Mali: le «kidnapping» des jeunes mariées, une pratique de plus en plus décriée

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Le 19/08/2016 à 17h25, mis à jour le 19/08/2016 à 20h20

Le phénomène de «kidnaping» de la jeune mariée est une pratique courante à Bamako, au Mali. Certains dérapages violents poussent de plus en plus de gens à demander la fin de cette pratique.

«Les dimanches à Bamako, c’est les jours de mariages». Ce refrain du célèbre couple d’artistes aveugles du Mali, Amadou et Mariam, qui a parcouru le monde entier est une réalité au Mali. Les jours de dimanche, le quotidien des Bamakois est rythmé par le bruit des cortèges de mariage à travers Bamako.

Seulement, lors des mariages dans la cité des trois Caïmans, on assiste à des scènes tout aussi ahurissantes que bizarres. Il s’agit de l’enlèvement et des supplices que les compagnons partageant la même corporation avec l’époux font subir à la nouvelle mariée, dès sa sortie de la mairie.

C’est une véritable corvée avant la nuit de noces pour la nouvelle mariée. Le phénomène autrefois réservé aux porteurs d’uniforme (militaire, police, gendarmerie, garde et sapeurs pompiers) s’est développé et s’est répandu à plusieurs autres corporations.

La pratique consiste à enlever la nouvelle mariée dès sa sortie de la mairie par des compagnons ou camarades du mari avant de disparaitre laissant le mari seul. Emmenée en lieu sûr, le voile de la jeune mariée est remplacé par une tenue militaire correcte.

Pendant des dizaines de minutes, la nouvelle mariée est soumise à une formation militaire pour, dit-on, lui apprendre le sens et les difficultés du métier de son mari. «C’était non seulement pour faire comprendre à la fille le labeur et les difficultés du gagne-pain de son époux, mais aussi et surtout préparer la nouvelle mariée à l’esprit militaire», explique un ancien militaire à la retraite qui ajoute que c’était une manière pour les compagnons d’arme de souhaiter la bienvenue à la nouvelle mariée.

Seulement, cette époque est révolue. Aujourd’hui, la pratique n’est plus l’apanage des porteurs d’uniformes. Elle s’est généralisée à d’autres corporations et autres groupes sociaux tels que les chauffeurs, les pratiquants d’arts martiaux, les mécaniciens, les charretiers, etc.

Du coup, en l’absence de rigueur et de discipline, le phénomène connaît quelques ratés. Ainsi, il n’est plus rare d’assister à une scène de ‘’bagarre rangée’’ devant une mairie entre pro et anti kidnapping. Les partisans de l’enlèvement, souvent plus déterminés, arrivent le plus souvent à leurs fins, parfois un peu violemment. Et le «calvaire» de la jeune mariée commence.

Si chez les chauffeurs, la jeune fille est embarquée au volant d’un véhicule, les épouses de mécaniciens, moins chanceuses se font porter par les membres de la profession avec leurs tenues de travail sales et huileuses vers un garage. Quant aux pratiquants d’arts martiaux, la nouvelle mariée est obligée de porter le kimono et exécuter quelques démonstrations.

Ce type de comportement n’est pas sans conséquences pour les nouvelles mariées. Certaines s’en sortent très mal, au point de tomber malade la nuit de noces.

Du coup, certains jeunes mariés, pour éviter que leurs épouses soient «kidnappées», donnent de l’argent ou font appel au service des gros bras qui viennent assurer la sécurité de la nouvelle mariée.

Face à la multiplication des dérapages, au sein de la société, des voix s’élèvent de plus en plus contre ce rapt des jeunes mariées à la mairie qui se fait de plus en plus violemment,…

Par Daouda Tougan Konaté (Bamako, correspondance)
Le 19/08/2016 à 17h25, mis à jour le 19/08/2016 à 20h20