L'ombre de Sarkozy plane sur les groupes terroristes au Sahel

L'ancien président français Nicolas Sarkozy.

L'ancien président français Nicolas Sarkozy. . DR

Le 05/01/2018 à 10h16, mis à jour le 05/01/2018 à 12h11

La politique sécuritaire aventureuse de Nicolas Sarkozy est à l'origine du retour au Mali, sur la base d'un accord secret, de bandes armées touarègues, anciennement enrôlées dans l'armée de Kadhafi, qui ont déclenché la guerre au Nord Mali. C'est une révélation d'une spécialiste de la question.

La France de Nicolas Sarkozy est l’unique responsable de la propagation du terrorisme au Sahel, du fait d’une politique sécuritaire aventureuse à travers un engagement à éliminer par tous les moyens le pouvoir de Mouammar El Kadhafi, sans se soucier des conséquences de cette politique, tout en déstabilisant le régime d’Amadou Toumani Touré par son flanc Nord.

Cette analyse ressort d’une interview d’Hélène Claudot-Haward, anthropologue, directrice de recherche au CNRS, publiée jeudi par «Mondafrique» sous le titre "Les enjeux de la question touarègue".

A travers ses travaux les plus récents, cette spécialiste met un accent particulier sur «la place qu’occupent les mouvements touaregs dans la crise qui sévit actuellement dans la région sahélo-saharienne».

Dans cette interview, la chercheuse rappelle la division du territoire historique touareg en cinq Etats différents créés dans les années 1960, «des entités nouvelles se disant arabo-musulmanes (comme la Libye et l’Algérie) et d’autres sahéliennes à l’image du Mali, du Niger et du Burkina Faso».

La suite est un rappel douloureux des rebellions, de la répression dans le sang et de l’exil pour plusieurs centaines de milliers d’individus issus de la communauté en diverses vagues, suivant les années et les circonstances socio-politiques et sécuritaires.

Le journaliste fait ensuite une analyse de la position actuelle de la France au Mali, "où elle semble être prise en étau entre Ibrahim Boubacar Keita, qui refuse la négociation, et ses alliés touaregs du Nord"?.

En réponse, Hélène Claudot-Haward revient sur un passé plus récent, estimant que "parler des alliés touaregs de la France ne paraît pas adéquat. La France s’est simplement servie de certains Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et a profité de leur candeur politique pour faire revenir de Libye les éléments touaregs enrôlés dans l’armée de Kadhafi. Ces derniers représentaient en effet un obstacle militaire de taille par rapport au projet soutenu alors par Nicolas Sarkozy, de renversement du régime libyen".

Pour arriver à sa fin, Sarkozy n'a pas hésité à faire une offre aux Touaregs maliens de Kadhafi. Ainsi, "la contrepartie aurait été la promesse française de ne pas s’opposer à l’autonomie de l’Azawad, comme le précise un ancien cadre du MNLA, Hamma Ag Mahmoud, dans un entretien publié par le Matin du Sahara en janvier 2014. Il avance que l’objectif de la France était de déstabiliser le régime malien et son président, Amadou Toumani Touré».

Un accord secret qui permet de comprendre "les raisons pour lesquelles les dirigeants du MNLA se sont isolés des autres Touaregs, ceux des régions voisines, et pourquoi leurs revendications ont toujours été soigneusement limitées à un espace inter étatique jamais assumé comme touareg».

Les turpitudes et manœuvres de la France sous Sarkozy ont eu pour conséquences durables le renversement de Kadhafi, le délitement de l’Etat et la propagation de bandes armées qui ont totalement conquis le Nord du Mali, occupé pendant 9 mois entre mars 2012 et janvier 2013, en plus d’un coup d’Etat militaire à Bamako.

Les dégâts directs et collatéraux de cette politique aventureuse de la France s’étalaient encore au grand jour, malgré l’opération «Serval», sous la présidence de François Hollande, qui a chassé les bandes djihadistes du septentrion malien, sans toutefois annihiler leur capacité de nuisance.

Après avoir mis au point le dispositif «Barkane», la France tente aujourd’hui de se désengager en forçant la création d’une nouvelle force commune du G5 Sahel, dont les 5.000 hommes doivent être fournis par les armées du Burkina Faso, du Mali, de Mauritanie, du Niger et du Tchad. Une option dont les résultats sont loin d’être garantis, compte tenu de multiples contraintes et obstacles. 

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 05/01/2018 à 10h16, mis à jour le 05/01/2018 à 12h11