Pourquoi le Maroc attire autant d’étudiants subsahariens

Etudiants subsahariens au Maroc

Le 10/10/2023 à 16h14

Ils sont futurs médecins, ingénieurs, journalistes ou encore avocats. Chaque année, des milliers d’étudiants subsahariens débarquent au Maroc pour poursuivre leurs études universitaires. C’est la preuve de l’attractivité des établissements marocains qui rivalisent d’offres pour séduire les jeunes venus du Sud. Alors que certaines écoles misent sur la qualité de leurs diplômes, d’autres cassent les prix de leur formation allant jusqu’à offrir des bourses à leurs étudiants. Témoignages.

Nous sommes le 15 janvier 2021, en plein hiver au Maroc. C’est une date qu’Abdoukadri Adamou n’oubliera jamais. Venu tout droit du Niger, le jeune bachelier atterrit à l’aéroport international de Casablanca. Malgré le froid auquel il est peu habitué, il découvre un pays doux, chaud et rassurant. Accueilli comme une star, il a droit à un chauffeur affrété spécialement pour l’occasion. Une demi-heure plus tard, le voilà en plein cœur de la métropole marocaine. «Partout, il y avait des immeubles et des avenues immenses», se souvient le Subsaharien qui ne ne peut s’empêcher de relever le contraste avec Niamey.

Pas le temps d’admirer la ville blanche, il est conduit le même jour à l’école où il s’est inscrit depuis le Niger pour une licence en informatique. Sur place, tout est fait pour impressionner la nouvelle recrue qui succombe naturellement au charme des locaux. Un bon présage du bien-être des habitants, se disait-il sans doute en son for intérieur.

Pour monter la température, à la tombée de la nuit, Casablanca tient toutes les promesses d’une capitale mondiale, aux yeux de l’étranger. Epoustouflante à visiter ! Pas besoin d’en rajouter. C’est largement suffisant pour Abdoukadri Adamou. L’éventure estudiantine peut commencer pour le Nigérien de 21 ans qui sera d’autant plus convaincu le lendemain en découvrant les tarifs proposés par les moyens de transport. «Cinq dirhams seulement pour se déplacer en bus et près du double pour se rendre d’un point à un autre en taxi. Cela ne faisait pas partie de ma liste de facilités auxquelles je pouvais me permettre de rêver», peine encore à croire le bonhomme, près de trois ans plus tard.

Tout comme Abdoukadri, ils sont des dizaines de milliers de jeune Subsahariens à venir étudier au Maroc chaque année. C’est le cas de Victor Elias Seshie, un étudiant ghanéen qui a choisi le Maroc comme destination d’études. Lui aussi est tombé très vite sous le charme du Royaume alors que son rêve a toujours été d’aller étudier en France. «Je n’ai pas pu aller en France pour poursuivre mes études universitaires. Je me suis alors tourné vers le Maroc car on m’a dit que je pouvais aussi avoir un diplôme français tout en restant en Afrique», nous explique-t-il. Victor, qui vient de décrocher une licence en marketing, envisage de s’établir dans ce pays de l’Afrique du Nord, à l’image de notre premier interlocuteur qui dit étudier sérieusement la question.

Si le Ghanéen n’a pas encore obtenu d’emploi, il n’a rien regretté de son choix de venir étudier au Maroc. «Non seulement j’ai un diplôme international de qualité mais également et surtout, je ne me suis pas ruiné pour avoir une licence. Avec 400 dollars seulement, j’arrivais à tenir financière pendant un mois», explique notre interlocuteur très optimiste du reste, capitalisant sur les opportunités professionnelles offertes dans ce pays en plein développement.

Il faut dire que le Maroc est devenu une destination prisée par de nombreux étudiants africains, en particulier ceux issus de la région subsaharienne. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur, sur un total de 23.411 étudiants étrangers inscrits au Maroc en 2021, 19.256 sont d’origine africaine, soit près de 83%, privé et public confondus.

Une attractivité qui s’explique par les tarifs très compétitifs proposés par les universités marocaines, nombreuses dans les grandes villes du pays. Proposant des frais d’inscription et de scolarité très abordables, variant entre 28.000 et 70.000 dirhams par an (parfois plus pour les plus nantis) et un système de bourses très attractif, les établissements marocains sont nettement plus avantageux que leurs homologues européens en matière de coût, sans pour autant lésiner sur la qualité des diplômes. Résultat, ces dernières années, c’est la grande ruée des étudiants subsahariens vers le Royaume.


Une véritable manne qui ne profite pas qu’aux seules universités marocaines. Lamine Ndiaye, un Sénégalais établi au Maroc depuis 2015 et entrepreneur avisé, a vu dans cette arrivée massive et constante une opportunité d’entrepreneuriat. Il y a deux ans, l’ancien pensionnaire de la faculté des Sciences de Rabat a créé un cabinet visant à orienter et accompagner les étudiants africains dans leurs parcours universitaires au Maroc.

«Souvent, dans la communauté subsaharienne au Maroc, on faisait appel à moi en tant que président de l’UGESM (l’Union générale des étudiants et stagiaires sénégalais au Maroc), à chaque fois qu’un étudiant avait un souci d’ordre administratif dans une université marocaine. L’idée de m’organiser m’est venue en tête pour créer une agence d’orientation», nous explique celui qui a également été ancien Secrétaire général de la confédération des étudiants et stagiaires africains au Maroc (CESAM ).

Aujourd’hui, Lamine a noué de nombreux partenariats avec des écoles marocaines et compte bien développer son activité les années à venir, capitalisant sur les dizaines de milliers de jeunes subsahariens qui débarquent au Maroc chaque année.

Il faut dire que la terre marocaine est très fertile pour le Sénégalais qui travaille avec une équipe composée de différentes nationalités africaines établies au Maroc. La France qui demeure jusqu’ici la principale destination des étudiants africains francophones a récemment a suspendu la délivrance de visas aux étudiants burkinabé, nigériens et maliens, invoquant des raisons de sécurité. Une bonne partie des jeunes originaires de ces pays et qui rêvaient d’aller à l’Hexagone pour poursuivre leurs études pourraient être tentés par le Maroc qui n’exige même de visa à ces ressortissants.

Par Khadim Mbaye
Le 10/10/2023 à 16h14