Loin de la ferveur ou de la mobilisation que suscite la commémoration de la fête de Maouloud, de Ramadan ou encore de la fête du mouton (Tabaski), la célébration de l'Achoura au Mali se passe presque dans l’anonymat. Excepté les milieux religieux, on n’évoque presque pas cette fête musulmane. Pis, la grande majorité des Maliens (surtout la couche juvénile) ignore la date d’Achoura, voire son sens. Un tour dans les Grins (groupe de jeunes réuni autour du thé) suffit pour s'en rendre compte.
Adama Traoré, membre d’un Grin à Djicoroni Para en commune IV du district de Bamako. «Je vous assure que je ne le sais pas et personne ne m’en a encore parlé. Ce que je sais, c’est la fête de Ramadan, la Tabaski et le Maouloud», nous répond t-il, quand nous lui avons demandé s’il connaissait Achoura. Le plus âgé du Grin, Moussa Kéïta, tout en se moquant de son camarade d’ignorer sa religion, témoigne : «La fête d’Achoura n’est pas très connue au Mali. Il n’y a pas de communication autour de cette fête comme les autres. C’est nous les doyens qui en savent», se moque t-il des autres.
Quant à Ibrahim Sanogo, enseignant, il dit l’avoir appris à la mosquée. «C’est lors de la prière du vendredi que notre Imam l’a évoqué et surtout le sens de la célébration d’Achoura. J’aimerai garder cette date en tête, mais tant que vous ne maîtrisez pas le calendrier musulman, c’est difficile», affirme t-il.
Comme lui, beaucoup de Maliens ont été informés à la mosquée. C’était le cas à Hamdallaye ACI, près du 14e arrondissement. L’Imam Tounkara a surtout mis l’accent sur les bienfaits du jeûne de la veille et le jour d’Achoura.
Pour avoir le cœur net sur le peu d’engouement des Maliens pour cette fête, nous avons approché, Mohamed Macky Bah, président de l’Union des jeunes musulmans du Mali (UJMMA). Pour lui, c’est la faute à l’Etat qui ne fait pas d’Achoura, un jour férié au Mali.
«Achoura est une grande fête chez nous les musulmans. Cette date est célébrée par les fidèles musulmans à travers le monde. Au Mali, elle est moins connue du fait que le jour d’Achoura n’est pas déclaré férié. Si c’était le cas, vous verrez que la date d’Achoura serait retenue par beaucoup. C’est pourquoi, je demande aux autorités de déclarer Achoura, jour chômé et payé sur toute l’étendue du territoire national comme les autres fêtes religieuses».
Comme autre raison du peu de mobilisation, selon Bah, c’est la méconnaissance du calendrier hégirien. «Les gens ne connaissent pas le ‘’calendrier musulman’’. Achoura est le dixième jour du premier mois de l’année chez les musulmans. Beaucoup de gens ne savent pas cela et ne se réfèrent qu’au mois de janvier comme le début de nouvel an. Donc, il faut qu'en amont, les fidèles musulmans maîtrisent ce calendrier», explique le président de l’UJMMA.
Toutefois, dans les milieux religieux, Achoura est surtout fêté à travers la lecture du saint coran et les prêches. Dans toutes les mosquées et les lieux publics, les Imams et autres grands prêcheurs tiennent en haleine les fidèles qui feront le déplacement. Contrairement aux autres fêtes, ces lieux se désemplissent rapidement compte tenu du fait que les gens travaillent le lendemain. Dans les familles, la commémoration de cette journée se manifeste aussi par la préparation de plats copieux.