L’Africa Risk-Reward Index (ARRI) 2025, récemment publié par Control Risks en partenariat avec Oxford Economics Africa, offre une analyse comparative de 24 marchés africains. Pour les investisseurs, le ratio risque-rendement (Reward/Risk) est un indicateur clé.
Avoir un ratio élevé (Reward/Risk) signifie que pour chaque «unité» de risque acceptée, le gain potentiel est bien plus élevé, ou encore que le rendement attendu est attractif par rapport aux risques encourus. En clair, moins de sueurs froides pour plus de bénéfices.
De manière plus concrète, dans ce rapport, le Maroc, Maurice et la Côte d’Ivoire, affichent les ratios Récompense/Risque les plus élevés. Entendez par là que pour le niveau de risque que vous êtes prêt à accepter, c’est prioritairement au Maroc, puis à Maurice, et en Côte d’Ivoire que vous avez potentiellement le meilleur retour sur investissement.
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En d’autres termes, ces pays offrent le meilleur «rapport qualité-prix» ou le meilleur «pari» du continent. Un investisseur qui mettrait 1 million d’euros dans chacun des 24 pays pourrait, selon le modèle, espérer le meilleur rendement pour son argent au Maroc, car les obstacles (risques politiques, sécuritaires, économiques) y sont relativement bas pour le potentiel de gain offert.
Nuance: cela ne veut pas dire que le Maroc offre la plus grosse récompense absolue (l’Ouganda et l’Éthiopie ont un score plus élevé en la matière), mais que sa récompense est plus probable et plus facile à atteindre car l’environnement est plus stable et prévisible.
Comparé au classement 2024, le Maroc maintient sa première place en bonifiant son score de récompense. Maurice et la Côte d’Ivoire gagnent respectivement trois et quatre places, tandis que le Sénégal disparait des radars.
Analysons les dix pays affichant les ratios les plus élevés en 2025, en nous focalisant sur les enseignements généraux.
L’ARRI attribue à chaque pays un score de risque (échelle de 1 à 10, 10 étant le plus risqué) et un score de récompense (1 à 10, 10 étant le plus attractif). Le ratio risque-rendement est calculé comme suit : score de récompense / score de risque. Un ratio supérieur à 1 indique que la récompense potentielle l’emporte sur le risque perçu.
Abuja (Nigeria) : l'écart se creuse entre les « pays réformateurs » qui grimpent dans le classement et les « économies pivots » qui stagnent, prouvant que l'Afrique n'est pas un bloc monolithique.
Classement des 10 pays au meilleur ratio risque-rendement
L’analyse du ratio Reward/Risk pour l’année 2025 révèle une hiérarchie instructive des marchés africains. Le Maroc occupe la première place avec un ratio de 1,37, un résultat directement attribuable à sa combinaison unique d’un risque maîtrisé (3,88) et d’une récompense attractive (5,31), reflet de sa diversification économique et de sa stabilité politique.
Bien que Maurice obtienne un ratio mathématiquement élevé de 1,19, sa position de 2ème est nuancée par un score de récompense absolue significativement plus faible (3,87), ce qui relativise son attractivité pour les investisseurs recherchant des opportunités de grande envergure. En d’autres termes, Maurice pourrait être classé plus bas dans une analyse stratégique priorisant la taille des opportunités.
La Côte d’Ivoire (troisième avec un score de 1,18), l’Ouganda (quatrième avec 1,16) et la Tanzanie (cinquième avec un score de 1,14) complètent le peloton de tête (Top 5), confirmant que les réformes structurelles et un environnement des affaires stabilisé sont payants.
L’Égypte (6ème) affiche un ratio de 1,06, démontrant qu’une récompense absolue élevée (6,42) peut compenser un niveau de risque plus important (6,08), attirant une catégorie d’investisseurs différente, plus tolérante au risque.
Le Rwanda (7ème avec un score de 0,99), le Ghana (8ème avec un score de 0,98), le Botswana (9ème avec 0,96) et le Kenya (10ème avec un score de 0,92) se situent juste en deçà du seuil d’équilibre, indiquant que le risque perçu y est légèrement supérieur à la récompense attendue.
Cela dit, le Botswana, avec un ratio de 0,96, mérite une mention spéciale. Bien que son ratio soit techniquement inférieur à 1, son très faible score de risque (3,80) en fait un havre de stabilité, offrant des opportunités certes plus modestes mais également plus sécurisées, une caractéristique cruciale pour les portefeuilles les plus conservateurs.
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Ce classement souligne ainsi qu’une lecture stratégique va au-delà du simple ratio ; elle doit intégrer l’appétit pour le risque de l’investisseur et son objectif de rendement absolu.
Autres éléments à souligner : le classement révèle plusieurs tendances majeures. La première est relative à la prime aux réformateurs. Les pays en tête du classement sont ceux qui ont mené des réformes structurelles et politiques persistantes, créant un environnement plus prévisible et attractif pour les investisseurs. Comme le souligne le rapport, «les économies axées sur les réformes prennent de l’avance».
La deuxième tendance est que l’Afrique n’est pas un bloc monolithique. L’écart se creuse entre les pays réformateurs qui améliorent leur ratio et les «économies pivots» (Nigeria, Afrique du Sud) qui stagnent ou régressent en raison de défis internes. L’agrégat continental masque cette réalité.
Troisième tendance : le rapport est sans équivoque. Les pays avec les meilleurs ratios sont souvent ceux qui s’inscrivent dans des dynamiques régionales (hubs logistiques, diversification des chaînes de valeur) plutôt que de dépendre d’un seul marché.
La première place du Maroc est-elle le fruit du hasard ?
La première place du Maroc n’est pas un hasard. Son ratio de 1.37 est le résultat d’une stratégie délibérée et couronnée de succès.
Avec un score de risque de 3.88, le Maroc est l’un des pays les moins risqués du continent, juste derrière Maurice (3.25) et le Botswana (3.80). Ce qui reflète une stabilité politique relative, un environnement sécuritaire contrôlé et des fondamentaux économiques solides.
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Son score de récompense de 5.31, en hausse de 0.31 point sur un an, témoigne du dynamisme de son économie. Le rapport souligne que «la modernisation du pays a porté ses fruits» et que le Maroc «se développe en pierre angulaire des connexions de l’Afrique avec le reste du monde».
Signification terre-à-terre: pour un investisseur, cela signifie que le Maroc offre l’un des meilleurs compromis sur le continent. Le risque de voir un projet perturbé par l’instabilité politique, l’insécurité ou une crise économique brutale est faible, surtout comparé à des géants comme le Nigeria ou l’Égypte. Dans le même temps, le potentiel de rendement est élevé grâce à une économie diversifiée (industrie automobile, aéronautique, énergies renouvelables, logistique), une position géostratégique de hub vers l’Europe et l’Afrique, et des infrastructures de qualité.
C’est quoi la suite ?
Le moins que l’on puisse dire est que ce classement influence directement la prise de décision de plusieurs acteurs. Pour les investisseurs étrangers (Fonds, multinationales), ce rapport pourrait servir de feuille de route pour l’allocation du capital. Les pays en tête du ratio ont ce qu’il faut pour recevoir plus d’attention et d’investissements, car ils offrent une meilleure «prime» pour le risque pris. Ils privilégieront les stratégies «Africa-first» et les partenariats locaux, comme le préconise Patricia Rodrigues, «Commencez par une analyse approfondie du marché. Identifiez les acteurs importants, puis planifiez votre approche».
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Pour les pays bien classés (Maroc, Côte d’Ivoire, Tanzanie, Egypte), c’est une validation de leurs politiques. Cela leur confère une crédibilité accrue pour attirer encore plus d’investissements. Les entreprises locales de ces pays pourraient ainsi bénéficier d’un afflux de capitaux étrangers, de partenariats technologiques et d’une intégration dans les chaînes de valeur régionales et mondiales. Cela leur permet de se développer, de se moderniser et de devenir des champions régionaux.
Pour les pays mal classés, c’est un signal d’alarme les incitant à accélérer les réformes (libéralisation, diversification, amélioration du climat des affaires) sous peine de voir les investisseurs se détourner.
Pour les institutions financières (banques, fonds de pension), la mobilisation de l’épargne locale devient cruciale. Comme le note le rapport, les gestionnaires d’actifs locaux (pensions, etc.) détiennent des ressources colossales et sont de plus en plus autorisés à investir dans des projets nationaux, offrant une source de financement stable et alignée sur les objectifs de développement.
En définitive, l’ère de l’aide est révolue; place à l’ère de l’investissement stratégique, où la performance se mesure à la capacité d’un pays à offrir un environnement stable et porteur de croissance. Les acteurs économiques qui sauront s’adapter à cette réalité, en ciblant les marchés aux meilleurs ratios et en adoptant des modèles opérationnels localisés, seront ceux qui recueilleront les plus grandes récompenses.
Les 10 pays africains au meilleur compromis risque-rendement
Rang | Pays | Score Récompense (R) | Score Risque (K) | Ratio R/K |
---|---|---|---|---|
1 | Maroc | 5.31 | 3.88 | 1.37 |
2 | Maurice | 3.87 | 3.25 | 1.19 |
3 | Côte d’Ivoire | 5.88 | 4.98 | 1.18 |
4 | Ouganda | 7.06 | 6.08 | 1.16 |
5 | Tanzanie | 6.19 | 5.43 | 1.14 |
6 | Égypte | 6.42 | 6.08 | 1.06 |
7 | Rwanda | 5.16 | 5.21 | 0.99 |
8 | Ghana | 5.52 | 5.64 | 0.98 |
9 | Botswana | 3.63 | 3.80 | 0.96 |
10 | Kenya | 5.47 | 5.96 | 0.92 |
Source: Control Risks & Oxford Economics Africa.