Production d’électricité 2023-2030: la BAD évalue les besoins d’investissements colossaux de ces 10 pays d’Afrique

Lignes électriques.

Le 21/11/2024 à 17h05

Dans un rapport révélateur, la Banque africaine de développement (BAD) dévoile les investissements colossaux nécessaires d’ici 2030 pour la production durable d’électricité en Afrique. Projecteur sur les dix pays africains ayant les plus importants besoins d’investissement dans les infrastructures.

Selon un rapport récent de la Banque africaine de développement (BAD), d’importants investissements dans la production d’électricité seront nécessaires dans plusieurs pays africains d’ici 2030 pour répondre à la demande croissante, assurer un accès universel à l’énergie et soutenir le développement économique durable du continent.

Pour Dr Babatunde Samson Omotosho, Directeur du Département des Statistiques de la BAD, «ce rapport n’est pas seulement une question de chiffres, c’est une vision d’un avenir réalisable où chaque Africain aura accès à l’énergie nécessaire pour prospérer. C’est une voie durable vers le développement économique et la protection de l’environnement

La BAD souligne que dix pays se démarquent avec les besoins d’investissement les plus élevés dans le secteur de la production d’électricité (voir page 54). L’Égypte arrive en tête avec des besoins d’investissement estimés à 97,5 milliards de dollars, principalement en raison du coûteux projet de construction de la centrale nucléaire d’El Dabaa. Cette centrale, qui devrait être la première du pays, nécessite d’importants investissements dans les infrastructures et la technologie nucléaire.

L’Afrique du Sud, deuxième avec 30,4 milliards de dollars de besoins, doit moderniser et étendre son parc de production vieillissant, tout en diversifiant son mix énergétique au-delà du charbon qui domine actuellement. Le développement des énergies renouvelables est une priorité. Avec 27,8 milliards de dollars de besoins, l’Éthiopie mise sur les barrages hydroélectriques pour répondre à la demande croissante en électricité et exporter éventuellement vers les pays voisins. Plusieurs grands projets comme le barrage Renaissance sont en cours.

L’Algérie (20,5 milliards) et le Nigéria (18,8 milliards) complètent le top 5. Riches en ressources fossiles, ces pays cherchent à accroître leurs capacités de production d’électricité, notamment grâce au gaz naturel, tout en intégrant davantage d’énergies renouvelables. Les autres pays du top 10, notamment le Maroc (10,730 milliards), le Ghana (9,126 milliards), la RDC (8,719 milliards de dollars), la Libye (8,152 milliards) et la Zambie (7,885 milliards) affichent aussi d’importants besoins en investissements dans la production électrique pour soutenir leur croissance économique et l’accès à l’électricité des populations.

Ces chiffres soulignent l’énorme défi de financement que représente le développement des infrastructures énergétiques en Afrique pour permettre un accès durable à l’électricité pour tous.

Pour le Dr Babatunde Samson Omotosho, Directeur du Département des Statistiques de la BAD, « Ces investissements massifs visent à combler les énormes déficits énergétiques du continent et à stimuler une croissance économique durable et respectueuse de l’environnement. »

Facteurs clés des investissements élevés

Plusieurs facteurs expliquent les besoins d’investissement considérables dans ces pays leaders. Premièrement, la nécessité d’atteindre l’accès universel à l’électricité d’ici 2030 (ou 2040 selon un scénario alternatif), ce qui implique 195 millions de nouvelles connexions au réseau, à des mini-réseaux ou à des systèmes hors-réseau. Le Nigéria, l’Éthiopie et la RD Congo, par exemple, affichent d’importants besoins en systèmes décentralisés.

Deuxièmement, la croissance démographique et économique rapide de ces pays entraîne une forte augmentation de la demande en électricité, que les réseaux actuels ne pourront satisfaire sans d’importants renforcements. Enfin, certains pays comme l’Égypte, l’Algérie et la Libye investissent massivement dans des centrales conventionnelles de grande envergure pour répondre à leurs besoins énergétiques.

Part des énergies renouvelables

Malgré ces investissements dans des centrales conventionnelles, le rapport souligne que 88% de la nouvelle capacité installée d’ici 2030 sera issue de sources d’énergie renouvelables, principalement l’éolien et le solaire photovoltaïque. Ces technologies compétitives devraient être largement déployées dans la plupart des pays, confirmant une trajectoire de décarbonation du secteur électrique africain.

L’Égypte, le Maroc, l’Algérie et l’Afrique du Sud, qui disposent d’un fort potentiel solaire et éolien, concentreront une part importante de ces investissements «verts». Des pays comme l’Éthiopie, le Ghana, la RD Congo et la Zambie, riches en ressources hydrauliques, prévoient aussi d’importants développements dans l’hydroélectricité.

Toutefois, d’importants défis techniques, financiers et réglementaires doivent encore être surmontés pour attirer ces investissements colossaux, estimés à 64 milliards de dollars par an selon le scénario de base de la BAD. Sur le plan technique, le déploiement à grande échelle des énergies renouvelables variables nécessitera des investissements conséquents dans les réseaux de transport, les infrastructures de stockage et les interconnexions régionales pour assurer la stabilité et la fiabilité des systèmes électriques.

D’un point de vue financier, les capacités d’investissement des secteurs public et privé dans de nombreux pays restent limitées. Le rapport souligne un déficit annuel de financement d’environ 25 milliards de dollars, qui devra être comblé par une mobilisation accrue des investissements privés, des prêts des institutions financières et de l’aide publique au développement.

Enfin, des réformes réglementaires et institutionnelles seront indispensables pour créer un environnement propice aux investissements, en assurant des cadres tarifaires et des incitations appropriées pour les producteurs privés d’électricité. Certains des pays concernés ont déjà entamé des réformes ambitieuses. L’Égypte et le Maroc, par exemple, ont adopté des stratégies énergétiques à long terme visant une part importante des renouvelables dans leur mix électrique. L’Afrique du Sud a récemment relancé son programme d’appels d’offres pour l’énergie renouvelable tandis que l’Algérie et le Nigéria renforcent leurs politiques de soutien aux mini-réseaux et systèmes solaires décentralisés.

Impacts socio-économiques attendus

Au-delà des seuls enjeux énergétiques, ces investissements massifs devraient avoir des retombées socio-économiques considérables. Selon la BAD, l’accès universel à l’électricité permettra «d’autonomiser les communautés, de stimuler la croissance industrielle et d’améliorer la qualité de vie de millions d’Africains». Une électrification fiable et abordable est un prérequis indispensable au développement économique durable et à la réduction de la pauvreté sur le continent.

Pour optimiser ces investissements, le rapport insiste sur les avantages d’une plus grande intégration des réseaux électriques à l’échelle régionale. L’exploitation partagée des ressources énergétiques et le renforcement des interconnexions permettraient en effet de réduire les coûts de production, d’accroître la résilience des systèmes et de faciliter l’intégration des énergies renouvelables intermittentes.

Un rôle accru des investisseurs privés sera également essentiel pour combler les déficits de financement public. De nouvelles formules de partage des risques, de garanties et d’incitations devront être explorées pour attirer davantage de capitaux privés dans les projets d’infrastructures électriques.

Enfin, la BAD insiste sur la nécessité d’assurer la durabilité environnementale de ces investissements énergétiques, en privilégiant les solutions bas carbone dans la mesure du possible. L’adoption de normes, règlementations et meilleures pratiques internationales en matière de gouvernance et de gestion du secteur électrique sera cruciale à cet égard.

Classement des 10 pays africains ayant les besoins d’investissement les plus importants en matière de production d’électricité (en millions de dollars) :

PaysBesoins d’investissement en matière de ProductionBesoins d’investissement en matière d’interconnexion
Egypte

97.535780
Afrique du Sud30.378327
Éthiopie 27.7732.201
Algérie20.4591.443
Nigeria18.802170
Maroc10.730557
Ghana9.126105
RD Congo8.7191.098
Libye8.1521.587
Zambie7.8851.382

Source : BAD

Par Modeste Kouamé
Le 21/11/2024 à 17h05