Souvent pour relier, par les airs, deux capitales de deux pays africaines frontaliers, il faut emprunter des itinéraires de plusieurs heures en faisant des détours par l’Europe, l’Afrique du Nord ou le Moyen-Orient.
A titre d’illustration, pour relier Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), à Bangui, celle de la Centrafrique, deux pays d’Afrique centrale limitrophes dont les capitales sont distantes (à vol d’oiseau) de 1.031 km, il faut emprunter les services d’une compagnie aérienne soit européenne (Air France), nord-africaine (Royal Air Maroc) ou du Moyen-Orient (Emirates) pour relier les deux capitales avec des détours de plusieurs heures dans les capitales de ses pays. Et les exemples de ces détours sont nombreux au niveau du continent et limitent les déplacements aériens à cause des coûts élevés des tarifs des billets et des pertes de temps qu’occasionnent ces déplacements.
Une situation qui limite fortement le transport aérien intra-africain et qui fait que le continent, malgré son 1,3 milliard d’habitants soit 18% de la population mondiale, représente moins de 3% des activités du transport aérien dans le monde.
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L’une des principales raisons de cette situation, est la persistance des restrictions et obstacles comme le refus d’octroi de la 5e liberté de l’air par plusieurs pays africains. La 5e liberté est définie comme le droit accordé par un Etat à un autre, de débarquer et d’embarquer dans le premier Etat, des passagers en provenance ou à destination d’un troisième Etat. Celle-ci fait partie des cinq libertés de l’air (**) incluses dans la Convention de Chicago qui régit le transport aérien mondial depuis 1944.
En absence de cette 5e liberté, les compagnies aériennes du continent sont obligées de faire des trajets de «point-à-point». Plus clairement, à titre d’exemple, un vol de Royal Air Maroc peut desservir la Mauritanie en aller-retour ou le Sénégal en aller-Retour mais ne peut débarquer ou embarquer des passagers à Nouakchott (Mauritanie) puis continuer sur Dakar (Sénégal). Pour cela, il faut que la Mauritanie octroi la 5e liberté à Royal Air Maroc.
L’avantage de la 5e Liberté dans notre cas précis, c’est qu’il permet à Royal Air Maroc d’afficher un taux de remplissage meilleur en débarquant et embarquant des passagers à partir de Nouakchott. Ce qui accroit les gains par siège et permet à la compagnie de soutenir la concurrence et réduire les tarifs des billets qui sont élevés à cause des difficultés d’afficher des taux de remplissage rentables.
Seulement, au niveau du continent, en l’absence d’un marché commun de transport aérien, ce sont les accords bilatéraux sur les services aériens signés entre deux Etats qui ne couvrent que le trafic entre leurs deux territoires qui sont en vigueur.
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Face à cette situation, la Commission africaine de l’aviation civile (CAFAC) souhaite faire passer le taux d’implémentation de la 5e liberté en Afrique de 14,5% actuellement à 30% à l’horizon 2025.
Ainsi, avec l’octroi de droits de trafic de la 5e liberté, la connectivité aérienne en Afrique va connaître une forte hausse en permettant aux compagnies du continent qui font des vols dits de «point-à-point» de desservir plusieurs pays sur leur trajet.
A ce titre, en mars 2016, Royal Air Maroc avait activé pour la première fois son droit à la 5e liberté en lançant une ligne aérienne qui dessert d’un coup les aéroports d’Accra (Ghana), Freetown (Sierra Leone) et Monrovia (Liberia). Pour cela, il a fallu que la compagnie aérienne marocaine, non signataire de l’Accord de Yamoussoukro, installe un hub à Accra (Ghana) dont le pays est signataire de cet accord. L’accord «pour un ciel ouvert» de Yamoussoukro relatif aux droits de trafic aérien, a été conclu en 1999, et signé par 20 pays, mais peu la mettent en œuvre.
Du coup, ce sont les accords bilatéraux rigides qui régissent le transport aérien au niveau du continent entrainant une faible connectivité aérienne.
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En attendant, la mise en œuvre effective du projet pilote du Marché unique africain du transport aérien (Mutaa) par 17 pays africains (***), le 14 novembre dernier à Dakar, au Sénégal, devrait contribuer à booster la connectivité aérienne au niveau du continent.
Enfin, il faut souligner qu’à côté de l’obstacle de la 5e liberté, le transport aérien africain souffre également de nombreux autres maux: manque d’infrastructures, coûts élevé des billets à cause de diverses taxes, obstacles règlementaires…
Conséquence, les compagnies aériennes africaines sont, à l’exception d’Ethiopian Airlines, toutes déficitaires. Selon les estimations de l’Association internationale de transport aérien (IATA), pour la période 2020-2022, le secteur a perdu l’équivalent de 3,5 milliards de dollars. Et pour 2023, en dépit de la reprise du transport aérien mondial, le secteur devrait afficher une perte de 213 millions de dollars.
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Pourtant, le secteur du transport aérien africain dispose d’un immense potentiel inexploité. Outre sa population de plus de 1,3 milliard d’habitants balkanisés dans 54 Etats, la faiblesse des infrastructures et des moyens de transport terrestres, les distances entre les capitales africaines, le développement du tourisme et du commerce intra-africains… sont autant de facteurs qui militent pour le développement de la connectivité au niveau du continent.
Partant, avec l’effectivité souhaitée de la 5e liberté, la connectivité africaine sera meilleure et les compagnies aériennes seront beaucoup plus compétitives et pourront faire abaisser leurs coûts et par ricochet réduire les tarifs des billets et enclencher un cercle vertueux en poussant d’avantage d’Africains à prendre l’avion pour leurs voyages.
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(*): 5e liberté de l’air: droit d’embarquer et débarquer dans un Etat tiers des passagers à destination ou en provenance de tout autre Etat contractant.
(**): Les cinq libertés de l’air sont :
- Liberté de transit pacifique
- Liberté d’escale non commerciale (aux fins de ravitaillement en carburant, de réparation et de refuge),
- Liberté de transférer du trafic du territoire national vers tout autre pays,
- Liberté d’acheminer du trafic à partir de tout pays vers le territoire national
- Liberté d’embarquer et de débarquer du trafic à des points intermédiaires.
(***): Le projet pilote du Marché unique africain du transport aérien (Mutaa) a été signé par 17 pays: Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Cameroun, Ethiopie, Ghana, Kenya, Maroc, Mozambique, Namibie, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Afrique du Sud, Togo, Zambie, Niger et Gabon.