Zones économiques spéciales en Afrique: 9 pays montrent la voie, leurs forces et faiblesses

ZES de Tanger.

Le 29/12/2024 à 15h23

Un rapport cosigné par l’ONUDI dresse l’état des lieux des zones économiques spéciales africaines. En tout, 63 sont recensées dans 26 pays mais leur taux d’occupation n’excède pas les 70%.

L’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI) et l’Organisation des zones économiques africaines (AEZO) ont récemment conclu un partenariat pour améliorer la quantité et la qualité des zones économiques spéciales (ZES) en Afrique. L’un des enjeux est d’améliorer la transparence et les informations disponibles pour promouvoir les investissements privés dans ces ZES et augmenter leur taux d’occupation actuel de 70%. «Les SEZ jouent un rôle crucial dans la promotion d’une industrialisation inclusive et durable. Les pays africains ont fait d’importants progrès dans l’amélioration de leurs environnements des affaires ces dernières années, et les SEZ ont été des outils clés», souligne Gerd Müller, Directeur Général de l’ONUDI.

Les deux parties utilisent le terme « zones économiques spéciales» (SEZ) pour désigner des territoires circonscrits au sein d’un pays, dotés d’un cadre réglementaire, fiscal opérationnel et dérogatoire par rapport au droit commun national. Elles visent à créer un environnement économique attractif et compétitif afin de stimuler les investissements directs étrangers et locaux dans des secteurs ciblés pour l’industrialisation, les services à haute valeur ajoutée, la logistique et les activités exportatrices.

Contrairement aux zones industrielles classiques principalement dédiées aux activités manufacturières, les ZES adoptent une approche plus diversifiée et intégrée, allant au-delà du simple volet productif. Elles offrent un écosystème complet comprenant des avantages tels que des régimes fiscaux et douaniers préférentiels, un cadre réglementaire allégé, des infrastructures de qualité, un accompagnement des investisseurs via des guichets uniques, ainsi que parfois des régimes de travail spécifiques. Ces mesures dérogatoires visent à compenser les handicaps de compétitivité du pays d’accueil et à attirer des capitaux, des technologies et du savoir-faire étrangers.

Au-delà de cette attractivité, les ZES modernes poursuivent des objectifs de transfert de technologies, de création d’emplois qualifiés, de développement des compétences locales, d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales et régionales.

Un rapport conjoint ONUDI-AEZO, basé sur les données de 63 ZES dans 26 pays africains, examine l’état actuel et le potentiel des ZES africaines. Il identifie trois axes stratégiques : améliorer la gouvernance, utiliser les outils numériques et se diversifier vers de nouveaux secteurs.

Selon ce rapport, neuf pays africains se distinguent pour avoir au moins deux zones économiques spéciales (SEZ) sur leur territoire: Nigéria (16), Éthiopie (10), Sénégal (6), Maurice (3), Afrique du Sud (3), Maroc (2), le Soudan (2), Tunisie (2) et Ouganda (2).

Il faut dire que les 63 SEZ africaines sont réparties de manière inégale sur le continent, avec une forte concentration dans les régions de l’Afrique de l’Ouest et de l’Est. Le Nigéria et l’Éthiopie abritent à eux seuls 42,2% des SEZ étudiées, reflétant les efforts déployés par ces pays pour attirer les investissements étrangers et stimuler l’industrialisation.

Où les localiser

Avec 16 SEZ recensées, soit 26,6% du total des réponses collectées pour l’enquête, les zones économiques spéciales du Nigeria sont réparties dans différentes régions du pays, reflétant la volonté du gouvernement d’attirer les investissements partout sur le territoire. Les principales activités présentes sont l’agroalimentaire, les industries manufacturières et les services.

L’Éthiopie, avec 10 SEZ opérationnelles, les concentrent dans la capitale Addis-Abeba et ses environs. Ces zones accueillent des entreprises de textile, d’agroalimentaire et de technologies de l’information.

Le Sénégal, avec 6 SEZ, cible les secteurs de l’agroalimentaire, des services et des énergies renouvelables. Parmi elles figure la Zone Économique Spéciale Intégrée de Diamniadio, à proximité de Dakar.

L’Île Maurice compte 3 SEZ tournées vers les services financiers, les technologies de l’information et le tourisme. Également l’Afrique du Sud, avec 3 SEZ axées sur les industries manufacturières, l’agroalimentaire et la logistique.

Le Maroc compte 2 SEZ à Tanger et Kenitra, spécialisées dans l’automobile et l’aéronautique. Avec chacun 2 SEZ, celles du Soudan et la Tunisie ciblent principalement les secteurs de l’agroalimentaire et des industries légères. Les 2 SEZ de L’Ouganda ciblent l’agroalimentaire et les services.

Plusieurs autres pays (Angola, Cameroun, Cap-Vert, Djibouti, Gabon, Ghana, Guinée, Kenya, Libye, Lesotho, Mali, Mozambique, Mauritanie, Rwanda, Eswatini, Zambie et Zimbabwe) ont chacun une SEZ recensée chacun.

Agro-industrie, prêt-à-porter, TIC

Les activités économiques menées au sein de ces SEZ sont principalement liées à l’agro-industrie et à la confection de vêtements prêt-à-porter. Cependant, certains pays comme Maurice et l’Afrique du Sud ont diversifié leurs SEZ en intégrant des secteurs tels que les technologies de l’information et de la communication (TIC), la finance et le tourisme.

Pour attirer les investisseurs, ces pays proposent une panoplie d’avantages fiscaux et de facilités administratives. Parmi ces mesures figurent les exemptions d’impôts, les procédures simplifiées, l’accès à des infrastructures modernes et la création de guichets uniques.

Conscients de l’importance du développement durable, plusieurs de ces pays ont adopté des mesures pour rendre leurs SEZ plus respectueuses de l’environnement. Ils encouragent l’utilisation des énergies renouvelables, la gestion efficace des ressources et la mise en place de pratiques écologiques.

Il faut dire que les SEZ occupent une place centrale dans les stratégies de développement économique et d’industrialisation de ces pays. Elles sont perçues comme des catalyseurs pour attirer les investissements étrangers, créer des emplois, développer les compétences locales et favoriser les transferts de technologie.

L’impact des SEZ sur l’emploi et le développement des compétences varie d’un pays à l’autre. Certains, comme le Maroc et la Tunisie, ont réussi à créer des milliers d’emplois et à former une main-d’œuvre qualifiée grâce à leurs SEZ. D’autres pays peinent encore à maximiser ces retombées socio-économiques.

Dans le contexte de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), les SEZ jouent un rôle crucial dans l’intégration régionale et le commerce intra-africain. Elles facilitent les échanges commerciaux, favorisent la création de chaînes de valeur régionales et renforcent la compétitivité des entreprises africaines.

Forces et faiblesses

Cependant, les pays africains font face à plusieurs défis dans la gestion et le développement de leurs SEZ. Parmi ces défis figurent la qualité de la gouvernance, l’accès aux technologies numériques, la diversification sectorielle et la durabilité environnementale.

Pour relever ces défis, certains pays ont adopté des meilleures pratiques, telles que le renforcement des capacités institutionnelles, la promotion de l’industrie 4.0 et l’adoption de stratégies de diversification sectorielle. D’autres pays encouragent la participation du secteur privé et les partenariats public-privé dans le développement de leurs SEZ.

Selon le rapport, les perspectives d’avenir pour les SEZ en Afrique sont prometteuses, mais dépendront de la capacité des pays à relever les défis actuels et à tirer parti des opportunités offertes par la ZLECAf et la transition numérique.

En définitive, la publication de l’ONUDI et le rapport conjoint avec l’AEZO mettent en lumière les réalités des SEZ africaines, leurs forces et leurs faiblesses. Les deux organisations appellent à une action concertée pour exploiter pleinement le potentiel des SEZ en tant que moteurs de l’industrialisation, de la création d’emplois et de l’intégration régionale en Afrique.

Localisation des 63 zones économiques spéciales (ZES) en Afrique

PaysNombre de ZES opérationnelles
Nigeria16
Éthiopie10
Sénégal6
Île Maurice3
Afrique du Sud3
Maroc2
Soudan2
Tunisie2
Ouganda2
Angola1
Cameroun1
Cap-Vert1
Djibouti1
Gabon1
Guinée1
Kenya1
Libye1
Lesotho1
Mali1
Mozambique1
Mauritanie1
Rwanda1
Eswatini1
Zambie1
Zimbabwe1

Source : ONUDI et AEZO.

Par Modeste Kouamé
Le 29/12/2024 à 15h23