Sucre: grands consommateurs, faibles producteurs, les pays africains prennent goût aux importations

Du sucre brun.

Le 29/05/2024 à 10h26

L’Afrique, riche en ressources naturelles, demeure confrontée à d’importants défis dans le secteur sucrier. Les dernières prévisions du département de l’agriculture des États-Unis (USDA) mettent en lumière les enjeux auxquels le continent doit faire face en matière de production, de consommation et d’échanges commerciaux dans le secteur.

Malgré son immense potentiel pour la production de canne à sucre et de betterave sucrière, les pays africains restent fortement dépendants des importations de sucre pour répondre à une demande intérieure croissante. L’Afrique peine à assurer son autosuffisance. Selon le récent rapport «Sugar: World Markets and Trade» du département américain de l’agriculture, plusieurs pays africains figurent parmi les principaux importateurs mondiaux de ce produit.

Face à cette équation délicate entre une production limitée et une consommation en hausse, de nombreux pays africains affichent un déficit commercial chronique. Selon les chiffres de l’USDA, l’Algérie, le Maroc, le Soudan, l’Éthiopie et le Nigéria sont les principaux importateurs nets de sucre en Afrique.

L’Algérie, plus gros demandeur du continent

L’Algérie se classe au huitième rang mondial des importateurs de sucre, et premier africain avec 1,942 million de tonnes importées en 2023-24. Les prévisions de l’USDA tablent sur des importations de 1,945 million de tonnes pour la campagne 2024-25. Malgré les efforts pour développer la filière betteravière locale, la production nationale reste marginale face à une consommation intérieure soutenue par la croissance démographique et l’essor des industries agroalimentaires. Cette dépendance aux importations affecte la balance commerciale et la sécurité alimentaire du pays.

Le Nigéria, un géant aux pieds d’argile

Avec 1,930 million de tonnes de sucre importées en 2023-24, le Nigéria est le neuvième importateur mondial et deuxième africain. Ce pays dispose pourtant d’un vaste potentiel pour la culture de la canne à sucre, notamment dans les régions du nord. Cependant, le manque d’investissements, les défis logistiques et l’insécurité entravent le développement de cette filière stratégique.

Le Nigéria dépense ainsi des milliards pour importer une denrée qu’il pourrait produire localement. Les prévisions de l’USDA tablent sur des importations de 1,820 million de tonnes pour la campagne 2024/25.

Le Maroc, entre autosuffisance et importations

Producteur historique de sucre de canne et de betterave, le Maroc a réussi à atteindre une quasi-autosuffisance dans les années 1990. Toutefois, la hausse de la consommation intérieure a conduit à une augmentation des importations, qui ont atteint 1,742 million de tonnes en 2023-24, selon les chiffres remontés par l’USDA. Ainsi, le Royaume se voit classé douzième importateur mondial et troisième africain. Le Maroc mise désormais sur une stratégie de développement durable de la filière sucrière, en privilégiant les variétés plus résistantes à la sécheresse. Les prévisions de l’USDA tablent sur des importations de 1,752 million de tonnes pour la campagne 2024-25. Donc une légère hausse des importations.

Le Soudan, une dépendance aggravée par les conflits

Autrefois exportateur de sucre de canne, le Soudan est aujourd’hui un importateur net, avec 1,354 million de tonnes importées en 2023-24. Les prévisions de l’USDA tablent sur le même volume d’importation pour la campagne 2024-25. Les conflits armés récurrents, la dégradation des infrastructures et le manque d’investissements dans la filière sucrière ont fortement entravé la production locale.

Le Soudan doit importer pour répondre à une demande intérieure en hausse constante, menaçant sa sécurité alimentaire. Selon les chiffres de l’USDA, il est aujourd’hui le seizième plus gros importateur mondial et quatrième africain.

L’Égypte, gros importateur malgré une production nationale en hausse

Malgré une production nationale en hausse, atteignant 2,6 millions de tonnes en 2023-24, l’Égypte reste un importateur net de sucre, avec 1,06 million de tonnes importées la même année. La forte demande intérieure, stimulée par l’essor des industries agroalimentaires et une population en croissance, dépasse les capacités de production locales. Le pays du Nil cherche à renforcer sa souveraineté alimentaire en développant des variétés de canne à sucre plus productives et résistantes au stress hydrique. Selon les chiffres de l’USDA, il est aujourd’hui le dix-septième plus gros importateur mondial et cinquième africain. Les prévisions de l’USDA tablent sur une hausse des importations pour s’établir à 1,130 million de tonnes pour la campagne 2024/25.

Une demande continentale croissante

Parallèlement, la consommation de sucre en Afrique connaît une hausse constante, tirée par la croissance démographique, l’urbanisation rapide et l’évolution des habitudes alimentaires. L’Égypte (3,570 millions de tonnes en 2023-24), l’Algérie (1,869 million), le Soudan (1,853 million), l’Afrique du Sud (1,700 million) et le Maroc (1,557 million) sont les principaux consommateurs africains de sucre.

Cette demande intérieure croissante exerce une pression supplémentaire sur les pays importateurs nets de sucre, les contraignant à augmenter leurs approvisionnements extérieurs. Le rapport de l’USDA prévoit que la demande intérieure de l’Égypte augmente à 3,600 millions de tonnes en 2024-25, celle de l’Algérie stagne à 1,86 million de tonnes, et que celle du Soudan baisse légèrement à 1,812 million de tonnes. Pour l’Afrique du Sud, le rapport de l’USDA table sur une demande intérieure en légère contraction à 1,620 million de tonnes en 2024-25, et connaisse une hausse au Maroc à 1,597 million de tonnes.

Une dépendance grandissante

Il faut dire que le déséquilibre entre l’offre et la demande intérieures des pays africains a des implications profondes sur la sécurité alimentaire, la balance commerciale et la dépendance vis-à-vis des marchés internationaux. Il souligne également l’urgence de mettre en place des stratégies visant à stimuler la production locale et à promouvoir des modes de consommation plus durables.

Malgré leur potentiel agronomique favorable, ces nations peinent à valoriser leurs avantages comparatifs en raison de défis structurels, climatiques et sécuritaires.

Pour inverser cette tendance, des efforts concertés sont nécessaires pour stimuler les investissements dans la production sucrière locale, moderniser les infrastructures, développer des variétés plus performantes et résistantes, et renforcer la formation et l’encadrement des producteurs.

Quelques pays se distinguent par leur production

Seuls quelques pays se distinguent par une production notable, à l’instar de l’Egypte (2,760 millions de tonnes pour la campagne 2022/23, 2,600 millions de tonnes pour la campagne 2023/24 et des prévisions de 2,7 millions de tonnes pour celle de 2024/25), ou encore l’Afrique du Sud (1,996 million de tonnes pour la campagne 2022/23, 2,075 millions de tonnes pour la campagne 2023/24 et des prévisions de 2,111 millions de tonnes pour 2024/25).

Cependant, ces chiffres restent modestes comparés aux grands producteurs mondiaux comme le Brésil (38,050 millions de tonnes en 2022-23, 45,544 millions de tonnes en 2023-24 et des prévisions de 44 millions de tonnes pour 2024/25) ou l’Inde (37 millions de tonnes lors de la campagne 2022-23, 34 millions de tonnes en 2023-24 et des prévisions de 34,5 millions de tonnes pour 2024/25).

Par Modeste Kouamé
Le 29/05/2024 à 10h26