Transferts des migrants: voici les 10 premiers bénéficiaires en Afrique, selon la Banque mondiale

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Le 05/07/2024 à 10h37

Le continent africain a bénéficié de 80,60 milliards de dollars de transferts d’argent de la part de sa diaspora installée dans les quatre coins du monde, un volume en forte baisse d’environ 17% à cause particulièrement de la chute des transferts effectués par la diaspora égyptienne. Ces fonds ont des impacts positifs sur les économies africaines comme en atteste la proportion du Produit intérieur brut (PIB) qu’ils représentent dans certains pays, mais aussi en tant que source de devises et de soutien aux familles bénéficiaires.

Selon la Note d’information de la Banque mondiale sur les migrations et le développement, les transferts des migrants vers les pays à revenu faible et intermédiaire ont marqué le pas en 2023 en affichant une modeste augmentation de 0,7%, à 656 milliards de dollars

Toutefois, au niveau du continent africain, ces transferts ont affiché un net recul de 16,90%, à 80,60 milliards de dollars, contre 97,5 milliards de dollars en 2022. Une forte baisse à relativiser sachant qu’elle est surtout le fait essentiellement d’un pays, l’Egypte, dont les transferts ont chuté de 45,13%, tombant de 28,30 milliards de dollars à 19,5 milliards de dollars. En plus, ces chiffres sont loin de refléter la réalité car de gros montants passent par des circuits parallèles, notamment en Afrique subsaharienne, et ne sont donc pas répertoriés par les statistiques officielles. C’est dire que le volume des transferts de la diaspora africaine est biaisé et est loin de refléter le montant réel des transferts des migrants africains.

Concernant les transferts par région, ceux à destination de l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Soudan et Djibouti) totalisent un volume de 36 milliards de dollars en 2023, en chute de 19,10%. Hormis le Maroc et l’Algérie où les transferts ont enregistré des hausses, tous les autres pays de la région ont enregistré des reculs.

La plus importante est celle enregistrée par l’Egypte avec une chute des transferts de sa diaspora forte de plus de 10 millions d’Egyptiens vivant à l’étranger, de 30,85% à 19,5 milliards de dollars en 2023, contre 28,30 milliards de dollars en 2022. Toutefois, cette chute doit être relativisée. Selon la Banque mondiale, «il est probable que les envois de fonds ont été détournés vers des canaux non officiels étant donné le large écart entre les taux de change des monnaies sur les marchés des changes officiel et parallèle». En effet, la grave crise de devises qu’a connue le pays en 2023 a entrainé le développement d’un marché de change parallèle où le taux de change était presque le double de celui du marché officiel. Une situation qui a poussé nombre d’Egyptiens vivant à l’étranger à opter pour ce marché parallèle qui gonfle très fortement les revenus transférés au pays en monnaie locale. Alors que le taux de change était de 1 dollar pour 30 livres égyptiennes sur le marché officiel, au niveau du marché parallèle, ce même dollar offrait jusqu’à 70 livres. Cette prime de change de 40 livres faisait que des montants importants transférés par la diaspora ne passaient plus par les canaux officiels et donc n’étaient plus enregistrés par la Banque centrale d’Egypte. D’où cette forte chute des transferts enregistrés par les canaux officiels.

Au niveau de la région, le volume des transferts de la diaspora marocaine a augmenté de 5,36% à 11,8 milliards de dollars, représentant l’équivalent de 8,2% du PIB du royaume. Contrairement aux autres pays, au Maroc, la quasi-totalité des transferts passent par des canaux officiels, grâce notamment à l’absence d’un marché parallèle et au développement du marché bancaire avec des banques marocaines présentes dans les pays d’accueil de cette diaspora.

Les transferts des migrants algériens ont connu une hausse de 5,55% à 1,9 milliard de dollars. Toutefois, ce volume est fortement minoré par le fait qu’une grande partie des transferts de la diaspora de ce pays maghrébin emprunte les voies parallèles à cause d’un différentiel de change important entre le marché des devises officiel et parallèle de Square Port Said. Alors que le taux de change dinar-euro est de 1 euro pour 145 dinars sur le marché officiel, ce même euro pourra rapporter 240 dinars algériens sur le marché parallèle. Partant de cette prime de change offerte par le marché parallèle, une grande partie de la diaspora algérienne préfère passer par ce marché pour gonfler le montant de ses transferts en monnaie locale.

En ce qui concerne la Tunisie, le volume des transferts de sa diaspora a fortement chuté, selon les données de la Banque mondiale, de 17% à 2,7 milliards de dollars.

Au niveau de la région Afrique subsaharienne, les transferts se sont établis à 54 milliards de dollars, en léger recul de -0,3%. C’est le Nigeria qui trône, à côté de l’Egypte, au sommet des transferts du continent avec un volume de 19,5 milliards de dollars, en recul de 3%, suivi du Ghana (4,6 milliards de dollars), du Kenya (4,2 milliards de dollars), du Zimbabwe (3,1 milliards de dollars), du Sénégal (2,9 milliards de dollars), de la RDC (1,4 milliard de dollars), de l’Ouganda (1,3 milliard de dollars) et du Mali (1,2 milliard de dollars). Ces 8 pays reçoivent plus de 70% des transferts d’argent à destination de l’Afrique subsaharienne.

Transferts des migrants des 10 premiers pays bénéficiaires africains

PaysRang AfriqueTransferts en 2023 (en milliards de dollars)Transferts en 2022 (en milliards de dollars)Variations 2023/2022
Nigeria1er19,5020,10-2,98%
Egypte2e19,5028,20-30,85
Maroc3e11,8011,205,36%
Ghana4e4,604,70-2,13%
Kenya5e4,204,102,44%
Zimbabwe6e3,103,100%
Sénégal7e2,902,5016%
Tunisie8e2,703,1-12,90%
Algérie9e1,901,805,55%
RDC10e1,401,70-17,65%

Source: données de la Banque mondiale

Ces transferts d’argent ont des impacts positifs sur les économies africaines. Ils constituent des soutiens importants aux familles bénéficiaires et contribuent fortement aux budgets de nombreuses familles, à la scolarisation des enfants, au développement de petits projets…

Pour les Etats, ces transferts constituent de véritables sources de devises et sont essentiels pour les réserves de change de nombreux pays du continent. Et les pays les plus dépendants des transferts de leur diaspora sont la Gambie, le Lesotho, les Comores, le Liberia et le Cap Vert, avec des transferts représentant respectivement 23,3% du produit intérieur brut (PIB), 21,9%, 21,0%, 18,2% et 12,5%.

Enfin, concernant le coût des transferts des migrants, au niveau de la région Afrique du Nord, celui-ci a connu une baisse en s’établissant à 5,9% au quatrième trimestre 2023, contre 6,7% un an plus tôt, reflétant une baisse de 73 points de base. Par contre, au niveau de l’Afrique subsaharienne, le coût reste élevé. Pour un transfert de 200 dollars, le taux pratiqué a été de 7,9% au niveau de la région, soit l’un des plus élevés au monde. Dans certains pays, ce coût est à deux chiffres. Une situation qui favorise le recours au marché parallèle pour les transferts des migrants.

Par Moussa Diop
Le 05/07/2024 à 10h37