Services publics: voici les 10 champions d’Afrique selon la BAD

L'Indice de fourniture des services publics (PSDI) de la BAD, boussole des réformes en matière de services publics, révèle le top 10 africain et les chantiers prioritaires.

Le 30/06/2025 à 12h29

Un premier rapport de la Banque africaine de développement (BAD) évalue les systèmes de services publics en Afrique. Il en ressort, que la plupart des pays du continent peinent à offrir des services publics de qualité en témoignent les 54,61 points qui séparent l’Afrique de l’excellence.

En marge de ses Assemblées annuelles 2025, la Banque africaine de développement (BAD) a dévoilé un instrument inédit pour mesurer l’efficacité des États: l’Indice de fourniture des services publics (PSDI). Cet outil phare, combinant données objectives et perception citoyenne, établit le premier classement continental des pays selon leur capacité à délivrer des services essentiels. En tête du palmarès, 10 pays se démarquent: Maurice, Égypte et Afrique du Sud.

Conçu comme un outil stratégique pour mesurer l’efficacité des États, le PSDI évalue rigoureusement la performance des gouvernements africains au travers de cinq dimensions fondamentales, parfaitement alignées sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les priorités «High 5» de la Banque africaine de développement:

«Energie et électricité», se concentre sur l’accès durable à l’électricité, le déploiement des énergies renouvelables et la garantie de la sécurité environnementale.

«Souveraineté Alimentaire», évalue l’accès des populations à une alimentation nutritive, le développement efficace des chaînes de valeur agricoles et les stratégies de lutte contre la faim.

«Intégration régionale», examine les progrès en matière de liberté de circulation des personnes et biens, la facilitation effective du commerce intra-africain et l’attractivité pour les investissements directs étrangers (IDE).

«Industrialisation», analyse la qualité de l’environnement des affaires, le développement des infrastructures industrielles et la génération de valeur ajoutée manufacturière.

«Inclusion socioéconomique», mesure l’accès équitable aux services essentiels que sont l’éducation, la santé, l’eau et l’assainissement, l’adoption des technologies numériques, ainsi que les progrès en matière d’équité sociale et de sécurité citoyenne.

Basé sur 100 indicateurs secondaires et une enquête de perception auprès des ménages dans 49 pays, le PSDI révèle un score moyen continental préoccupant de 45,39 sur 100, qui indique que le continent a atteint 45,39% de la performance idéale.

L’écart à combler, de 54,61 points, souligne l’ampleur des défis, particulièrement criants dans les sous-secteurs des infrastructures industrielles (écart de 71,23), du développement des chaînes de valeur agricoles (69,49), de la liberté de circulation (62,43) et de l’éradication de l’extrême pauvreté (60,76).

Le Top 10 continental

Malgré ce tableau continental en demi-teinte, plusieurs nations se distinguent par leurs performances globales. Voici les 10 champions de la prestation de services publics en Afrique selon le PSDI 2024.

En tête du classement, Maurice (59,96 sur 100) capitalise sur ses forces en inclusion socioéconomique, énergie/électricité et industrialisation, bien que l’analyse souligne ses lacunes en souveraineté alimentaire et intégration régionale, signalant des marges de progression.

L’Égypte (58,99 sur 100), deuxième, affiche une robustesse dans les secteurs infrastructurels et énergétiques, consolidant son statut économique continental.

L’Afrique du Sud (58,89), troisième, s’appuie sur un tissu industriel et des infrastructures matures, malgré des disparités sectorielles internes. Le Sénégal (56,62 sur 100), quatrième, illustre, quant à lui, des avancées notables dans la fourniture de services publics, probablement portées par des réformes ciblées et une stabilité politique.

Le Ghana (55,74 sur 100), cinquième, reflète des efforts multisectoriels soutenus, bien que confronté à des défis persistants.

Avec un score de 55,22 sur 100, le Maroc se classe au sixième rang continental du PSDI, position reflétant l’exploitation stratégique de ses atouts structurels historiques. Le royaume capitalise notamment sur des investissements soutenus dans les infrastructures (réseaux routiers, ports, logistique), une industrialisation dynamique portée par des zones économiques spécialisées et une valeur ajoutée manufacturière compétitive, ainsi qu’une transition énergétique ambitieuse marquée par le déploiement de parcs solaires et éoliens (énergie). Toutefois, cette performance globale masque des disparités sectorielles significatives.

Le score modéré révèle des lacunes persistantes dans d’autres dimensions clés de l’indice, notamment la souveraineté alimentaire (vulnérabilité aux aléas climatiques et dépendance aux importations céréalières) et l’inclusion socioéconomique (accès inégal aux services éducatifs et sanitaires dans les zones rurales, taux de participation féminine au marché du travail).

Ces faiblesses, communes à la plupart des économies africaines où aucun pays n’atteint 60/100 dans ces secteurs, soulignent la nécessité de politiques ciblées pour renforcer la résilience agricole et l’équité territoriale, afin de concrétiser le potentiel de croissance inclusive du pays.

Les Seychelles (54,87 sur 100) septième, présentent une dichotomie frappante : leader continental en inclusion socioéconomique (75,79), elles accusent un retard critique en souveraineté alimentaire (40,54), révélant la vulnérabilité des économies insulaires.

La Tunisie (53,68 sur 100), huitième malgré un contexte économique difficile, maintient une administration publique structurée lui permettant de figurer dans ce top 10.

Eswatini (53,20 sur 100) neuvième démontre, pour sa part, que la taille réduite d’un pays ne constitue pas un obstacle à l’efficacité des services. Enfin, la Côte d’Ivoire (52,35 sur 100), dixième, pays hôte des Assemblées annuelles de la BAD, clôt ce palmarès, témoignant d’une dynamique positive de reconstruction post-crise et de développement institutionnel.

Au-delà du classement

La force du PSDI réside dans sa capacité à diagnostiquer les forces et les faiblesses par secteur et par pays. «Aucun pays ne dépasse de loin les autres dans tous les secteurs», souligne le rapport. Ainsi, le Kenya, bien que non dans le top 10 global, se classe 2ème sur le continent pour l’Énergie et l’Électricité (72,04), mais seulement 37,71 pour l’Industrialisation.

Le Dr Akinwumi A. Adesina, président du Groupe de la BAD, a martelé lors du lancement de l’Indice la philosophie sous-jacente au PSDI et au futur prix associé (dont la première édition est prévue en 2027). «Nos services publics doivent être responsables de la construction d’un capital social et doivent être récompensés en fonction de leur capacité à le faire», dit-il. Il insiste sur le lien intrinsèque entre secteur public performant et développement du privé. «Vous ne pouvez avoir le secteur privé que vous souhaitez que si le secteur public fournit les biens publics critiques qui lui permettent de prospérer».

Le professeur Kevin Urama, Économiste en chef de la BAD, a quant à lui rappelé que le PSDI fournit «un cadre pour suivre les progrès» vers les grands objectifs continentaux et mondiaux.

Ainsi, la publication du premier PSDI marque une étape cruciale pour la gouvernance et le développement en Afrique. En désignant les champions continentaux– Maurice, l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Ghana, le Maroc, les Seychelles, la Tunisie, Eswatini et la Côte d’Ivoire– mais surtout en révélant avec précision les écarts de performance sectoriels pour chaque pays, la BAD offre aux gouvernements, aux partenaires techniques et financiers, et à la société civile, un outil pour cibler les investissements, renforcer les capacités et piloter les réformes. La création du Prix de la Fourniture des Services Publics en 2027 ajoutera une dimension incitative supplémentaire.

L’objectif est clair: combler l’écart de 54,61 points et permettre aux Africains de bénéficier pleinement des services publics de qualité qui sont le fondement du développement inclusif et durable. Le chemin est long, mais la boussole est désormais disponible.

Le top 10 des pays par score PSDI global

RangPaysScore PSDI global (sur 100)
1erMaurice 59,96
2èmeÉgypte 58,99
3èmeAfrique du Sud 58,89
4èmeSénégal 56,62
5èmeGhana55,74
6èmeMaroc55,22
7èmeSeychelles 54,87
8èmeTunisie 53,68
9èmeEswatini53,20
10èmeCôte d’Ivoire 52,35

Source : BAD.

Par Modeste Kouamé
Le 30/06/2025 à 12h29