Les transferts des migrants dans le monde devraient croître de 3,8% 2023, comparativement à l’année précédente, selon les projections de la Banque mondiale. Cette légère augmentation cache en réalité un ralentissement des transferts des migrants, après des années de fortes hausses.
En Afrique, l’année qui s’achève devrait marquer la fin de la hausse des transferts de fonds des migrants à destination du continent. Selon les projections, le volume des transferts devrait atteindre 95 milliards de dollars. Toutefois, ces transferts devraient être inégalement répartis. Les dix plus grands bénéficiaires concentrent 81,90% du volume des transferts. Ces derniers, pris globalement, ont reculé de -3,73% à 77,70 milliards de dollars, contre 80,60 milliards de dollars en 2022.
En effet, l’Afrique subsaharienne devrait voir le volume de ses transferts croitre de 1,9% à 54 milliards de dollars. Les plus fortes hausses seront enregistrées par le Mozambique (48,5 %), le Rwanda (16,8 %) et l’Éthiopie (16 %). Parmi les gros bénéficiaires, les transferts vers le Nigeria vont augmenter de 2% pour atteindre 20,50 milliards de dollars et ceux du Sénégal de 16%.
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Dans cette région, outre le Nigeria, les plus grands bénéficiaires des transferts de la diaspora sont le Ghana (4,9 milliards de dollars), le Kenya (4,2 milliards), le Zimbabwe (3,1 milliards), le Sénégal (2,9 milliards), la RDC (1,4 milliard) et l’Ouganda (1,3 milliard), le Mali (1,2 milliard) et le Soudan (1 milliard).
Cependant, au niveau de cette région, le volume des transferts est loin de refléter la réalité. En effet, une grande partie des transferts des diasporas de cette région se font via des canaux parallèles.
Outre le développement des canaux de transferts parallèles, les coûts des transferts à destination du continent sont élevés. Selon la Banque mondiale, «les tarifs demeurent élevés, avec un coût moyen de 6,2% pour l’envoi de 200 dollars (données disponibles au 2 trimestre 2023)», ajoutant que «les banques restent les intermédiaires les plus coûteux (avec un coût de 12,1% en moyenne), suivis par les bureaux de poste (7%), les opérateurs de transfert de fonds (5,3%) et les opérateurs de services mobiles (4,1%)».
Au niveau de l’Afrique du Nord, les transferts ont baissé pour s’établir à 40,80 milliards de dollars. Cette baisse est le fait essentiellement de l’Egypte, premier bénéficiaire des transferts des migrants, au niveau du continent.
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Selon les prévisions de la Banque mondiale, ces transferts devraient diminuer d’environ 15% en 2023 pour descendre à 24,2 milliards de dollars. A noter que durant le premier semestre, selon les données de la Banque centrale d’Egypte, les transferts de fonds de la diaspora égyptienne ont chuté de 38% à 10 milliards de dollars, contre 16,3 milliards de dollars un an plus tôt, atteignant le plus bas niveau de transfert du pays depuis de nombreuses années. Vu le poids de l’Egypte, qui représentait environ le tiers des transferts de fonds à destination de l’Afrique, la baisse de ce marché impacte négativement celui du continent.
Cette baisse des transferts sur le marché égyptien est toutefois à relativiser et s’explique essentiellement par la forte chute des envois de fonds par le biais des canaux officiels. Une situation qui s’explique par l’écart important entre les taux de change officiels et parallèles du fait des fortes dévaluations de la livre égyptienne en début d’année. Cet écart pousse certains membres de la diaspora égyptienne à opter pour les canaux parallèles et bénéficier des taux de change plus avantageux sur le marché noir.
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Une situation pareille est constatée depuis des années en Algérie où le différentiel du taux de change entre le marché officiel et le parallèle est tellement élevé que la diaspora algérienne préfère utiliser les canaux parallèles en transférant les devises au pays pour les échanger au niveau du Square Port Said d’Alger à des taux très avantageux comparativement à ceux des banques. En conséquence, le volume des transferts de la diaspora algérienne est faible au niveau des statistiques officielles, mais ne reflète pas la réalité.
A cause de la baisse enregistrée sur le marché égyptien, les transferts au niveau de la région Afrique du Nord & Moyen Orient ont baissé de -5,3%. Toutefois, au niveau de la région, les transferts à destination du Maroc devraient augmenter de 8,03% à 12,1 milliards de dollars. Une situation qui s’explique grandement par l’importance du recours de la diaspora aux canaux officiels, notamment via les banques marocaines implantées en Europe. Si les transferts de la diaspora algérienne devraient rester identiques à ceux de l’année dernière à 1,8 milliard de dollars, ceux de la Tunisie vont baisser de -12,90 % à 2,7 milliards de dollars.
Les 10 premiers pays africains bénéficiaires des transferts des migrants
Pays | Projections 2023 (dollars) | Transferts 2022 (dollars) | Var 2023/2022 (%) |
---|---|---|---|
Egypte | 24,20 milliards | 28,30 milliards | -14,48% |
Nigeria | 20,50 milliards | 20,10 milliards | 2,00% |
Maroc | 12,10 milliards | 11,20 milliards | 8,03% |
Ghana | 4,90 milliards | 4,70 milliards | 4,25% |
Kenya | 4,20 milliards | 4,10 milliards | 2,44% |
Zimbabwe | 3,10 milliards | 3,10 milliards | 0% |
Sénégal | 2,90 milliards | 2,5 milliards | 16,00% |
Tunisie | 2,7 milliards | 3,1 milliards | -12,90% |
Algérie | 1,80 milliards | 1,8 milliards | 0% |
RDC | 1,40 milliards | 1,70 milliards | -17,65% |
Total | 77,70 milliards | 80,6 milliards | -3,73% |
Source: Banque Mondiale
A noter que les transferts de fonds des migrants ont des impacts indéniables sur les économies africaines. Ils constituent des sources de revenu pour de nombreuses familles restés sur le continent et contribue aux dépenses quotidiennes de nombreuses familles. De même, ces transferts contribuent à la réalisation de nombreux projets sociaux et de développement dans plusieurs villages.
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Au niveau macro-économique, ces transferts contribuent fortement à l’amélioration du niveau des réserves de change de nombreux pays du continent. A titre d’illustration, ceux-ci représentent la seconde source de devises de l’Egypte, après les exportations, devant le tourisme et les recettes générées par le trafic du canal de Suez. Ainsi, pour certains petits pays du continent, le volume des transferts des migrants représente une proportion importante par rapport à leur Produit intérieur brut (PIB). Ainsi, pour la Gambie, le volume des transferts pèse l’équivalent de 26,3% du PIB. Il représente 21,5% de celui du Lesotho, 20,6% des Comores, 18,4% du Liberia et 12,2% du Cap vert. Pour les grands pays du continent, comme le Maroc, ces transferts représentent jusqu’à 8% du PIB. C’est dire l’importante de ces transferts sur les économies africaines.