Dans un tribunal placé sous haute protection policière et devant une salle bondée, le procureur Sidy Souleymane Ndiaye a requis contre sept des huit prévenus la même peine d’emprisonnement de cinq ans, assortie d’une amende de deux millions de francs guinéens chacun (194 euros).
Il a demandé la relaxe du huitième prévenu. Les prévenus sont des dirigeants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), collectif à l’origine de l’appel aux manifestations qui ont secoué Conakry et plusieurs villes de Guinée. Ces manifestations ont fait plusieurs morts en début de semaine.
Le procureur a assimilé cet appel à “un appel à l’insurrection”. Il a parlé de “propos insidieux, graves et dangereux pour l’ordre public”.
Lire aussi : Vidéos. Guinée: après les morts du lundi, une marée humaine contre le 3e mandat ce mardi
Les autorités affirment que le mouvement est illégal, faute de déclaration préalable. Il justifie depuis le début la répression de la contestation par le risque pour la sécurité publique. Le procureur a aussi noté que le FNDC avait appelé à paralyser les mines, les banques et toute l’activité économique.
Les avocats des prévenus ont contesté que leurs clients aient appelé aux troubles et ont plaidé leur relaxe.
“En prison ou en liberté, je me battrai contre la politique d’Alpha Condé pour un troisième mandat, je me battrai pour empêcher Alpha Condé d’avoir un troisième mandat”, a dit un des prévenus, Ibrahima Diallo.
“La Constitution guinéenne n’est pas un chiffon”
“La Constitution guinéenne n’est pas un chiffon”, a dit une des avocates, Halimatou Camara, qualifiant les partisans d’un troisième mandat de “pyromanes”, dans une mise en garde contre le risque d’escalade si Alpha Condé confirmait les desseins qui lui sont attribués.
Lire aussi : Guinée. Manifestations de l'opposition: 4 manifestants et un gendarme tués
La contestation a déjà fait dix morts parmi les manifestants et 70 blessés par balle, et donné lieu à près de 200 arrestations, selon le FNDC. Les autorités parlent de neuf morts.
Le FNDC entend faire barrage au projet prêté au président Condé de faire réviser la Constitution pour se présenter à sa propre succession à l’expiration de son deuxième mandat en octobre 2020. L’actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats.
L’ONG Human Rights Watch a réclamé l’arrêt de la répression, la libération des personnes arrêtées et une enquête sur les violences. Les autorités ont interdit toute manifestation depuis juillet 2018, mais la répression s’est durcie ces derniers jours.
Lire aussi : Guinée: un adolescent tué et des blessés dans les heurts à Conakry
Elle rappelle avoir abondamment dénoncé par le passé “l’usage excessif de la force létale” par les policiers et les gendarmes guinéens lors de manifestations et les actes de brutalité contre les manifestants. Elle fustige “l’impunité quasiment totale” des forces de sécurité. “L’interdiction systématique de toute manifestation, l’arrestation arbitraire de responsables de la société civile et le recours à la violence pour disperser les manifestants montrent que le gouvernement est prêt à fouler au pied les droits humains pour réprimer la contestation”, écrit-elle.
La communauté internationale s’alarme des tensions actuelles dans un pays pauvre malgré ses importantes ressources minières, à la stabilité incertaine, coutumier des protestations et des répressions extrêmement violentes.