Les militaires ont également de nouveau évoqué dans leurs derniers communiqués, lus à la télévision nationale ou diffusés sur les réseaux sociaux, la prochaine ouverture d'une "concertation" nationale pour définir les modalités de la transition politique dans ce pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, important producteur de minerai, notamment de bauxite.
Il reviendra au futur gouvernement "d'union nationale" de conduire cette transition, a précisé mardi dans un tweet le chef du "Comité national du rassemblement et du développement" (CNRD), le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya.
Le lieutenant-colonel Doumbouya a par ailleurs donné instruction au "ministère de la Justice ce jour (lundi) de se mettre en rapport avec le parquet général, l'administration pénitentiaire et les avocats afin de faire une analyse approfondie du dossier des détenus politiques pour leur libération dans un meilleur délai", selon un communiqué lu au journal télévisé lundi soir.
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de mouvements politiques et de la société civile qui a mené la contestation contre le troisième mandat controversé de M. Condé, avait appelé la population de Conakry à aller accueillir ses membres qui devaient être libérés à partir de lundi à la mi-journée selon lui.
Mais, malgré un gros attroupement auprès de la prison centrale, ces libérations n'ont pas encore eu lieu.
Les militaires ont instauré un couvre-feu et fermé les frontières, avant d'en annoncer lundi la réouverture.
L'apparent épilogue de plus de dix années de régime d'Alpha Condé a suscité une large réprobation internationale, notamment de l'Union africaine (UA) qui a appelé lundi soir à la "libération immédiate" de M. Condé et au "retour à l'ordre constitutionnel", et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
- "Construire une démocratie apaisée" -
Mais le coup d'Etat, après des mois de crise politique et socio-économique, aggravée par la pandémie de Covid-19, a suscité des explosions joie à Conakry, où de nombreux habitants continuaient à acclamer les militaires à leur passage aux cris de "liberté, liberté!".
Une coalition de l'opposition dirigée par le principal adversaire de M. Condé, l'ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, l'Alliance nationale pour l'alternance et la démocratie (Anad), a exprimé son soutien au nouveau pouvoir militaire "dans l'effort qui vise à construire une démocratie apaisée" en Guinée.
"L'Anad exhorte le CNRD à inscrire dans ses responsabilités prioritaires la mise en place d'institutions légitimes capables de mettre en œuvre les réformes pouvant conduire rapidement le pays à la réconciliation nationale et à l'instauration de l'Etat de droit", selon un communiqué.
Par ailleurs, le parti de M. Diallo, l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) a indiqué avoir recouvré lundi l'accès à son siège et à ses bureaux en banlieue de Conakry, fermés par les forces de sécurité au lendemain de la réélection de M. Condé pour un troisième mandat en octobre 2020, vivement contestée par l'UFDG.
Les forces spéciales disent avoir capturé le président Condé pour mettre fin à "la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique" ou encore "le piétinement des droits des citoyens" et vouloir rendre "la politique au peuple".
Elles ont dissous le gouvernement et les institutions et aboli la Constitution qu'avait fait adopter M. Condé en 2020, invoquant ce changement de loi fondamentale pour se représenter après deux mandats, malgré des mois de contestation meurtrière.
Aucun décès n'a été rapporté officiellement dans le putsch. Mais le journal électronique Guinéenews a fait état d'au moins cinq morts dans les rangs des forces présidentielles.
Les nouveaux maîtres du pays se sont par ailleurs efforcés de rassurer les partenaires et investisseurs étrangers ainsi que leurs concitoyens.
Le lieutenant-colonel Doumbouya s'est ainsi engagé lundi lors de sa première apparition en public au respect de tous les contrats économiques et miniers et à éviter toute "chasse aux sorcières".
Il a néanmoins tancé les anciens ministres en leur interdisant de quitter le territoire et en leur intimant de rendre leurs documents de voyage et leur véhicule de fonction.
Ce coup d'Etat contre M. Condé, ancien opposant historique mais critiqué pour un exercice jugé de plus en plus solitaire du pouvoir, s'inscrit dans l'histoire tourmentée d'un pays dirigé pendant des décennies depuis l'indépendance en 1958 par des régimes autoritaires ou dictatoriaux, et coutumier des actions brutales de ses forces armées.