La course à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD) est lancée avec l’ouverture des candidatures durant ce mois de septembre et se poursuivra jusqu’à fin janvier 2025. Plusieurs candidats ont déjà déposé leur candidature.
Parmi les candidats, certains connaissent bien l’institution pour y avoir travaillé en tant que vice-président. C’est le cas du Mauritanien Ousmane Kane et du Sénégalais Amadou Hott.
Actuellement, les postulants qui se sont exprimés ont entamé leur campagne et certains d’entre eux bénéficient du lobbying des dirigeants de leur pays. Des soutiens diplomatiques qui vont peser lourd lors des élections de mai 2025.
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Reste à savoir quel profil les membres de l’institution souhaitent voir à la tête de la BAD sachant que tous les candidats qui se sont déclarés ont le profil nécessaire pour diriger l’institution. Certains ont bien évidemment plus de poids que d’autres. Le choix dépendra aussi des pays d’opter, ou non, pour la continuité de la stratégie du Nigérian Adésina. Cette option favorisera ceux qui s’approprient son héritage et son succès engrangé dans une institution financière solide qui a réussi à maintenir sa note de crédit «AAA».
Les cinq premiers candidats dont des favoris à la succession du Nigérian Akinwumi Ayodeji Adesina à la tête de la Banque africaine de développement (BAD).. DR
D’autres variables pèseront sur la balance. Par exemple, les candidats de l’Afrique de l’Ouest auront-ils la chance d’occuper le poste malgré la règle tacite d’alternance géographique, sachant que le locataire actuel de la BAD est du Nigeria, donc ouest-africain? Ou bien, le choix se basera sur la carrière des candidats? Ce dernier critère sera certainement privilégié par les pays membres non régionaux (membres non africains de la BAD). En attendant l’élection prévue en mai, voici un aperçu des profils et le parcours des premiers candidats déclarés.
Amadou Hott du Sénégal
Né le 25 octobre 1972, à Dakar (52 ans), Amadou Hott figure parmi les grands favoris pour succéder au Nigérian Akinwumi Adesina à la tête de la Banque africaine de développement (BAD). Une institution qu’il connait très bien pour y avoir exercé les fonctions de vice-président, de chargé de l’électricité, de l’énergie, de la croissance verte et du changement climatique (nov 2016) et plus récemment en tant qu’envoyé spécial du président de la BAD, chargé de l’Alliance pour l’infrastructure verte en Afrique (AGIA). Certains le considèrent comme le protégé de l’actuel président.
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Amadou Hott, qui cumule plus d’une vingtaine d’années d’expérience dans des domaines tels que le financement structuré, la banque d’investissement, la gestion de fonds souverains, les infrastructures et le développement de solutions énergétiques intégrées, fut aussi ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération du Sénégal (avril 2019), conseiller spécial de l’ex-président du Sénégal, Macky Sall (avril 2022-avril 2024), et de directeur général du Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip).
Avant cela, il a occupé divers postes dans la banque d’investissement et le conseil en investissement à New York, Londres, Dubaï et Lagos. Le candidat sénégalais est diplômé de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne où il obtenu la Licence et la Maitrise en Science économique, option Monnaie et finance et un DEA en Finance de marché et gestion bancaire. Il est aussi titulaire d’un master en mathématiques financières de l’Université de New York.
Amadou Hott a le soutien fort important du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye. Celui-ci l’a convié à rejoindre la délégation officielle sénégalaise à la 79e Assemblée générale des Nations unies pour lancer la campagne de sa candidature. Avec le soutien officiel de l’État du Sénégal, qui constitue un appui diplomatique majeur, Amadou Hott part comme l’un des grands favoris pour occuper le poste du président de la BAD en mai 2025. Il bénéficie aussi du soutien de ses anciens patrons et milliardaires: Aliko Dangote et Tony Elumelu (patron d’UBA Group).
Seul hic, avec trois candidats pour l’Afrique de l’Ouest, en tant tenant compte de celui de la Mauritanie, les voix de la sous-région risquent de se disperser. En tout cas, si Hott est élu en mai, il sera le second Sénégalais à diriger la BAD après Babacar Ndiaye (mai 1985-août 1995).
Samuel Munzela Maimbo de la Zambie
Né le 12 septembre 1972, le Zambien Samuel Munzele Maimbo fait partie des favoris. Il faut dire qu’il bénéficie du soutien sans faille de l’influente Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui l’a choisi le 17 août au cours de son 44e sommet ordinaire des chefs d’État et de gouvernement organisé au Zimbabwe, comme candidat officiel de l’Afrique australe afin de multiplier les chances de la région.
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L’Afrique australe table aussi sur la règle tacite d’alternance géographique. S’il est élu, il sera le second Zambien à diriger l’institution panafricaine après son compatriote Wila D. Mungomba (juin 1980-mai 1985).
En plus du soutien de la SADC, il dispose l’un des meilleurs profils et pourrait fortement bénéficier du soutien des pays anglo-saxons, notamment les États-Unis, second actionnaire de la BAD après le Nigeria. Le candidat zambien possède près de trente ans d’expérience dans le développement, les marchés financiers, la mobilisation des ressources et la planification stratégique dont 23 ans au sein de la Banque mondiale.
Au sein de cette institution, il est depuis le 1er juillet 2023 vice-président du budget, de l’examen des performances et de la planification stratégique. A ce titre, il supervise le budget-programme annuel de la Banque mondiale. Avant cette nomination, il a été chef de cabinet de certains présidents de la Banque mondiale. Avant d’intégrer la Banque mondiale, il a occupé le poste d’inspecteur bancaire à la Banque de Zambie et d’auditeur chez PricewaterhouseCoopers (PwC).
Samuel Munzele Maimba est titulaire d’un doctorat en administration publique (secteur bancaire) de l’université de Manchester, d’un MBA en finance de l’université de Nottingham, d’un Fellow Chartered Certified Accountant (FCCA) obtenu au Royaume-Uni.
Ousmane Kane de Mauritanie
Né en mars 1955 à Tékane, Ousmane Kane, candidat mauritanien à la présidence de la BAD, connait bien l’institution dans laquelle il a passé près de 15 ans (fév 1991-oct 2005). Il a gravi les échelons et occupé diverses fonctions et directions: expert chargé de la structuration et du financement de projets industriels, chef de l’unité chargée des politiques et procédures de passation des marché, directeur des ressources humaines, directeur de la planification stratégique et enfin, vice-président chargé des services institutionnels de la BAD, sous l’ère du président marocain, Omar Kabbaj (août 1995-août 2005) qui a fortement contribué à assainir l’institution et à la mettre sur les rails.
En Mauritanie, il a occupé diverses fonctions parmi lesquelles: gouverneur de la Banque centrale (septembre 2006), PDG de la Société nationale industrielle et minière (nov 2008), poumon économique de la Mauritanie, ministre des Finances (2009) et ministre des Affaires économiques et de la Promotion des secteurs productifs (2019).
Considéré comme un proche du président Mohamed Cheikh el-Ghazouani, il devrait obtenir le soutien des autorités mauritaniennes et ce d’autant que le président assure aussi celle de l’Union africaine. Ousmane Kane est diplômé de la prestigieuse École Polytechnique (X) de Palaiseau et de l’École nationale supérieure des mines de Saint-Etienne.
Romuald Wadagni du Bénin
Né le 20 juin 1976 à Lokossa, Romuald Wadagni, Grand argentier du Bénin depuis avril 2016, dirige l’une des petites économies les plus dynamiques d’Afrique. Á son actif, les performances économiques et la résilience du Bénin ces dernières années malgré les crises du Covid-19 et les impacts de la guerre Russie-Ukraine. C’est sous sa houlette que le Bénin a réussi à assainir ses finances publiques et en 2028 sa première sortie sur le marché de la dette en levant 260 millions d’euros.
Après les félicitation du Fonds monétaires international (FMI), Standard & Poor’s a rehaussé la note de crédit du Bénin à «B+» avec une perspective positive en avril dernier, alors que la tendance a été à la baisse des notes des pays africains, saluant les réformes mises en place avec succès par le Bénin.
Toutefois, ses chances d’accéder à la présidence de la BAD seront amoindries par la présence de deux candidats ouest-africains: un Béninois, un Sénégalais, en plus du Mauritanien. De même, le Béninois ne pourra pas compter sur le soutien des pays d’Afrique centrale qui ont misé sur le Tchadien Abbas Mahamat Tolli.
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Diplômé de l’École supérieure des affaires (ESA) de Grenoble (France), de Harvard Business School (USA), Wadagni est titulaire du Certified Public Accountant, un diplôme d’expert-comptable américain. Il a fait ses preuves au sein du cabinet Deloitte aussi bien aux États-Unis, en France qu’en Afrique, ce qui lui confère un carnet d’adresse bien étoffé.
Abbas Mahamat Tolli du Tchad
Né en avril 1972 à Abéché, le Tchadien Abbas Mahamat Tolli, 51 ans, ancien gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), est le premier à avoir annoncé sa candidature en mars 2024. Abbas Mahamat Tolli sera un des outsiders qu’il faudra surveiller de près. En effet, étant le premier à annoncer sa candidature, il avance sereinement ses pions.
Il bénéficie du soutien de choix des onze pays de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac) qui ont fait l’annonce le 9 mars 2024 au terme de la conférence des chefs d’État et de gouvernement qui s’est tenue en Guinée équatoriale. Un soutien qui vient renforcer la candidature de l’ancien gouverneur de la Beac qui a été plébiscité par les membres de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac). Il bénéficie aussi du soutien du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno qui a lancé une campagne tous azimuts auprès de ses homologues pour soutenir la candidature de son cousin à la tête de la BAD.
Cependant, malgré le soutien assuré de onze pays africains, il ne figure pas parmi les favoris. À noter qu’aucun ressortissant d’Afrique centrale n’a occupé le poste de président de la BAD depuis sa création. D’où les appels des dirigeants de la région à ce que la règle tacite d’alternance géographique bénéficie à la région et donc à l’élection du Tchadien.
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Abbas Mahamat Tiolli est diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) de Paris et de l’Université de Québec. Au Tchad, il a occupé plusieurs fonctions: directeur de cabinet civil de la présidence, directeur des douanes et des droits indirects, ministre des Finances à 33 ans puis ministre des Infrastructures et équipements. Il fut aussi président de la Beac, de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) et secrétaire général de la Cobac, le gendarme bancaire de la Cemac.
Afrique Nord, Afrique de l’Est et Maghreb
D’autres candidatures peuvent surgir, notamment en Afrique du Nord et en Afrique de l’Est. Au Maghreb, l’Algérien Rabah Arezki, ancien économiste en chef de la BAD, préparerait sa candidature pour le poste. Il attendrait le feu vert des autorités algériennes. Aucun candidat d’Afrique de l’Est ne s’est manifesté pour le moment.
Pour être le 10e président de la BAD et le 9e élu (le malawite Goodall Gondwe ayant assuré l’intérim d’août 1979 à mai 1980, après la démission du Ghanéen Kwame Donkor Fordwor en juillet 1979), il faudra obtenir les voix des autres pays et/ou organisations régionales.
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À noter que c’est le Conseil des gouverneurs qui élira le successeur d’Adesina le 29 mai 2025 durant son assemblée annuelle qui se tiendra du 26 au 30 mai 2025. Ce Conseil comprend les gouverneurs des 81 membres de la BAD dont 54 régionaux (pays africains) et 27 non régionaux (États-Unis, Canada, Japon, Corée du Sud, Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine, Inde, Brésil, Arabie Saoudite…).
Pour être élu président de la BAD, le candidat doit recueillir deux majorité des suffrages exprimées: 50,01% des pouvoirs de vote des 81 membres de l’institution et 50,01% des membres régionaux (pays africains). Chaque pays dispose d’un droit de vote en fonction de sa participation au capital de la BAD. C’est dire que l’élection se base sur des droits de vote des pays africains et non africains relativement. Autrement dit, plus un pays a souscrit au capital de la BAD, plus il pèse au moment du vote. Le Nigeria est le premier actionnaire de la BAD avec 9,25% du capital et des droits de vote. Le soutien du Nigeria est donc très sollicité.
Une chose est sure, quel que soit le candidat qui sera élu, il héritera d’une institution financière solide notée «AAA» par toutes les grandes agences de notation: Standard& Poor’s, Fitch, Moody’s.