Au fil du temps, et avec les effets de la crise de l'emploi, les Gabonais se mettent de plus en plus aux métiers manuels, avec des résultats encourageants. L'incroyable reconversion d'une vingtaine de jeunes Gabonais autrefois en conflit avec la loi, qui ont décidé de prendre leur destin en main à partir d'une expérience partagée dans les métiers de la menuiserie, la tapisserie et l'ébénisterie, en émeut plus d'un.
Il suffit de partager quelques heures de travail en atelier avec Judes, Warren, Rodestin et les autres de la bande pour se rendre compte de leur dextérité. Leur âge varie entre 18 et 30 ans. Ils ont décidé depuis quelques années de se constituer en groupement d'intérêt économique (GIE) à partir des revenus de leur activité de fabrication de meubles. La prise de conscience de ces jeunes est structurée autour d'une plate-forme dénommée Association des jeunes combattants pour le développement du Gabon (AJCDG).
«Avant de monter cette association, j'ai d'abord conscientisé ces jeunes en leur disant que le chemin que nous avions pris avant n'était pas le bon. Il fallait changer et nous engager dans un challenge pour nous-mêmes pour montrer à nos différents parents que nous pouvons changer du jour au lendemain. Et c'est un défi que nous nous sommes lancé. Nous avons un caisse. Au-delà de travailler chacun pour ses revenus en vendant les meubles, chaque membre de l'association doit penser à nourrir la caisse», explique Judes Koumbo Mombo, président de l'AJCDG.
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Dans cette dynamique impulsée par l'association, ces jeunes sont déterminés à résoudre leurs problèmes et non à en faire partie. «Ça me fait plaisir de faire partie du groupe pour la vision du Gabon. Parce qu'on a nos petits frères qui peuvent venir ici demain apprendre le travail et se débrouiller. J'appelle donc d'autres jeunes à adhérer à cette association pour venir combattre», lance pour sa part Warren Minkolo, menuisier.
Comme on peut donc le voir entre quelques coups de marteau contre les morceaux de bois qui servent à monter les chaises ou les lits, ces jeunes ont des choses à dire. Dans leur récit d'un passé trouble, la violence n’est jamais bien loin, du petit acte d’apparence anodine aux faits les plus intolérables. Ils se sont longtemps tus. Désormais, leurs voix s’élèvent et se rejoignent. Tout en nuance et finesse. Aujourd’hui, ils nous font don de leur savoir, de leur expérience, d’une part de leur vie avec une grande résolution qui cimente leur relation: l'autonomisation, une recette d'école apprise auprès des expatriés du quartier PK7 à Libreville.
Rodestin Moukala Malelas, tapissier et trésorier de l'AJCDG nous explique: «Nous avons appris le métier auprès de nos frères expatriés. Je me suis orienté vers la tapisserie, parce que c'est le domaine dans lequel je me retrouvais. Pour être un homme qui a de la valeur, il faut avoir un métier. Et ce que j'ai appris, je le partage déjà auprès d'autres jeunes ici en atelier.»
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L'AJCDG est l'une des rares plate-formes du genre à Libreville. Son ambition est de servir de locomotive à une jeunesse encore en perte de vitesse. Pour son fonctionnement, l'association est parrainé par Dane Moungouada, un ancien militant et leader des mouvements de jeunesse. «Je suis là pour les encourager à avancer, pour leur dire que ce qu'ils ont mis en place, c'est une bonne chose. J'ai ce devoir vis-à-vis d'eux car ce sont mes petits frères. Moi même j'ai grandi dans le quartier», affirme-t-il.
L'association compte environ une quarantaine de membres aux profils croisés qui ont connu le décrochage scolaire à un âge précoce. Sur la route de leur autonomisation, ils misent sur leurs atouts individuels et collectifs pour relever les défis de l'entrepreneuriat des jeunes au Gabon.