Les chefs d’Etats et de gouvernements africains vont se réunir les 18 et 19 février à Addis-Abeba (Ethiopie), lors du 36e sommet de l’Union africain. Un sommet qui portera notamment sur l’accélération de la Zlecaf, le marché commun africain, qui devait être effectif depuis le 1er juillet 2020 avant d’être repoussée à cause de la pandémie du Covid-19. Un marché commun qui pourrait accélérer la croissance africaine dans un contexte international difficile.
«Alors que l’économie mondiale est en proie aux bouleversements provoqués par la pandémie du Covid-19, la création de la Zlecaf, vaste marché régional, constitue une occasion à saisir par les pays africains afin de diversifier leurs exportations, accélérer leur croissance et attirer les investissements directs étrangers», souligne d’emblée le rapport de la Banque mondiale intitulé : «Zone de libre-échange continentale africaine: effets économiques et redistributifs» et qui a pour finalité «d’aider les dirigeants africains à mettre en œuvre des politiques susceptibles de maximiser les bénéfices potentiels de l’accord tout en minimisant les risques».
Ce marché commun est la plus grande zone de libre-échange du monde avec 54 pays représentés comptant 1,3 milliard d’habitants.
Concrètement, l’accord se traduira par une baisse significative des droits de douane entre les pays membres. Selon le rapport de la Banque mondiale, conformément aux négociations en cours, le modèle suppose des réductions de barrières tarifaires et non tarifaires et des goulots d’étranglement de la facilitation des échanges, les tarifs sur le commerce intracontinental sont progressivement réduits selon un calendrier bien défini.
Ainsi, il était prévu, pour les barrières tarifaires, à partir de 2020, les droits de douane sur 90% des lignes tarifaires seront éliminés sur une période de 5 ans (10 ans pour les pays les moins avancés). A partir de 2025, les droits de douane sur 7% supplémentaires de lignes tarifaires seront éliminés sur une période de 5 ans (8 ans pour les pays les moins avancés). Et jusqu’à 3% du tarif sur les lignes qui ne représentent pas plus de 10% des importations intra-africaines pourraient être exclus de la libéralisation d’ici la fin de 2030.
A noter que la première phase de l’accord, n’est entrée en vigueur qu’en janvier 2021 et éliminera progressivement les droits de douane sur 90% des marchandises et réduira les obstacles au commerce des services. Selon la Banque mondiale, «à elle seule, cette mesure permettrait de développer les échanges et d’augmenter le revenu réel de 7% d’ici à 2035».
L’accord traite également les aspects de politique générale liés à la facilitation des échanges et aux services. Il englobe également les dispositions réglementaires telles que les normes sanitaires et les barrières techniques au commerce.
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Toutefois, la mise en œuvre effective du marché commun africain devrait contribuer à mener à bien les réformes de fond nécessaires pour stimuler la croissance à long terme dans les pays africains. Selon la Banque mondiale, «si elle est pleinement mise en œuvre, la Zlecaf permettrait de réorganiser les marchés et les économies de la région et de stimuler la production dans les secteurs des services, de l’industrie manufacturière et des ressources naturelles». D’ailleurs, dans la perspective de la mise en place effective de la Zlecaf, de nombreux pays africains mettent en place des stratégies de transformation de leurs produits locaux pour plus de valeur ajoutée et pour mieux augmenter leurs parts dans les échanges intra-africains.
Concernant les retombées, le rapport souligne que «la Zlecaf représente une véritable occasion de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans les pays concernés».
Au niveau des chiffres, la Banque mondiale estime que la Zlecaf va augmenter les revenus du continent de 450 milliards de dollars d’ici 2035. Ce qui est important sachant que le PIB du continent se situe actuellement autour de 3.400 milliards de dollars. C’est dire l’important gain que procurerait la mise en place de ce marché commun africain. En clair, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, la libéralisation des tarifs douaniers n’est pas le principal facteur de gain. Si elle est jugée importante, à elle seule, «elle n’augmenterait les revenus du continent que de 0,2%». Sur les 450 milliards de dollars de gains potentiels, «292 milliards de dollars proviendraient du renforcement des mesures de facilitation des échanges qui visent à lever les freins bureaucratique et à simplifier les procédures douanières».
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En clair, ce sont les mesures de facilitation des échanges accompagnant la baisse des droits de douane qui génèreront des gains potentiels. A ce titre, les Etats sont appelés à «réduire les formalités administratives, simplifier les procédures douanières et favoriser l’intégration des entreprises africaines dans les chaînes d’approvisionnement mondiales». Ce n’est pas une tâche facile sachant que même au niveau des communautés régionales, à l’instar des pays de la CEDEA0, si les droits de douane ne posent pas de problème pour les produits locaux, les opérateurs économiques font face à des tracasseries administratives importante pour franchir les frontières.
Partant, souligne le rapport, «la création d’un marché à l’échelle du continent exigera une action volontariste pour réduire tous les coûts commerciaux. Il faudra pour cela adopter des lois et règlementation permettant aux marchandises, aux capitaux et aux informations de traverser librement les frontières, de créer un environnement commercial compétitif à même de stimuler la productivité et l’investissement, et de promouvoir la compétitivité vis-à-vis de l’extérieur ainsi que les investissements directs étrangers pour favoriser la productivité et l’innovation des entreprises nationales».
Reste que tous les pays ne tireront pas profit de la même manière de la mise en place du marché commun, comme en atteste le tableau de bord de l’impact de la Zlecaf sur les économies africaines.
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Et au niveau des exportations, le marché commun devrait permettre d’accroître les exportations africaines de 560 milliards de dollars essentiellement dans le secteur manufacturier. Une situation qui résulterait de la transformation des économies africaines qu’entrainerait la zone de libre-échange en incitant davantage de pays à se lancer dans la transformation de leurs matières premières et agricoles.
Gains attendus de la Zlecaf à l’horizon 2035
Source: Banque Mondiale
Au-delà, «La Zone de libre-échange continentale africaine pourrait permettre aux pays africains de faire sortir de l’extrême pauvreté 30 millions d’habitants et d’accroitre le revenu de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour», selon l’institution.
Pour autant, la Zlecaf se traduira dans certains pays par des destructions d’emplois dans certains secteurs. Les Etats devront concevoir des politiques visant à mieux préparer la main d’œuvre à tirer profit des nouvelles opportunités qu’offre le marché commun et soutenir ceux qui ont perdu leur emploi via la mise en place de filets de sécurité et des dispositifs de reconversion.