Le développement du continent passe obligatoire par son industrialisation. Et celle-ci devrait s’appuyer avant tout sur la transformation d’une partie des importantes matières premières et agricoles dont regorge le continent. Or, à l’heure actuelle, rares sont les pays du continent qui transforment localement leurs ressources naturelles et agricoles. Celles-ci sont exportées essentiellement à l’état brut sans aucune valeur ajoutée avant d’être transformées dans les pays développés.
Depuis quelques décennies, des pays africains essayent de sortir de leur cantonnement d’exportateurs de matières premières et d’importateurs de produits finis, sans grand succès. Toutefois, de plus en plus de pays africains optent pour la transformation locale. Et si nombre d’entre eux continuent d’annoncer leurs intentions sans les concrétiser, d’autres ont franchi le pas ou sont en train de le faire.
Le Ghana est le premier producteur d'or d'Afrique. La production a atteint 4 millions d'onces en 2023.. DR
Parmi les pays engagés sur cette voie figure le Ghana, premier producteur africain d’or, troisième producteur de manganèse, deuxième producteur de cacao,…
Ainsi, conscient du manque à gagner qui résulte de l’exportation de l’or à l’état brut, le Ghana a inauguré, le jeudi 8 août 2024, la première raffinerie ultramoderne d’or du pays et de l’Afrique de l’uest: la Royal Ghana Gold Refinery (Raffinerie d’or royale du Ghana).
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Cette raffinerie devrait être la seconde en Afrique, après Rand Refinery d’Afrique du Sud, à obtenir la prestigieuse Certification Good Delivery Bar de l’Association des professionnels du marché des métaux précieux de Londres (LBMA). Cette raffinerie ultramoderne est, selon le vice-président Mahamudu Bawumia, une «réalisation historique en faveur de la transformation économique et de l’industrialisation» du Ghana».
La Royal Ghana Gold Refinery est le fruit d’un partenariat entre la Banque du Ghana et la société indienne Rosy Royal Minerals Limited. Elle aura une capacité de production quotidienne de 400 kilogrammes d’or, soit une capacité de traitement de 120 tonnes par an. Cette unité ultramoderne a donc la capacité de traiter la quasi totalité de l’or produit dans ce pays, soit en moyenne 4 millions d’onces par an.
Avec cette raffinerie, le Ghana souhaite consolider son rôle de leader du continent, mais surtout accroître la valeur ajoutée de l’or extrait dans son sol. En effet, à date d’aujourd’hui, la totalité de l’or produit au Ghana est exporté à l’état brut. Or, le métal jaune représente environ 96% des exportations de minerais et presque la moitié des exportations totales du pays.
Les exportations brutes du métal jaune limitent les revenus engrangés par le pays du fait de l’absence de valeur ajoutée locale. L’or brut du Ghana est jusqu’à présent raffiné en Afrique du Sud ou dans d’autres pays, notamment en Suisse, les Emirats arabes unis…, privant le premier producteur africain de la valeur ajoutée et des emplois. En 2023, le Ghana a exporté 4,12 millions d’onces d’or, soit 128 tonnes, contre 3,7 millions d’onces (117 tonnes) en 2022, pour une valeur de 7,6 milliards de dollars de revenus.
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Outre l’or, le Ghana s’est engagé dans la réalisation de sa première raffinerie de manganèse, Ghana manganèse Company Limited. Cette unité sera réalisée à Nusta, au centre du pays et nécessitera 450 millions de dollars.
Selon le ministre ghanéen des Terres et des Ressources naturelles, cette infrastructure devrait permettre au Ghana d’accroître les revenus générés par le manganèse de 27 à 40%, comparativement aux ressources générées par des exportations brutes du minerai.
Le Ghana est le troisième producteur de manganèse d’Afrique, derrière le Gabon et l’Afrique du Sud. La mise en place de cette unité, en partenariat avec la compagnie chinoise Ningxia Tianyuan Manganese Industry Group Company Limited (TMI), s’inscrit dans une stratégie du gouvernement ghanéen visant à valoriser les minéraux verts. Le manganèse, qui, combiné au fer donne un acier résistant, est un minerai essentiel dans la fabrication des piles et des batteries utilisées véhicules électriques, mais aussi pour la fabrication d’engrais, de pesticides…
En exportant du manganèse raffiné, au lieu de la roche brute, le Ghana va accroître la valeur ajoutée locale, créer des emplois et générer davantage de ressources financières.
Le Ghana ne compte pas s’arrêter là. Les autorités ont également annoncé des investissements dans la transformation de la bauxite. Le pays produit de la bauxite trihydratée de première qualité depuis les années 1940. Le pays, onzième producteur mondial de bauxite en 2023, exporte en moyenne 1,2 million de tonnes de bauxite trihydratée à haute teneur.
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Actuellement, Ghana Bauxite Company est la seule compagnie qui exploite ce minerai dans le pays, alors que plusieurs sites de production sont identifiés. C’est dans cette optique que les autorités ghanéennes ont refusé de renouveler le bail du Chinois Bosai Mienrals qui exploitait la bauxite ghanéenne après avoir acquis en 2009 une participation de 80% dans le capital de Ghana Bauxite Company (GBC).
Avec le non-renouvellement du bail du chinois qui a pris fin en janvier 2022, les autorités ghanéennes ont fait comprendre que désormais, l’accent sera mis sur la transformation sur place de leur bauxite. «Nous ne pouvons pas, à notre époque moderne, nous permettre d’hésiter à valoriser nos ressources naturelles de bauxite. Nous devons accélérer notre développement industriel et nos activités de transformation», a déclaré le président.
Désormais, les autorités souhaitent mettre l’accent sur la transformation locale. C’est dans cette optique que s’inscrit la création de l’Industrie intégrée de l’aluminium du Ghana (Giadec) pour promouvoir et développer une industrie intégrée de l’aluminium au Ghana. La Giadec a sélectionné Rocksure International pour développer une mine et une raffinerie de bauxite pour un coût estimé à 1,2 milliard de dollars dont 79% du capital sera détenu par la holding publique.
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Et dans le sillage de cette politique de transformation industrielle, le Ghana a inauguré la raffinerie de pétrole de Tema, dans la région du Grand Accra. D’une capacité de traitement de 2 millions de barils par an pour sa première phase et 5 millions de barils à la fin de la seconde phase, cette raffinerie contribuera à asseoir l’indépendance énergétique du pays. Cette raffinerie permet au Ghana de raffiner son pétrole localement et de ne plus exporter du pétrole brut pour importer des carburants (essence, gasoil, fuel…).
«La mise en place de la raffinerie garantira, lorsque tout sera opérationnel, que le pays ne dépendra plus uniquement de sources extérieures pour le carburant, mais exploitera toutes les ressources naturelles pour alimenter le progrès de la nation», a souligné le président ghanéen Nana Akufo-Addo, lors de l’inauguration de la raffinerie.
Avant l’inauguration de cette raffinerie, 97% de la consommation de produits pétroliers au Ghana étaient importés. Tous ces projets s’inscrivent dans le cadre du programme d’industrialisation robuste du Ghana et qui s’inscrive dans le cadre de l’initiative «Ghana made» qui vise l’industrialisation du pays en transformant les ressources locales pour créer de la valeur ajoutée, de la croissance et des emplois.