Devancée pour la première fois en 2024 par le Maroc en tant que première destination touristique africaine, l’Égypte compte reprendre son rang et surtout insuffler une nouvelle dynamique à son tourisme. Et pour cela, le Caire s’est fixé des objectifs ambitieux pour les quatre prochaines années.
En 2024, le pays des pyramides a accueilli 15,8 millions de touristes, un nombre record pour le pays. L’ambition est de porter ce nombre à 30 millions en 2028. Un objectif plus qu’ambitieux que d’aucuns jugent impossible à réaliser. Avec ce challenge et les moyens qui sont mis en œuvre, le pays vise à se positionner comme une destination mondiale de premier plan.
Pour atteindre cet objectif, le pays des pharaons dispose sur plusieurs leviers. Les autorités misent sur un accès simplifié à son territoire, un accueil modernisé, des démarches administratives plus fluides, des hébergements de qualité, des produits touristiques diversifiés…
Le Grand Musée du Caire, fer de lance des nouvelles ambitions
L’Égypte investit massivement dans son écosystème touristique en accordant une place fondamentale à ses produits touristiques, notamment le culturel et le balnéaire qui sont à l’origine de l’essentiel du flux des visiteurs. Pour y parvenir, le Caire compte sur la nouvelle offre touristique que constituera le Grand musée égyptien de Gizeh, au Caire.
Ce musée ultra contemporain, construit près des pyramides de Gizeh est le plus grand musée au monde consacré à une seule civilisation. Ce musée, construit sur 500.000 mètres carrés, présentera l’Histoire de l’Égypte, de l’Antiquité à l’époque romaine rassemble plus de 50.000 statues dont celle du roi Ramsès, des sarcophages et objets de l’époque des pharaons, dont le célèbre trésor du roi Toutankhamon.
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Avec des sites comme La Vallée des Rois, le Temple de Karnak, l’ancien Musée du Caire, le Musée national de la civilisation égyptienne où sont exposés les momies royales, le Grand Musée égyptien devrait améliorer l’offre du tourisme culturel du pays des Pharaons dont le patrimoine, vieux de 7000 ans, en fait l’un des pays les plus fascinants au monde.
C’est pourquoi l’inauguration officielle a été repoussée à plusieurs reprises et pour diverses raisons: Covid-19, crises économiques et bouleversements politiques. La dernière date retenue pour son inauguration, le 3 juillet prochain, a été repoussée au dernier trimestre 2025 à cause des tensions géopolitiques régionales. Ce sera un évènement qui va dépasser celui du «Défilé doré» des momies royales.
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«Au vu de la situation actuelle dans la région, nous avons estimé qu’il serait approprié de reporter cette grande célébration afin qu’elle bénéficie de l’ampleur mondiale qu’elle mérite et pour qu’elle puisse se dérouler dans des conditions adaptées», a déclaré, le 28 juin, le Premier ministre Moustafa Madbouly.
Des visas électroniques d’urgence
L’un des axes majeurs sur lequel repose la stratégie égyptienne est la simplification des procédures d’entrée sur le territoire aux voyageurs étrangers. Depuis décembre 2017, l’Égypte propose un service de visa électronique aux ressortissants de 78 pays leur permettant d’obtenir une autorisation en ligne sans être obligés se rendre dans une ambassade ou un consulat.
L’Egypte a prolongé, jusqu’en avril 2026, le visa de transit gratuit de 96 heures introduit en 2023, afin d’attirer davantage de visiteurs. Ce dispositif permet aux touristes internationaux en escale avec les compagnies égyptiennes (EgyptAir, Air Cairo, Nil Air…) de sortir de l’aéroport pour visiter le pays durant quatre jours, sans frais ni demande de visa préalable. Ce type de visa encourage les courts séjours et augmente les dépenses touristiques locales.
Afin de faciliter davantage l’accès du pays aux touristes, l’Égypte prépare la délivrance du visa électronique d’urgence à l’arrivée. Ce nouveau dispositif permettra au touriste de disposer d’un visa à l’arrivée en quelques clics. Ce visa pourra être obtenu via des bornes automatiques installées dans les aéroports, une plateforme en ligne ou une application mobile dédiée.
Ce nouveau dispositif permet aux voyageurs éligibles qui n’ont pas pu obtenir leur visa à l’avance de faire leur demande sur place, en seulement quelques minutes, réduisant délais et formalités.
En 2024, le pays des pyramides a accueilli 15,8 millions de touristes, un nombre record pour le pays. L’ambition est de porter ce nombre à 30 millions en 2028.. DR
Il sera déployé en phase pilote à l’Aéroport international du Caire avant d’être progressivement élargi à sept autres aéroports avant sa généralisation aux 14 aéroports internationaux.
Cette mesure audacieuse qui repose sur un système à la pointe de la technologie vise à moderniser le contrôle aux frontières et à améliorer l’expérience aéroportuaire, notamment pour les touristes qui n’ont pas pu obtenir leur visa avant leur voyage.
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Ce visa devrait être accessible aux ressortissants des 78 pays déjà éligibles au programme de visa électronique standard en vigueur depuis 2017. Il s’agit des ressortissants des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni, d’Australie, du Japon, de la Corée du Sud, des ressortissants de l’Union européenne et ceux des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG)….
Extensions et modernisation des aéroports
Le premier contact entre le touriste et le pays à visiter étant l’aéroport, les autorités égyptienne se sont engagées à moderniser et à étendre les siens dont les 12 internationaux.
C’est le cas particulièrement de l’aéroport international du Caire, le plus fréquenté d’Afrique en termes de capacité de traitement des passagers. Cette infrastructure va se doter d’un nouveau terminal de 30 millions de passagers. L’extension porte sur la construction d’un nouveau terminal, d’aérogares et autres installations afin de doubler la capacité d’accueil à hauteur de 60 millions de passagers. Cette extension sera opérationnelle à l’horizon 2027. D’autres aéroports du pays connaitront des travaux du même genre.
En ce qui concerne la modernisation des aéroports, l’Egypte mise sur le déploiement de systèmes intelligents de traitement des bagages et une surveillance par IA pour réduire les mauvaises manipulations et améliorer le flux de passagers.
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Ces améliorations visent à rationaliser les opérations d’enregistrement et de gestion des bagages, réduire les erreurs de traitement et améliorer le suivi à temps réel de millions de touristes.
L’offre aérienne locale déploie ses ailes
Parallèlement, l’Égypte compte accroître la connectivité du pays afin d’assurer un flux croissant de visiteurs. Pour cela, le pays compte d’abord sur ses compagnies aériennes. EgyptAir, seconde compagnie aérienne d’Afrique en termes de flotte avec 81 destinations internationales, sa filiale Air Cairo avec 52 destinations internationales, Nile Air et ses 22 destinations internationales… vont jouer des rôles importants pour connecter davantage le pays au reste du monde, notamment aux grands pays émetteurs de touristes. Ces compagnies multiplient les renforcements et les lancements de nouvelles liaisons aériennes vers les pays émergents.
Pharaons, pyramides et bien plus encore
Pour attirer davantage de touristes, l’Egypte compte sur la promotion de sa destination au-delà des sites traditionnels, en incluant les stations balnéaires, l’écotourisme et les voyages d’aventure.
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Ainsi, le Caire a multiplié ces dernières années les campagnes de promotion dont «Living 365» ciblant les voyageurs du Golfe et des pays arabes, «Follow the Sun» qui cible 500 millions de personnes dans le monde…
Le pays a également participé à 33 salons internationaux du tourisme en 2023-2024 et organisé 80 voyages de familiarisation animés par des influenceurs ont renforcé la présence numérique de la destination Egypte. Autant d’initiatives qui ont permis à l’Egypte de gagner 22 places dans l’Indice de développement du tourisme et des voyages 2024 du Forum économique mondial passant du 83e rang en 2015 à la 61e en 2024.
250.000 chambres d’hôtel supplémentaires
Pour faire face à l’ambition de doublement du trafic de touristes sur la période 2024-2028, l’Égypte compte développer ses infrastructures touristiques, notamment hôtelières. Disposant 220.000 chambres d’hôtel à fin 2023, ce pays d’Afrique du Nord compte plus que doubler ses capacités d’hébergement. L’objectif du nouveau plan hôtelier est de créer 250.000 nouvelles chambres sur la période à l’horizon 2028.
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À ce titre, en plus de la création et de l’extension des unités hôtelières, l’Égypte compte développer de grands sites touristiques dédiés comme la transformation de la côte nord en zones touristiques avec notamment le pôle Sidi Heneish, Ras El Hikma, Al maza Bay. Dans ces nouvelles villes modernes, les pôles touristiques sont importants avec des composantes hôtelières et de loisirs conséquentes.
Pour atteindre l’objectif fixé, les autorités ont mis en place des mesures incitatives pour attirer les investisseurs locaux et étrangers dans la construction de nouveaux hôtels. En juillet 2024, l’État égyptien a alloué 50 milliards de livres égyptiennes pour soutenir le secteur du tourisme par la construction et l’exploitation de nouvelles chambres d’hôtel. Les pays du Golfe et les grandes chaines hôtelières mondiales semblent conquis.
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Les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Koweït investissent massivement dans le secteur du tourisme égyptien. Les grandes chaînes hôtelières mondiales comme Marriott International, Hilton, Radisson Hotel Group, Accor, IHG… y multiplient également les investissements hôteliers.
Le pays compte 143 hôtels et complexes hôteliers en cours de réalisation, soit 25% des projets hôteliers et 32,48% des chambres en cours de réalisation en Afrique, selon le rapport de W Hospitality Group, intitulé «Hotel Chain Development Pipelines in Africa 2025». À titre d’exemple, Hilton qui exploite actuellement 14 hôtels en Egypte y développe actuellement 20 autres dont le futur Hilton Cairo Nile Maadi.
Grâce à tous ces leviers, l’Égypte peut atteindre cet objectif ambitieux. En attendant, pour l’année en cours, l’Égypte table sur une croissance des arrivées de 6% pour atteindre 16,8 millions de visiteurs à fin 2025. Et à partir de 2026, le secteur devrait connaître une certaine accélération surtout si les tensions géopolitiques au niveau de la région s’estompaient.
L’intérêt accordé au secteur touristique s’explique par le fait que celui-ci contribue à environ 12% du PIB et joue un rôle essentiel dans la génération de devises et la création d’emplois.