de stimuler le développement des marchés de capitaux régionaux en Afrique. Les fonds serviront notamment à aligner les cadres juridiques et réglementaires sur les meilleures pratiques internationales, à moderniser les infrastructures des marchés, à développer des produits financiers innovants et à élargir l’accès de ces marchés au secteur privé.
«Cette contribution renforcera la capacité du CMDTF à étendre sa couverture géographique et ses offres de produits aux pays africains et aux institutions régionales concernées», ajoute Lundquist.
Approfondir l’impact du Fond au-delà de l’Afrique de l’Ouest
Si les Pays-Bas et le Luxembourg ont été les pionniers en finançant le CMDTF lors de sa phase pilote 2020-2022 axée sur l’Afrique de l’Ouest, l’arrivée de la Suède laisse présager une extension prochaine des activités du Fonds à d’autres régions du continent. En effet, la nouvelle stratégie 2023-2026 du CMDTF, approuvée en novembre dernier, vise à approfondir son impact au-delà de l’Afrique de l’Ouest.
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En choisissant de soutenir financièrement le CMDTF, la Suède, les Pays-Bas et le Luxembourg poursuivent des objectifs à la fois économiques et de développement durable en Afrique. Mais il faut garder à l’esprit que d’un point de vue économique, ces pays cherchent à ouvrir de nouveaux marchés et opportunités d’investissement pour leur secteur financier d’envergure internationale. Le développement de marchés de capitaux africains intégrés, liquides et bien réglementés représente un potentiel de croissance et de diversification pour les investisseurs et institutions financières européennes.
Mais au-delà des considérations commerciales, ces contributeurs se projettent aussi dans une logique d’investissement responsable et d’impact. En effet, des marchés de capitaux efficients permettront de mobiliser l’épargne locale et les financements internationaux vers les secteurs productifs, les infrastructures et les projets verts et sociaux prioritaires pour le développement durable africain. Cela répond aux engagements pris par ces États en matière de financement du développement et de lutte contre le changement climatique.
De plus, en renforçant l’intégration économique régionale via des marchés financiers harmonisés, le CMDTF facilite la création d’un environnement des affaires stable et sécurisé, favorable aux investissements à long terme des entreprises de ces pays en Afrique. C’est un gage de stabilité et de bonne gouvernance économique sur le continent.
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Pour ces pays européens à la fois places financières majeures et bailleurs de fonds influents, soutenir le CMDTF permet donc de conjuguer stratégie économique, objectifs de développement durable et diplomatie d’influence en Afrique, dans une logique de partenariat gagnant-gagnant avec le continent.
«Des marchés de capitaux plus efficaces et dynamiques contribueront à atteindre les Objectifs de développement durable en Afrique», souligne Ahmed Attout, directeur du développement du secteur financier à la Banque africaine de développement.
Le choix de l’Afrique de l’Ouest pour la phase pilote du CMDTF s’explique par la relative petite taille, la fragmentation et les multiples défis auxquels font face les marchés financiers de cette région: manque d’actifs cotés, nombre limité d’acteurs, gamme restreinte de produits, réglementation inadéquate, infrastructures déficientes, etc.
11 projets majeurs déjà appuyés
Malgré un budget modeste de 5,34 millions de dollars sur 2020-2022, le CMDTF a d’ores et déjà appuyé onze projets majeurs en Afrique de l’Ouest, dont la mise en place de systèmes de surveillance des marchés au Nigéria et au Ghana, le renforcement des cadres réglementaires ouest-africains, et le développement de plateformes électroniques au Cap-Vert.
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Outre les bourses, les principales entités bénéficiaires sont les autorités réglementaires nationales et régionales comme la BCEAO, l’autorité de régulation des marchés financiers dans l’Union Monétaire Ouest Africaine (CREPMF) et la West African Capital Markets Integration Council (WACMIC), ainsi que des établissements publics comme la Banque de l’Habitat du Niger.
Pour la période 2023-2026, la nouvelle stratégie du CMDTF vise à intégrer davantage les objectifs verts, sociaux, genre et PME dans le développement des marchés, tout en renforçant la résilience et l’intégration des marchés africains face aux chocs économiques mondiaux.
De manière concrète, les acteurs africains éligibles peuvent soumettre leurs propositions de projets directement auprès du secrétariat du CMDTF, via un formulaire en ligne ou lors d’appels à propositions spécifiques. Aux côtés des bourses, banques centrales et autorités de marché, les bénéficiaires potentiels incluent les ministères des Finances, les communautés économiques régionales ou encore les organismes continentaux comme le Secrétariat de la ZLECAf.