Si l’échec de la lutte contre les djihadistes maliens a poussé les nouvelles autorités maliennes à entamer des négociations avec les milices russes de Wagner, il n’en demeure pas moins que les membres de la junte au pouvoir ne négligent pas non plus l’option de négocier directement avec les djihadistes, particulièrement avec les deux principaux chefs locaux du djihadisme malien: Iyad Ag Ghaly, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et Amadou Kouffa qui dirige la Katiba Macina, affiliée au GSIM.
Et dans cette optique, les dirigeants de transition ont mandaté le Haut conseil islamique (HCI), présidé par l’imam Chérif Ousmane Madani Haïdara, pour entamer les négociations avec les deux dirigeants du djihadisme malien.
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Le HCI précise que ce choix est conforme au consensus exprimé lors du Dialogue national inclusif de fin 2019, au temps de l’ancien président Ibrahima Boubacar Keita (IBK). Lors de ce dialogue, les partis politiques, la sociétés civiles et toutes les parties prenantes avaient exprimé la «nécessité d’engager le dialogue avec les groupes radicaux maliens», en référence aux groupes djihadistes toujours actifs dans le nord et le centre du Mali. L’ancien président IBK avait même annoncé l’ouverture de canaux de discussions avec certains groupes armés djihadistes.
A noter que même le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutterres, avait déclaré dans les colonnes du quotidien français Le Monde, que le dialogue est possible avec certains groupes djihadistes. «Il y a des groupes avec lesquels on pourra discuter et qui auront intérêt à s’engager dans ce dialogue pour devenir des acteurs politiques du futur», a-t-il souligné.
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Toutefois, Paris voyait d’un mauvais œil ce dialogue. En octobre 2020, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, déclarait devant la presse, lors d’une visite au Mali: «disons les choses très clairement: il y a les accords de paix (…) et puis il y a les groupes terroristes qui n’ont pas signé les accords de paix (…) Les choses sont simples».
Plus explicite encore, en juin dernier, en marge du sommet de l’OTAN, le président français Emmanuel Macron avançait: «Pas de dialogue et de compromission» avec les djihadistes, avant d’annoncer «la fin de l’opération ”Barkhane”». Et d’ajouter qu'«on ne peut pas souffrir d’ambiguïté» et mener des opérations «avec des pouvoirs qui décident de discuter avec des groupes qui, à côté de cela, tirent sur nos enfants».
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En clair, le sujet oppose Bamako et Paris. Si Bamako juge que ce conflit qui s’étend vers le sud ne peut être gagné par les armes et qu’il faut négocier avec les djihadistes, Paris maintient que ce dialogue est impossible avec des groupes à l’origine de la mort de dizaines de soldats français. Elle avait écarté cette option déjà en 2017 lorsque les autorités maliennes avaient décidé de lancer un dialogue avec les GSIM.
Une chose est sure, après plus d’une décennie d’instabilité et face aux menaces djihadistes qui ne faiblissent pas, les autorités maliennes sont cette fois-ci décidées à ouvrir des canaux de dialogue avec les chefs radicaux maliens.
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D’ailleurs, le HCI avait négocié avec la Katiba de Macina un cessez-le-feu dans le cercle de Niono. C’est dire que le contact existe déjà entre le HCI et la Katiba Macina d’Amadou Kouffa.
Une décision qui intervient alors que les relations entre Paris et Bamako sont empoisonnées par les annonces de l’arrivée prochaine des milices Wagner dont le France n’en veut pas non plus au Mali.